Danse

"Giselle" Grand classique et toujours aussi moderne !

Dans le cadre de la série "TranscenDanses" qui se déroule au Théâtre des Champs-Élysées, le Ballet de l'Opéra national d'Ukraine présente l'intemporelle "Giselle". Reprenant la version de Marius Petipa, la compagnie nous propose, dans une scénographie à la tonalité autant moderne que champêtre, une histoire d'amour auréolée de rivalité où la beauté artistique de la danse classique nous emporte vers une trame imaginaire.



© Xsenia PhotoArt.
C'est le chef-d'œuvre et l'une des créations les plus connues du répertoire des ballets romantiques. "Giselle" est reprise au fil des années depuis presque déjà deux siècles. Avec la plus ancienne chorégraphie connue et répertoriée, cette œuvre a pour compositeur musical Adolphe Adam (1803-1856) et, comme librettistes, Théophile Gautier (1811-1872) et Jules-Henry Vernoy de Saint-Georges (1799-1875). Saint-Saëns (1835-1921) considérait la composition d'Adolphe Adam comme un "pur chef-d'œuvre".

Sa première représentation a eu lieu le 28 juin 1841 à Paris. La chorégraphie originale est de Jean Coralli (1779-1854) et de Jules Perrot (1810-1892). La version présentée par le Ballet national d'Ukraine est celle de Marius Petipa (1818-1910), datant de 1887, qui marque le début d'une approche moderne de cette création et qui perdure encore aujourd'hui.

"Giselle" est composée de deux actes. Le premier est celui où notre protagoniste principale (Natalia Matsak ou Kateryna Alaieva) tombe amoureuse du duc d'Albrecht (Oleksii Potomkin ou Sergii Kryvokon) qui a déjà une fiancée et qui se garde de dévoiler son titre de haute noblesse. Giselle a un autre prétendant, Hilarion (Kostiantyn Pozharnytskyi). De cette rivalité amoureuse naît la jalousie d'Hilarion qui délivre à notre héroïne ces informations. Les découvrant, elle en meurt.

Le second acte fait place aux Willis, esprits vengeurs des fiancées délaissées par leurs amants infidèles. Mi-nymphes mi-démons, elles sont des figures empruntées au recueil "De l'Allemagne" (1835) d'Heinrich Heine (1797-1856). Dans ce même acte, on y trouve le désespoir du duc d'Albrecht et le pardon de Giselle. Le spectacle est un entrelacement d'espoir, d'amour, de rencontres, d'attente, de déception. La vie ouvre la première partie comme la mort la seconde. Elles sont les deux versants d'une histoire d'amour avec son côté rayonnant et sa partie sombre.

Deux séquences aux atmosphères bien différentes. Dans la première, c'est gai, enjoué et coloré. Un ensemble de paysannes habillées de couleur ocre assez vives composent le tableau donnant un certain enthousiasme. Il y a du mouvement, de la vie avec celles-ci, procurant un air joyeux et presque léger à la représentation. Nous sommes dans différentes tonalités de couleur, mais aussi d'humeur. À l'entame du spectacle, le duc d'Albrecht apparaît. On y découvre une maisonnée côté cour et une autre côté jardin. Des lumières colorées dans des timbres légèrement chauds balaient les planches. Nous sommes dans un ballet des plus romantiques avec, pour la première partie, une scénographie des plus champêtres et, pour la seconde, un décor bleu sombre porté par la blancheur des tutus.

Il y a de très jolies envolées aériennes des danseuses pour incarner l'esprit des Willis avec leur reine Myrtha (Kateryna Kurchenko). Dans un très beau tableau, elles semblent suspendues dans les airs dans des mouvements où la scène est balayée par leurs différents passages. À l'opposé de ce qu'elles représentent, telles de claires libellules dans la noirceur de la mort, les Willis donnent une légèreté et une fraîcheur à la fable. Le blanc dont elles sont revêtues, dans un lieu aussi sombre que celui de la mort, est comme une incarnation de la pureté, celle sans doute d'une fidélité de l'amour à toute épreuve. Il n'y a pas de duel, sauf celui d'une rivalité amoureuse. Les épées ne sortent pas de leur fourreau, ni les poings et le sang ne coule pas non plus.

On y découvre aussi quelques autres très beaux tableaux comme celui où le duc d'Albrecht se recueille sur la tombe de Giselle. C'est à la fois théâtral, tendre et poignant. La musique participe à un rythme où alternent instruments à vents et percussions donnant une vigueur et un tempo à une histoire qui oscille entre amour et rivalité accompagnée d'une trame imaginaire qui la fait basculer dans le conte.

© Xsenia PhotoArt.
Les chorégraphies sont superbes de grâce et de légèreté où l'on retrouve les positions de la danse classique avec ses fondamentaux tels que, entre autres, les arabesques, les cabrioles, les pas chassés, les séries de pointes et les ballons. La composition d'Adolphe Adam l'accompagne par sa vigueur mais aussi par quelques petites touches pour rendre musicaux des éléments aussi anodins que des tapes sur la porte ou, profonds, comme les atermoiements et les pensées d'Hilarion.

Marius Petipa a mis un soin particulier aux pas de deux que l'on découvre avec Kateryna Kurchenko, Dariia Manoilo, Tymofiy Bykovets et Maksym Bilokrynytskyi. Cela apporte une rupture dans la représentation avec une mise en relation de personnages qui apporte un éclairage plus axé sur la narration dansée du spectacle en donnant à voir une complicité amoureuse entre nos protagonistes. Les arabesques et les pas chassés se suivent quand les pointes ou les plats de pied accompagnent, entre autres, ceux-ci.

Sur le jeu théâtral, le mime, plus en retrait et dans sa plus simple expression, est porté par une gestuelle très marquée, sans qu'une authenticité s'en dégage pour autant. Les sentiments et les émotions de nos protagonistes sont en effet incarnés par la musique et par les chorégraphies, toujours aussi intemporelles, de Marius Petipa.

"Giselle"

Natalia Matsak © DR Opéra national d'Ukraine.
Chorégraphie : Marius Petipa, d'après Jules Perrot et Jean Coralli.
Livret : Théophile Gautier, Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges, Jean Coralli, d'après "De l'Allemagne" d'Heinrich Heine.
Musique : Adolphe Adam.
Maître de ballet : Kostyantin Sergieiev.
Décors et costumes originaux : Tetiana Bruni.
Costumes nouveau design : Malva Verbytska de la maison Malva Florea.
Orchestre Prométhée, direction : Dmytro Morozov.
Avec : Natalia Matsak ou Kateryna Alaieva (Giselle), Sergii Kryvokon ou Oleksii Potomkin (Albrecht), Iryna Borysova ou Kateryna Kurchenko (Myrtha), Tymofiy Bykovets, Maksym Bilokrynytskyi, Daria Manoilo, Kostiantyn Pozharnytskyi, Sergii Lytvynenko, Kseniia Ivanenko, Petro Markishev et le corps de ballet de l'Opéra national d'Ukraine
Répétiteurs : Anatolii Kozlov, Vasylieva.
Durée : 2 h 05 avec entracte.

Du 21 décembre au 5 janvier 2023.
Lundi, mardi, jeudi, vendredi à 19 h 30,
mercredi et samedi à 15 h et 19 h 30.
Théâtre des Champs-Élysées, Paris 8e, 01 49 52 50 50.
>> theatrechampselysees.fr

Safidin Alouache
Lundi 2 Janvier 2023
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