Théâtre

La Comédie Poitou-Charentes, après plus de douze ans sans lieu fixe, s'implante enfin et se rebaptise Méta Up - CDN Poitiers Nouvelle-Aquitaine

Depuis 2012, ce Centre Dramatique National fonctionnait sans lieu dédié. Yves Beaumesnes, qui dirigea le centre de 2011 à 2021, proposa ainsi ses créations et sa programmation dans différentes salles de Poitiers et des environs. Nommée à sa tête en 2021, la nouvelle directrice, Pascale Daniel-Lacombe, donna l'impulsion pour enfin créer un lieu fixe pour diffuser le spectacle vivant, avec la double ambition du principe du réemploi et du semi-construire, et d'une démarche écoresponsable et innovante.



© Xavier Cantat.
L'université de Poitiers propose alors au Méta CDN un terrain au cœur du campus pour accueillir ses nouveaux locaux, un parking. Doté par la DRAC - Ministère de la Culture, la Préfecture de la Vienne (FNADT), la Région Nouvelle-Aquitaine, la Ville de Poitiers et ses fonds propres, le projet se tourne vers la réutilisation de structures existantes.

Il fait l'acquisition de trois bâtiments existants, ayant eu d'autres vies culturelles ailleurs et se présentant comme des structures démontables, reconfigurables et évolutives. Une structure anciennement ancrée au Théâtre Vidy-Lausanne, la Baraka, va devenir un espace de rencontre, bar et billetterie au rez-de-chaussée, et un premier étage aménagé pour l'administration du théâtre, les loges et une grande salle de répétition ouverte sur le campus. Une autre structure modulable, anciennement ancrée à Annemasse, sera la Salle de Création, un plateau modulable devant un gradin de 200 places assises (500 debout). Cette salle, restructurée (plafond en toile doublé, coursives indépendantes ajoutées), sera reliée à la Baraka par une passerelle couverte.

Le troisième volume, structure en toile, se trouve attaché à l'arrière de la scène, lieu de stockage, de déchargement des décors et des machineries et d'atelier.

© Xavier Cantat.
C'est la première fois qu'un CDN s'implante dans une université en France. Une idée riche en partage de connaissance, en ouverture à l'art pour des étudiants plongés dans des études scientifiques, de droit, d'économie, de biologie ou autres matières. Un lieu qui se veut ouvert ainsi aux rencontres, aux échanges. C'est cette implantation sur le campus qui donne une partie du nouveau nom du CDN : UP pour Université Poitiers, et aussi "up" pour debout. L'autre partie du nom, qui deviendra très vite le sobriquet du CDN : Méta, suffixe qui signifie "au-delà", "après", comme un prolongement, une suite, une envie d'être plus qu'un lieu de création et de diffusion artistique. Espérons que ces deux formules, Méta et Up, serviront d'anges protecteurs pour ce CDN enfin enraciné dans sa région mère.

Pour l'inauguration, le Méta Up a accueilli le spectacle : "Radio live - Vivantes"

Sur le tout nouveau plateau immense du Méta Up, un dispositif scénique simple et efficace. Sol blanc, cyclo blanc en fond de scène, quelques chaises et, à cour, une musicienne et ses instruments et, à jardin, deux jeunes femmes devisant. Quelque chose de pur et d'ordonné se dégage de cette scénographie, comme si tout ce qui allait être dit ici allait l'être comme sur un nuage, en lévitation, détaché des sanglantes convulsions du monde réel.

Pourtant, il ne sera question que de désolation, d'exil, de torture, de violence, de vengeance et de guerre. L'idée de ce spectacle, Radio Live, naît sans doute de la place particulière que la radio peut avoir au milieu des tempêtes : lieu où l'intimité de la parole peut se développer, lieu que les balles des snipers ne peuvent pas atteindre, l'onde n'est pas mortelle, lieu à la fois de fiction et de témoignage.

