© Emmanuel Noblet.
Voilà bientôt trente ans que la longue dame brune (1930-1997) s'en est allée… Depuis, les hommages se succèdent et ne se ressemblent pas. Ne gardons en mémoire que les plus réussis : le film de Mathieu Amalric, "Barbara" (2017), avec une Jeanne Balibar troublante de ressemblance dans un mimétisme assumé, ou le récital de Gérard Depardieu, le partenaire de "Lily Passion". Mais aussi le bel hommage détourné de la comédienne et chanteuse Pauline Chagne avec la pièce "Moi aussi, je suis Barbara" (2023), dans laquelle une jeune femme s'échappait d'une famille névrosée en se prenant pour la chanteuse et, là encore dans un mimétisme confondant, mêlait chansons et verbatims de Barbara, ou encore "Barbara, mémoires interrompus", l'adaptation à la scène des mémoires inachevés de la chanteuse "Il était un piano noir…" par Catherine Pietri. Et, bien évidemment, en 2017, la très belle exposition de Clémentine Deroudille à la Philharmonie de Paris.
C'est justement à l'occasion de cette exposition, pour le moins exhaustive, que la commissaire Clémentine Deroudille a pu compiler toutes les interviews de Barbara et avoir accès à des archives intimes, notamment des lettres inédites de la correspondance amoureuse de la chanteuse. Avec l'écrivain Arnaud Cathrine, elle en a fait un montage qui, de lecture, est devenu spectacle. Lors de ce spectacle, pensé sous la forme d'une émission de radio imaginaire, toutes les paroles ont ainsi été prononcées par la chanteuse.
Sur la petite scène de la Salle Roland Topor du Théâtre du Rond-Point, un studio d'enregistrement se présente à nous : deux tables blanches positionnées en équerre, une, face au public, l'autre à cour, un sol blanc prolongé, en fond de scène, par un mur blanc et, côté jardin, une rangée de néons blancs verticaux, une console, un clavier, une guitare posée à terre… Dans ce décor immaculé conçu par le metteur en scène Emmanuel Noblet, les bonnettes colorées des micros tranchent joliment, telles de pimpantes touches de couleurs : rose, bleu, orange, violet, ainsi qu'un néon rose.
C'est d'un pas décidé que Marie-Sophie Ferdane, enveloppée dans un imperméable beige clair, fait son entrée en scène. Silhouette grande et élancée à la longue chevelure blonde, joli petit nez retroussé, l'ex-pensionnaire de la Comédie-Française n'a physiquement rien de la longue dame brune. Et pourtant…
C'est justement à l'occasion de cette exposition, pour le moins exhaustive, que la commissaire Clémentine Deroudille a pu compiler toutes les interviews de Barbara et avoir accès à des archives intimes, notamment des lettres inédites de la correspondance amoureuse de la chanteuse. Avec l'écrivain Arnaud Cathrine, elle en a fait un montage qui, de lecture, est devenu spectacle. Lors de ce spectacle, pensé sous la forme d'une émission de radio imaginaire, toutes les paroles ont ainsi été prononcées par la chanteuse.
Sur la petite scène de la Salle Roland Topor du Théâtre du Rond-Point, un studio d'enregistrement se présente à nous : deux tables blanches positionnées en équerre, une, face au public, l'autre à cour, un sol blanc prolongé, en fond de scène, par un mur blanc et, côté jardin, une rangée de néons blancs verticaux, une console, un clavier, une guitare posée à terre… Dans ce décor immaculé conçu par le metteur en scène Emmanuel Noblet, les bonnettes colorées des micros tranchent joliment, telles de pimpantes touches de couleurs : rose, bleu, orange, violet, ainsi qu'un néon rose.
C'est d'un pas décidé que Marie-Sophie Ferdane, enveloppée dans un imperméable beige clair, fait son entrée en scène. Silhouette grande et élancée à la longue chevelure blonde, joli petit nez retroussé, l'ex-pensionnaire de la Comédie-Française n'a physiquement rien de la longue dame brune. Et pourtant…
© Emmanuel Noblet.
