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FAB 2022 "Bocas de oro" Une chorégraphie restée dans les limbes de sa création

L'artiste chilienne Marcela Santander Corvalán, associée à La Manufacture CDCN, est sans nul doute une chorégraphe authentique nourrissant ses ambitieux projets du regard avisé qu'elle porte sur notre monde présent, celui des ancêtres et celui d'après. Cependant, en assistant à sa dernière création, "Bocas de oro", un sentiment d'ennui profond peut nous gagner comme si on avait affaire au brouillon d'un brouillon, une forme informe où les généreuses intentions développées dans son discours hors plateau (cf. sa présentation) se trouvaient - à l'épreuve de la scène - réduites à peau de chagrin.



© Pierre Planchenault.
En effet, une longue heure durant, les quatre danseurs s'ébattent autour de vêtements - sortes de secondes peaux - qu'ils remuent de concert face à un rocher gigantesque, lieu d'un rituel que l'on devine tout aussi mystérieux. Leurs gesticulations désordonnées et grimaçantes prétendant traduire de manière brute les tentatives réitérées à l'envi pour entrer en contact avec cet étranger à nous même, cet autre semblable sans qui l'espèce ne pourrait perdurer.

Aucun mouvement élaboré pour donner à voir, dans une progression chorégraphiée, les relations mises en miettes. En lieu et place, une juxtaposition de figures répétitives - séries de touchers pour appréhender l'existence de l'inconnu - partant en tous sens (et les privant au final de sens), comme si la création s'était délibérément fixée au stade d'une recherche tous azimuts, une recherche qui balbutierait.

Bien sûr, on n'est pas sans remarquer que leurs cheminements sur place interagissent avec les sons (peu audibles) diffusés en toile de fond leur servant de guide hypothétique. De même, on ne peut ignorer que les épisodes proches des transes ou encore la cérémonie du feu renvoient à la célébration de rites en lien avec la nature ancestrale. Mais il faudrait beaucoup d'imagination pour se laisser emporter vers des sphères éthérées tant ce qui nous est présenté est ancré au sol, rendant vain tout espoir de "décollage".

© Pierre Planchenault.
Où trouve-t-on en effet traces du mantra annoncé dans le programme : "désirer pour résister" ? Où sent-on vibrer chez les artistes le désir de l'autre créant en miroir une émotion susceptible d'enclencher en nous l'urgence du contact constructeur de liens ? Aucun "antidote joyeux" à la morosité d'une époque marquée par le repli conservateur, mais une impression de lassitude irrépressible qui gagne inexorablement du terrain au fur et à mesure de la représentation.

Non, décidément, cette performance n'a éveillé en nous aucun sursaut salutaire, même pas celui de quitter la salle, espérant toujours un miracle chorégraphique qui ne vint pas.

Vu le jeudi 6 octobre 2022 à La Manufacture CDCN de Bordeaux, dans le cadre du FAB - Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.

"Bocas de Oro"

© Pierre Planchenault.
Danse - Chili, création 2022.
Chorégraphie : Marcela Santander Corvalán.
Créé en collaboration et interprété par : Bettina Blanc Penther, Erwan Ha Kyoon Larcher, Luara Learth Moreira, Marcela Santander Corvalán.
Collaboration artistique : Carolina Mendonça.
Composition musicale : Gérald Kurdian.
Création sonore : Vanessa Court.
Lumière et espace : Leticia Skrycky.
Costumes : Marine Peyraud.
Production : Fabrik Cassiopée.
Durée : 1 h 30.

Tournée
Du 8 au 12 novembre 2022 : Atelier 210, Bruxelles - Charleroi Danse (Begique).
Les 16 et 17 novembre 2022 : TU - Nantes (44).
11 mars 2023 : Théâtre de Vanves - Ardanthé, Vanves (92).
11 avril 2023 : Le Vivat, Armentières (59).
3 mai 2023 : La Scène nationale d'Orléans (45).

© Pierre Planchenault.
FAB - 7e Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.
Du 1er au 16 octobre 2022.
9 rue des Capérans, Bordeaux (33).
Billetterie : 06 63 80 01 48.
contact@festivalbordeaux.com

>> fab.festivalbordeaux.com

Yves Kafka
Mardi 11 Octobre 2022
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