© Xavier Cantat.
Pourtant, il ne sera question que de désolation, d'exil, de torture, de violence, de vengeance et de guerre. L'idée de ce spectacle, "Radio Live", naît sans doute de la place particulière que la radio peut avoir au milieu des tempêtes : lieu où l'intimité de la parole peut se développer, lieu que les balles des snipers ne peuvent pas atteindre, l'onde n'est pas mortelle, lieu à la fois de fiction et de témoignage.

Ce sont deux témoignages qui vont être ainsi diffusés pour nos yeux et nos oreilles. Deux femmes. Elles devaient être trois, mais l'une d'elles a été empêchée pour un problème personnel grave. Les deux femmes qui vont esquisser leurs histoires sont des rescapées, des survivantes, des vivantes qui ont vu leurs existences tranchées à vif et déroutées par l'histoire des conflits.

L'une, Oksana Leuta, est ukrainienne, l'autre, Hala Rajab, syrienne. Elles ont en commun la déflagration qui a bouleversé leurs familles et leurs trajectoires, et, si leurs histoires sont différentes, elles racontent toutes les deux des blessures, des violences, des peurs, des injustices et une colère qui ne montrera ici que quelques lueurs de flammes.

Deux histoires mêlées, présentées par Aurélie Charron (conceptrice et auteur) dans son rôle d'intervieweuse et illustrées par des photos, des vidéos qui projettent des interventions de proches et des chants interprétées en live par Emma Prat. Chants syriens, chants ukrainiens, comme des souvenirs qui éclatent comme des bulles de joie et de nostalgie sur la surface immaculée du plateau et viennent souffler la vie sur les témoignages puissants qui naissent des questions de l'animatrice.

Oksana Leuta a décidé de revenir en Ukraine quand la guerre éclate. Elle est fixeuse pour les journalistes français. Elle est confrontée aux atrocités de la guerre dans son quotidien. Hala Rajab a été contrainte de quitter la Syrie. Son père, militant communiste, est mort après avoir été torturé. Sa mère a échappé au massacre de civils après la fuite de Bashar el-Assad. Deux destins qui sont ici racontés en live, deux témoignages forts qui stigmatisent les guerres avec pertinence.

Le format "Radio Live" existe depuis une dizaine d'années. Il met en scène différentes histoires et provoque une belle prise de conscience de l'inhumanité que les intérêts politiques ou économiques sont capables d'infliger aux femmes et aux hommes qui ne rêvent que de vivre libres et en paix.
◙ Bruno Fougniès

"Radio live - Vivantes"

© Xavier Cantat.
Conception et écriture scénique : Aurélie Charon.
En complicité avec : Amélie Bonnin et Gala Vanson.
Avec : Oksana Leuta (Ukraine), Hala Rajab (Syrie), Ines Tanović (Bosnie).
Création musicale et musique live : Emma Prat.
Création visuelle live : Gala Vanson.
Identité graphique : Amélie Bonnin.
Images filmées et photos : Thibault de Chateauvieux, Aurélie Charon, Hala Aljaber.
Montage vidéo : Céline Ducreux, Mohamed Mouaki.
Espace scénique : Pia de Compiègne.
Création lumière, régie générale, régie vidéo : Thomas Cottereau.
Régie lumière : Vincent Dupuy.
Régie son et mixage audio : Benoît Laur.
Direction de production : Mathilde Gamon.
À partir de 14 ans.
Durée 2 h 20.

Tournée
Spectacle "Triptyque – Vivantes • Nos vies à venir • Réunie•s"
Du 14 au 18 octobre 2025 : Festival Transforme (Fondation d'entreprise Hermès), Théâtre de la Cité Internationale, Paris.
Du 07 au 15 janvier 2026 : TNS - Théâtre national, Strasbourg (67).
Du 20 au 23 mai 2026 : Festival Transforme (Fondation d'entreprise Hermès), Théâtre national de Bretagne, Rennes (35).
30 et 31 mai 2026 : Les Nuits de Fourvière, Musée des Confluences, Lyon (69).

Méta Up - CDN Poitiers Nouvelle-Aquitaine
2, rue Neuma Fechine Borges, Poitiers (86).
Téléphone : 05 49 41 43 90.
>> le-meta.fr

Bruno Fougniès
Lundi 20 Octobre 2025
Dans la même rubrique :