Grand sourire timide au public. Adresse directe aux spectateurs. La dame n'a pas envie d'être interviewée, de parler d'elle. Tout ce qu'elle a à dire, elle le dit dans ses chansons, alors… Puis, presque malgré elle, elle confie sa peur d'entrer en scène, le fait qu'il lui est plus facile de chanter devant 2 000 personnes anonymes que 80 dont elle pourrait croiser le regard. Elle s'installe, enlève son imperméable. Pantalon blanc, chaussures plates assorties et pull-over uni vert, la comédienne est raccord avec les couleurs du studio. Un pianiste se joint à elle.
Évoquant Piaf, elle chantonne le début de "J'm'en fous pas mal", puis se remémore ses débuts, à Bruxelles, au cabaret Le Cheval blanc, alors qu'elle interprétait les chansons des autres. Son camarade de scène et elle chantent alors "Madame Arthur" d'Yvette Guilbert. Puis le récit se poursuit à Paris, à L'Écluse, où elle se produisit pendant six ans avant le grand succès de Bobino. "Tout est arrivé un soir à Bobino", confie-t-elle. Aux mots de Barbara et aux chansons se mêlent des extraits d'archives en voix off, des voix anonymes et la sienne.
Aussi drôle que réservée, l'artiste s'exprime toujours avec franchise. Dans ses déclarations reviennent souvent les phrases "Je ne sais pas" ou "Que d'incompétence, que de temps perdu !" devant le manque de professionnalisme de certains. Certes, elle sait ce qu'elle veut et ne supporte pas la médiocrité, et l'assume.
Elle écrit des chansons comme elle écrit une lettre, dit-elle, et chante avec ses émotions. De lettre, il est question justement avec celle écrite à Luc que Marie-Sophie Ferdane lit face public, devant un micro en pied, casque sur les oreilles, dans un murmure d'une troublante intimité, bientôt rejointe par une douce mélodie au piano. Une bouleversante lettre de rupture adressée, on le devine, au peintre et amant Luc Simon. "Au nom de l'amour, je vous le demande, rendez-moi ma liberté, n'acceptons pas de vivre moins, tuons l'habitude, ne soyons pas mari et femme, et si votre santé ne peut supporter la femme que je suis, séparons-nous, au moment où nous nous aimons le plus. (…) Pardonnez-moi. Vous m'avez tout donné, je voulais plus encore. Mieux vaut se séparer. Je ne veux pas un jour devoir vous mentir, ou vous être infidèle." Une quête d'absolu qui se retrouve à la vie comme à la scène… "Je n'ai pas su vivre à deux. Je n'avais pas ce talent-là", reconnaît-elle en parlant des hommes de sa vie.
Marie-Sophie Ferdane, elle, a eu le talent de se fondre en Barbara, de trouver sa vérité profonde. Elle est tout à la fois solaire, drôle et émouvante, et ne cherche jamais à imiter la chanteuse. Sa lettre à Luc et son interprétation de "L'eau à la bouche" de Gainsbourg sont des petits moments de grâce.
En évitant tout ce qui aurait pu la relier artificiellement à la chanteuse, elle s'est appropriée le personnage de l'intérieur, jusqu'à assimiler son phrasé si particulier. Une sensibilité à fleur de peau et une longue fréquentation, à n'en pas douter, du répertoire de l'interprète de "L'Aigle noir" ont permis ce petit miracle.
Si "Barbara (par Barbara)" est une réussite, Olivier Marguerit y est également pour beaucoup, car non seulement une belle complicité est palpable entre les deux artistes, mais le talentueux pianiste, guitariste, arrangeur et compositeur s'avère aussi un excellent chanteur. Ses interprétations de "Quand reviendras-tu ?" et "Du bout des lèvres", version rock, sur laquelle se déchaîne une Marie-Sophie Ferdane survoltée, sont remarquables. Saluons, pour finir, la mise en scène d'Emmanuel Noblet, fluide et dynamique, et les lumières d'Olivier Oudiou qui permettent de varier subtilement les espaces. À voir !
◙ Isabelle Fauvel
Évoquant Piaf, elle chantonne le début de "J'm'en fous pas mal", puis se remémore ses débuts, à Bruxelles, au cabaret Le Cheval blanc, alors qu'elle interprétait les chansons des autres. Son camarade de scène et elle chantent alors "Madame Arthur" d'Yvette Guilbert. Puis le récit se poursuit à Paris, à L'Écluse, où elle se produisit pendant six ans avant le grand succès de Bobino. "Tout est arrivé un soir à Bobino", confie-t-elle. Aux mots de Barbara et aux chansons se mêlent des extraits d'archives en voix off, des voix anonymes et la sienne.
