Pièce du boucher

Épisode n° 2 Victime de son succès et de son aura le festival d'Avignon vit un accroissement de l'inconfort à rebours des intentions

Un cercle vicieux peut il être rompu ? Le festival couplé avec tous les problèmes de circulation associés (embouteillages, nervosité des conducteurs) est probablement un monstre énergétique.



Grande parade d'ouverture OFF 2017 © AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
Sur un mode qui n'est pas simplement anecdotique, le spectateur se montre inquiet devant les climatisations, tous les dispositifs de réfrigérations qui ont un effet de réchauffements violent et de pollutions sur leur pourtour immédiat et... un effet de choc thermique sur les protagonistes du festival lors des allers-retours entre les salles et les rues. Ce qui provoque à la fois surconsommation de boissons froides et… par enrouements subséquents besoins de médicaments.

L'accroissement spectaculaire du nombre de spectacles présentés se traduit du côté des professionnels par un accroissement de la consommation des matières premières de la production artistique (y compris la matière grise) dans les domaines de l'éclairage, des décors, des costumes, des maquillages, de la mobilité ainsi que celles liées à la communication par tous moyens.

Une course à la rentabilité est lancée par tous les acteurs de cette manifestation. Elle se trouve exacerbée par la mise en concurrence accrue pour capter le public et les acheteurs. Le spectateur enclin à la méditation s'interroge ainsi sur les lecteurs de tablettes qui se cognent entre eux sur les trottoirs à la recherche d'une salle ou d'un horaire.
Côté public la consommation des aménités s'accroît elle aussi dans les domaines de la mobilité, de l'hôtellerie, de la restauration.

Grande parade d'ouverture OFF 2017 © AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
Tout entre en surchauffe au risque de la saturation. Les effets peuvent être immédiats.
D'une certaine manière, ce modèle de professionnalisation et de rationalisation interroge le modèle économique. Les coûts fixes s'accroissent. La charge financière est de plus en plus lourde.

Le coût final est supporté en aval par le festivalier. Et en amont par les comédiens eux-mêmes qui dans l'espoir d'atteindre des acheteurs réduisent les distributions, présentent le même spectacle plusieurs années de suite au risque de leur épuisement financier. Un modèle économique se dessine qui impose une création standard d'une heure avec des comédiens payés pour certains deux heures par jour.

Les gains gagnés d'un côté sont grignotés, détruits par l'augmentation des charges, des consommations et des déchets.

Cette standardisation comporte un risque pour la créativité artistique elle-même, le modèle culturel peut se dégrader.

Certes, des spectacles commencent à ressentir la nécessité de changer de mode de production. Les éclairages par Leds se généralisent. Les aménités d'accompagnement offrent de plus en plus de produits bio, des couverts en bois (à condition qu'ils ne proviennent pas de déforestations sauvages…) Et la ville offre des transports allégés comme la "Baladine" ou le vélo. Mais cela semble peu face à la puissance d'inertie installée.

Avignon est un défi en terme de capital-risque et de retour sur investissement qui doit opérer sa mue lors de la transition du développement durable.

Épisode n° 1 - Le festival d'Avignon à l'heure de l'accord de Paris sur le climat

Jean Grapin
Samedi 8 Juillet 2017
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