Danse

"Golden stage" Rencontre entre le krump, le hip-hop et la break dance !

Le Golden Stage est le rendez-vous des danses urbaines de La Villette où a été proposé, les 21, 22 et 23 mars derniers, trois tendances artistiques de celles-ci, permettant ainsi de remonter le temps avec, pour certaines, leurs précurseurs en France. Durant ces trois soirées animées par Rodrigue Lino, champion de France et vice-champion du monde de break dance en 2004, ont été présentés le krump, le hip-hop new style et le break avec, respectivement, Cyborg et Wolf, Karim KH et The Ruggeds.



"Buck the World", La Strukture © Le Blay.
Cela débute avec Cyborg et Wolf de la Cie "La Strukture". Précurseurs en France en 2005 du "KRUMP", acronyme de Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise, ils donnent sur scène un extrait de "Buck the World". En compagnie du danseur Arrow, ils se retrouvent à moitié dans l'obscurité dans une atmosphère un peu sombre et étrange. Les clairs-obscurs dessinent des gestuelles qui procèdent par temps forts, à savoir que ce n'est pas que la musique qui donne le LA, mais aussi les mouvements hachés, brisés de chaque segment corporel, comme arrêtés dans leur élan pour ensuite le reprendre. C'est une marche presque à l'arrêt, avec des faciès rugueux, presque robotiques, voire animés d'une colère sourde, accompagnés d'une poésie du corps.

Le Krump est apparu au début des années 2000 dans le ghetto de Los Angeles. Il puise sa source dans une introspection du danseur. Aucun contact n'est donc établi. Arrow marche dans une gestique hachée et brisée en avant-scène quand, suivant les moments, Cyborg et Wolf sont en arrière-scène et remontent de la même façon à sa hauteur. Les corps deviennent comme un assemblage de dominos avec lequel la gestuelle s'effectue. Les bras se hissent à hauteur des épaules pour se glisser sur les avant-bras. Les déplacements s'effectuent sur un périmètre limité, donnant le sentiment que les danseurs sont à la fois seuls, mais liés entre eux dans leur dynamique. Leur relation n'est pas occultée pour autant puisque chacun prend conscience de la présence de l'autre dans ses déplacements, mais sans nul regard et attention.

"Decypher Chapter 8", The Ruggeds © DR.
Place ensuite à la compagnie du chorégraphe et danseur Karim KH (Karim Khouader) avec "Sales Mômes" dont il a repensé la création. Là, nous sommes plongés dans un univers de clips vidéo avec un éclairage circulaire où, un à un et à tour de rôle, des cercles lumineux découpent la scénographie dans des tableaux dans lesquels prennent place des interprètes habillés de couleurs vives.

Statiques, ils effectuent une gestique pantomimique, de postures comme ceux de modèles photographiques avant qu'ils ne bougent. En appui les uns sur les autres, les mouvements se décomposent de façon cyclique avec, d'un côté, des avant-bras qui effectuent des mouvements circulaires quand, de l'autre, des déplacements se finissent pour disparaître dans l'obscurité. Les bras effectuent des gestes en rondeur via les avant-bras donnant à voir une souplesse certaine, avec des mouvements amples à hauteur des troncs essentiellement. Les gestuelles, toutes fluides, semblent attirées par une force centrifugeuse.

Pour la dernière chorégraphie, "The Ruggeds" investissent le plateau avec quelques absents, car en lice pour la compétition de breaking des Jeux Olympiques. Ils sont néerlandais et ont commencé les battles de breaking dès 2005. Autre temps, autre lieu, autre style, mais toujours présents et respectés. Ils interprètent à quatre un extrait de "Decypher Chapter 8" composé à l'origine pour sept danseurs. Et là, l'ambiance est cinématographique avec un démarrage vidéo projeté sur grand écran.

"Buck the World", La Strukture © SND Pics.
Le protagoniste principal se retrouve ensuite sur le plateau assis sur un banc en train de fumer. Suite logique de ce qui était projeté. C'est un autre visage du break dance qui nous est montré, car il est, de base, composé de multiples figures acrobatiques dont celles au sol. Là, est montré dans une séquence vidéo, puis sur les planches, un personnage qui continue son action de fumer. Cela plante ainsi un univers cinématographique où se poursuit le jeu théâtral avec une partition qui devient dansée ensuite.

Celui-ci se déshabille, symboliquement, de ses habits de comédien pour effectuer avec ses autres partenaires, des soulevés/glissés. Les jambes se glissent, les corps s'allongent. Tous se tirent par les membres supérieurs alors que les membres inférieurs sont souvent à ras du sol. Les mouvements sont à la fois très fluides et très physiques, avec des portés où, dans les combinaisons de catch, à hauteur des épaules, les corps se glissent dans des lâcher-prises.

Ces trois spectacles donnent un aperçu des styles de danses urbaines qui recèlent une variété artistique extrêmement large. Ces différentes tendances ont pour point commun d'être le support d'expression d'une identité sociale et politique de quartiers victimes de rejets et d'oppression. Elles ont gagné leurs lettres de noblesse depuis de nombreuses années déjà dans, entre autres, les grandes scènes des capitales du monde entier et font partie aujourd'hui du programme des JO d'été de Paris les 9 et 10 août prochains.

"Golden Stage"

"Decypher Chapter 8", The Ruggeds © Rutger Pauw.
A eu lieu du 21 au 23 mars 2024.
Grande Halle de la Villette, Paris 19e,

"Buck the World (extrait)" - Cie La Strukture.
Conception et chorégraphie : Cyborg et Wolf.
Avec : Cyborg, Wolf et Arrow.
Création musicale : SOULFABEX.
Création lumières : Marine Flores.
Coproduction : Centre de la Danse Pierre Doussaint aux
Mureaux ; La Place - Centre Culturel Hip-Hop à Paris ; Initiatives
d’Artistes en Danses Urbaines - Fondation de France et La
Villette (Paris) ; la Maison de la musique de Nanterre.
Durée : 22 minutes.

"Sales Mômes" - Karim KH.
Création 2024.
Chorégraphie Karim KH.
Aveec : Lucie Schild, Quentin Mariello, Zakari Benyahya, Raphaël Ludon, Paula-Marie Ly, Aisi Zhou, Alioune Sow.
Coproduction : Initiatives d’Artistes/La Villette - Paris.
Durée : 21 minutes.

"Decypher Chapter 8 (extrait)" - The Ruggeds.
Direction artistique : Niek Traa.
Chorégraphie : Roy Overdijk.
Dramaturgie : Vincent Wijlhuizen.
Avec : Niek Traa et Virgil Dey.
Scénographie : Ido Koppenaal et Klim Van de Laarschot.
Lumières : Ido Koppenaal.
Musique : Jessy Kemper.
Partenaires : Fonds Podiumkunsten, Stichting Cultuur Eindhoven, Provincie Noord-Brabant, Prins Bernhard Cultuurfonds, Fonds 21, PLAN.
Durée : 18 minutes.

Safidin Alouache
Vendredi 29 Mars 2024
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