Théâtre

Howl, sur les voies de l’exaltation et de la déchéance, comme un lamento moderne scandé

"66 Gallery, Howl", Maison de la Poésie, Paris

C’était le 7 octobre 1955 à la Six Gallery de San Francisco la rencontre de poètes américains qui traversent l’Amérique d’Est en Ouest. En empruntant la voie rapide (high way 66), les réalités se choquent et s’accélèrent. Le rêve américain fait alors l’objet de violents ajustements et le "melting pot" se révèle être un mélange réactif et brutal.



"66 Gallery, Howl" © Béatrice Logeais/Maison de la Poésie.
Le puritanisme des pères fondateurs de l’Union dérive en rigorisme ou s’enfouit dans le confort matériel et le consumérisme. Le miroir vitaminé de l'American way of life tendu à la société dénie la misère, est brouillé par la ségrégation raciale et le maccarthysme, se dissout dans la montée de la psychiatrie et des narcotiques.

Il y a là, à la Six Gallery, Jack Kerouac. Allen Ginsberg lui, venu de New York, rend hommage au poète dadaïste Carl Salomon interné à l’hôpital de Rockland. "Howl" est un hurlement très vite interdit.

La beat generation vient de naître. Son cœur bat très fort, a soif de liberté et d’amour, apporte sa vitalité à un malaise qu’elle entend rompre. Partager. Parfaire. Performer.

"66 Gallery, Howl" © Béatrice Logeais/Maison de la Poésie.
De Brooklyn à Bowery, de Chinatown à Rockland, le poème d’Allen Ginsberg accompagne dans le chaos urbain de New York les destins inverses de ceux de la réussite. Une génération vit en contre, hallucinée, en quête de mysticisme, au risque de sa propre perdition. Dans le mélange, Jean de la Croix et Edgar Poe, William Blake, François Villon, mais aussi les indiens et les anges, le peyotl et la térébenthine.

Si la société et le monde de l’Art et de la publicité ont bien digéré depuis le mouvement de la contre culture, il reste la poésie. À condition de l’entendre.

Howl emprunte les voies de l’exaltation et de la déchéance, scande la langue américaine comme un authentique morceau de jazz. Howl est un lamento moderne auquel Douglas Rand et Jean-Damien Ratel donnent voix et corps. Le spectateur en reçoit le halètement, le battage, la pulsion, la vitalité et la lucidité.

"I saw the best minds of my generation destroyed by madness".

Howl est un bateau ivre.

"66 Gallery, Howl"

"66 Gallery, Howl" © Béatrice Logeais/Maison de la Poésie.
D’Allen Ginsberg.
Mise en scène : Bérangère Jannelle.
Scénographie : Stéphane Pauvret.
Avec : Douglas Rand (comédien performeur) et Jean-Damien Ratel (créateur sonore et musical).
Création lumière : Marc Labourguigne.
Costumes & accessoires : Laurence Chalou.
Spectacle en français et en anglais.

Spectacle du 4 octobre au 4 novembre 2012.
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche à 16 h.
Maison de la Poésie, Petite salle, Paris 3e, 01 44 54 53 00.
>> maisondelapoesieparis.com

"66 Gallery, Howl" © Béatrice Logeais/Maison de la Poésie.

Jean Grapin
Mercredi 17 Octobre 2012
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