Théâtre

La fin du monde est pour dimanche… On est quel jour ?

"La fin du monde est pour dimanche", Théâtre du Rond-Point, Paris

Dans un one-man-show où il incarne différents personnages, François Morel nous invite à regarder l'anodin et le banal par le trou de serrure du bonheur, à draper le quotidien d'espièglerie et à détrousser la morosité par l'humour.



© Manuelle Toussaint.
Il est face public... dans un one-man-show composé de différentes scènes dans lequel le sérieux des situations vire au comique, le détail à l'important, l'anodin à l'essentiel. Et ce sur différents tempos, vif, statique ou lent. François Morel est différents personnages dans différents lieux. En grand-père, en ménagère, en gamin, en homme timide, en avocat général, au cirque, au sommet d'une montagne, dans une salle à manger, dans le métro, dans un procès.

L'imitation est de mise. Nous voilà avec un vieil homme et son petit-fils baignés dans les nuages, dans un wagon avec une personne voulant aborder une femme, dans une pièce avec une ménagère écoutant "Les rois mages" de Sheila ou en avocat général dans un réquisitoire contre le bonheur. Quel est le lien entre ces différentes situations ? C'est le rapport à la vie et à ce qui nous attache à elle, à ses instants anodins où le bonheur peut exister s'il est remarqué, appelé, câliné.

Le bonheur peut être simple comme ces moments croustillants : tomber amoureux avec ses abords timides et gauches, trouver une plénitude dans des chansons ou savourer une présence face à une vue panoramique. Ce sont des situations anodines qui peuvent se transformer en petits bonheurs où rien ne devient banal s'il est marqué d'une attention ou d'un regard soutenu et non machinal. C'est aussi et surtout le rapport à l'autre qui est mis en exergue au travers d'une voix, d'une silhouette ou d'un visage.

© Franck Moreau.
François Morel déploie un jeu scénique à l'opposé de ce qu'il raconte. Le débit est presque emphatique, bras toujours ouverts et jambes en situation de sprint. Ses mots courent, volent comme ses mouvements sur scène. Il est à la fois animateur de son propre spectacle et personnage dans les scènes. Les personnages qu'il incarne sont, à l'opposé de son rôle d'animateur, statiques, parlant et réagissant peu. Comme portés par une émotion ou une situation qui les dépasse. Il y a une césure opérée entre ces deux modes, celui narratif de "l'animateur" basé sur le verbe et le corps, et celui joué, vécu intérieurement par les personnages. Nous sommes entre l'ex-timité de la narration et l'intimité des émotions, entre l'extraversion de l'animateur et l'introversion des personnages. C'est un visage à la Janus, celui de biais et disert du présentateur-animateur et celui central mais mutique des personnages.

La vie est découpée en semaine avec pour chaque jour un âge, du lundi au dimanche, faisant de la semaine une période se déroulant de la naissance à la mort. L'enfant en bas âge est du lundi alors que le retraité est du WE.

© Manuelle Toussaint.
Morel apporte des pauses explicatives entre chaque scène. Le comédien devient l'intercesseur des scènes, un fil directeur. Nous sommes à cheval entre présentations et représentations, entre le Je de l'animateur et le jeu des personnages, entre M. Loyal et M. Jourdain, entre le dit du présentateur et le "vis" du personnage.

Qu'est-ce qu'il faut faire ? Comme le martèle dans une séquence de film une jeune femme les pieds dans l'eau. Morel nous invite à regarder différemment les situations, à dégrossir l'anodin pour le farcir de légèreté. Le spectacle est un bon bol d'air frais dans une période où la morosité a pris en otage, un peu/beaucoup, le sourire et l'enthousiasme de notre société.

À la fin du spectacle, tout s'enchevêtre avec François Morel remerciant toute l'équipe, régie et production comprises. Nous sommes dans le théâtre et ses à-côtés, avec son animateur et ses personnages, ses scènes et ses coulisses, un spectacle à double optique, à la fois central et de biais.

"La fin du monde est pour dimanche"

© Manuelle Toussaint.
Un spectacle de et avec François Morel.
Mise en scène : Benjamin Guillard.
Scénographie, lumières  et vidéo : Thierry Vareille.
Effets vidéo et post-production  : Étienne Waldt.
Assistanat lumière  : Alain Paradis.
Musique  : Antoine Sahler.
Son  : Mehdi Ahoudig.
Costumes  : Christine Patry.
Collaboration artistique  : Lionel Ménard.

Du 28 janvier au 28 février 2015.
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h.
Théâtre du Rond-Point, Salle Renault-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

Safidin Alouache
Mardi 10 Février 2015
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