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La fête à Boby : un hommage jazzy-jasé.. Mais c'est Bibi aurait dit Boby !

Si les chansons de Boby Lapointe ont donné (et donne encore) lieu à de nombreux hommages scéniques (dont l'excellent et mémorable spectacle "Aubade à Lydie" de Christine Costa dans les années quatre-vingts*), la chose est beaucoup plus rare dans le domaine discographique. "La Fête à Boby", CD que l'on doit à Jean-Marie Machado et André Minvielle, en est d'autant plus précieux... qu'il est remarquablement bien réussi.



Détail de l'affiche du spectacle © Cecil Mathieu.
Celui qui fut l'ami de Brassens ne connut pas sa célébrité malgré une œuvre de plus d'une cinquantaine de chansons, originale, iconoclaste et unique. Mais il laissa dans les mémoires de plusieurs générations des mélodies joyeuses portant des textes tissés de mots magiques aux rimes ludiques qui ont la particularité de procurer toujours autant de plaisir, tant à la lecture qu'à l'écoute (qualité rare, voire exceptionnelle). Et cela valait bien une Fête... à Boby Lapointe.

La première particularité de cette album hommage est que, sur les treize titres proposés, quatre sont des créations originales - textes d'André Minvielle et musiques de Jean-Marie Machado : "Boby en si Bibi", "Le vivant", "La fête à Boby"(orchestral) et "Papalà". L'occasion pour le pianiste et compositeur Jean-Marie Machado de dépasser le réarrangement des succès de Boby pour s'approprier son univers, créant des compositions musicales originales en symbiose avec l'écriture du chanteur slameur occitan (gascon) André Minvielle, et mettant en avant les talents des musiciens solistes de jazz de la formation Danzas (créée en 2008 par Machado), compagnons de cette aventure hors du commun.

© Cecil Mathieu.
La deuxième particularité réside dans le travail effectué par Jean-Marie Machado sur les neuf chansons choisis de Boby Lapointe. Évitant l’abstraction jazzistique qu'aurait pu engendrer l'écriture de Boby, souvent mathématique, à la linguistique parfois asynchrone, jouant de jeux de mots inversés en contrepèteries "rimiques" et rythmiques, il a su créer des arrangements dynamiques, souvent audacieux, mais toujours vivifiants, swinguants et festifs. Il a été aidé en cela bien sûr par André Minvielle (choix judicieux qui s'avère évident à l'écoute du CD) qui, en apportant son scat, son phrasé si particulier et reconnaissable, donne une énergie, une tonicité, une démesure quasi joviale à la prose "accentuée", "onomatopéique" de Boby Lapointe. Ajoutée à tout cela la parfaite cohésion orchestrale de Danzas qui habite littéralement les compositions de Machado. Ah ! Les envolées joviales des cuivres - ambiance aérienne de fanfare jazzy - sur "Ta Katie t'a quitté", le subtil jeu de piano de Jean-Marie Machado et la douceur de la flûte de Jocelyn Mienniel sur "Insomnie", le vibraphone étincelant, pétillant de Jean-Marc Quillet sur "L'hélicon" ou sur "Poisson Fa", ou enfin l'accordéon à la chaloupe parfaitement argentine de Didier Ithursarry sur "Lumière tango".

André Minvielle et Jean-Marie Machado © Cecil Mathieu.
Et quelle belle idée de commencer le CD par une chanson au swing nougaresque, "Boby en si Bibi", portée par la voix ensoleillée à l'accent enraciné au Sud d'André Minvielle, pour nous donner une courte mais humoristique biographie du héros, héraut, Hérault de Pézenas. Passant de l'enfance amusée d'apprenti musicien - entre solfège et archet - à la participation forcée au STO et les aventures de Robert Foulcan aux multiples petits métiers "gagne-pain" ; et finissant sur la méthode bibi-binaire (application du système hexadécimal inventée en 1968 par Boby), ensemble agrémenté de refrains scattés sur la prononciation de la numération Bibi : "Ho Ha He Hi/Bo Ba Be Bi/Boby or not to Bibi/Ko Ka Ke Ki/Do Da De Di/Boby or not to Bibi".

"La Fête à Boby" est un CD (mais également un spectacle) qui procure le bonheur de l'enfance, de ce bonheur qui nous donne conscience du vivant... Une cure de jouvence qui nous rappelle que les mots peuvent être magiques, enchanteurs et farceurs... Et que, dans dans les années soixante soixante-dix, ceux-ci avait leur "Merlin". Aujourd’hui, nous savons qu'il est toujours vivant, il se nomme Boby. Un magicien ne meurt jamais... Surtout quand ceux qui perpétuent ses sorts de mots à ressorts se nomment Jean-Marie Machado et André Minvielle. Et ça valait bien une fête... Une fête à qui ? Mais à Bibi aurait dit Boby !

*Christine Costa, "Aubade à Lydie" (création en 1977), hommage à Boby Lapointe, mise en scène collective avec Daniel Sanzey, Fabrice Costa, S. Belloc, D. Berdou., J. Sireau (à l'affiche du Café d’Edgar à Paris et 10 ans de tournée).

• Jean-Marie Machado & Danzas invitent André Minvielle "La Fête à Boby".
Sortie en octobre 2012.
Label : Bee Jazz. Distribution : Abeille Musique.

Danzas : Jean-Charles Richard (saxophones), Gueorgui Kornazov (trombone), Joce Mienniel (flûte), François Thuillier (tuba), Didier Ithursarry (accordéon), François Merville (batterie et percussions), Jean-Marc Quillet (vibraphone, percussions et voix sur piste 13).

• "La Fête à Boby" version scène.
17 octobre 2012 : Café de la Danse, Paris (Spécial sortie d'album).
11 novembre 2012 : Théâtre de Chelles (77).
17 novembre 2012 : Théâtre de la Vallée d'Yerres, Brunoy (91).
8 janvier 2013 : Le Moulin du Roc, Niort (79).
19 février 2013 : Centre des bords de Marne, Le Perreux (94).
9 et 10 avril 2013 : Scène Nationale, Sète (34).

Gil Chauveau
Mardi 16 Octobre 2012
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