Aussi drôle que réservée, l'artiste s'exprime toujours avec franchise. Dans ses déclarations reviennent souvent les phrases "Je ne sais pas" ou "Que d'incompétence, que de temps perdu !" devant le manque de professionnalisme de certains. Certes, elle sait ce qu'elle veut et ne supporte pas la médiocrité, et l'assume.
Elle écrit des chansons comme elle écrit une lettre, dit-elle, et chante avec ses émotions. De lettre, il est question justement avec celle écrite à Luc que Marie-Sophie Ferdane lit face public, devant un micro en pied, casque sur les oreilles, dans un murmure d'une troublante intimité, bientôt rejointe par une douce mélodie au piano. Une bouleversante lettre de rupture adressée, on le devine, au peintre et amant Luc Simon. "Au nom de l'amour, je vous le demande, rendez-moi ma liberté, n'acceptons pas de vivre moins, tuons l'habitude, ne soyons pas mari et femme, et si votre santé ne peut supporter la femme que je suis, séparons-nous, au moment où nous nous aimons le plus. (…) Pardonnez-moi. Vous m'avez tout donné, je voulais plus encore. Mieux vaut se séparer. Je ne veux pas un jour devoir vous mentir, ou vous être infidèle." Une quête d'absolu qui se retrouve à la vie comme à la scène… "Je n'ai pas su vivre à deux. Je n'avais pas ce talent-là", reconnaît-elle en parlant des hommes de sa vie.
Marie-Sophie Ferdane, elle, a eu le talent de se fondre en Barbara, de trouver sa vérité profonde. Elle est tout à la fois solaire, drôle et émouvante, et ne cherche jamais à imiter la chanteuse. Sa lettre à Luc et son interprétation de "L'eau à la bouche" de Gainsbourg sont des petits moments de grâce.
En évitant tout ce qui aurait pu la relier artificiellement à la chanteuse, elle s'est appropriée le personnage de l'intérieur, jusqu'à assimiler son phrasé si particulier. Une sensibilité à fleur de peau et une longue fréquentation, à n'en pas douter, du répertoire de l'interprète de "L'Aigle noir" ont permis ce petit miracle.
Si "Barbara (par Barbara)" est une réussite, Olivier Marguerit y est également pour beaucoup, car non seulement une belle complicité est palpable entre les deux artistes, mais le talentueux pianiste, guitariste, arrangeur et compositeur s'avère aussi un excellent chanteur. Ses interprétations de "Quand reviendras-tu ?" et "Du bout des lèvres", version rock, sur laquelle se déchaîne une Marie-Sophie Ferdane survoltée, sont remarquables. Saluons, pour finir, la mise en scène d'Emmanuel Noblet, fluide et dynamique, et les lumières d'Olivier Oudiou qui permettent de varier subtilement les espaces. À voir !
◙ Isabelle Fauvel
"Barbara (par Barbara)"
© Tous Droits Réservés pour "Barbara (par Barbara)".
Conception : Clémentine Deroudille et Arnaud Cathrine.
Mise en scène et scénographie : Emmanuel Noblet.
Avec : Marie-Sophie Ferdane et Olivier Marguerit.
Musique : Olivier Marguerit.
Lumières : Olivier Oudiou.
Durée : 1 h 15.
Du 7 au 23 novembre 2025.
Mardi au vendredi à 20 h, samedi à 19 h et dimanche à 16 h.
Théâtre du Rond-Point, Salle Roland Topor, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e.
Réservation : 01 44 95 98 21.
>> Billetterie en ligne
>> theatredurondpoint.fr
Mise en scène et scénographie : Emmanuel Noblet.
Avec : Marie-Sophie Ferdane et Olivier Marguerit.
Musique : Olivier Marguerit.
Lumières : Olivier Oudiou.
Durée : 1 h 15.
Du 7 au 23 novembre 2025.
Mardi au vendredi à 20 h, samedi à 19 h et dimanche à 16 h.
Théâtre du Rond-Point, Salle Roland Topor, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e.
Réservation : 01 44 95 98 21.
>> Billetterie en ligne
>> theatredurondpoint.fr