Lyrique

"Elektra" à l’Opéra de Marseille : règlements de compte sanglants chez les Atrides !

L’Opéra de Marseille produit une nouvelle "Elektra", le chef d’œuvre de Richard Strauss, du 7 au 16 février avec Jeanne-Michèle Charbonnet dans le rôle-titre. Un événement majeur parmi les nombreux rendez-vous de la ville, Capitale européenne de la Culture 2013.



"Elektra", Opéra de Marseille © Christian Dresse.
C’est donc à Mycènes et dans l’Antiquité que le sang va couler ! Et dans la fosse aussi. Ce quatrième opéra du compositeur autrichien - sur un total de quinze - trouve son sujet chez Sophocle. Occasion pour Richard Strauss d’initier sa collaboration avec l’écrivain Hugo von Hofmannsthal, rencontré à Paris en 1900. Une coopération qui se poursuivra pour six opéras, dont certains sont des sommets lyriques du XXe siècle. Le mythe, nous le connaissons : à la fin de la Guerre de Troie, le chef de la flotte grecque, Agamemnon, est assassiné à la hache par l’amant de son épouse Clytemnestre, le jour même de son retour après dix ans d’absence. Retrouvailles sympathiques qui ne signent pas la fin de la barbarie ! Cette famille royale est maudite depuis longtemps par les Dieux : ce sont les Atrides. La tragédie se déploie avec sa spirale infernale de vengeances, sombres prestiges de la "dikè contre dikè"* (ou loi du Talion).

Car le sang appelle le sang et la fille d’Agamemnon, Electre, ne peut que ronger son frein en l’absence de son frère, Oreste. Quand le rideau se lève, quelques années ont passé. Elle est prisonnière dans le palais, forcée de crier ses imprécations avec les chiens qui la cernent, de par un décret du nouveau roi assassin, Egisthe. Ivre de rage et de douleur, la bacchante, à qui on a annoncé la mort d’Oreste, tente en vain de rallier sa sœur Chrysothémis à son affreux projet. Tuer à la hache sa mère et son beau-père haïs ! Son frère survient déguisé, et c’est dans le sang et la folie que se conclut cette "tragédie musicale".

Orchestre Philharmonique de Marseille © Ville de Marseille.
Les rôles ont immédiatement été déclarés impossibles à chanter : la créatrice du rôle de Clytemnestre en 1909 ayant jugé l’opéra "horrible", et les performances vocales dangereuses, au-delà de la frontière déjà extrême du chant wagnérien. Quant à Richard Strauss, il demanda à l’orchestre de "hurler" lors de la première, bien plus intéressé par ses audaces de composition musicale que par ses chanteurs ! Polytonalité et limites de l’atonalité se rechargent dans la violence maximale de la musique du futur chef de l’Opéra de Vienne. Une partition osée, mais qui exclut toute écriture dodécaphonique, (comprenez : c’est audible !). Un chef d’œuvre.

Espérons que la soprano dramatique, Jeanne-Michèle Charbonnet, aura retrouvé ses moyens pour le rôle d’Elektra, depuis Dijon**, grâce à la météo clémente marseillaise. Nous attendons aussi l’Oreste de Nicolas Cavallier, un habitué des lieux. Et nous sommes curieux de retrouver le chef israélien, Pinchas Steinberg, déjà entendu à l’Opéra de Paris, dans une excellente "Salomé" de ce même Richard Strauss.

Notes :
* Voir "L’Orestie" d’Eschyle et "Electre" de Sophocle.
** Voir notre article "Les filles d’Ariane à l’Opéra de Dijon".

Du 7 au 16 février 2013.
Jeudi 7, mercredi 13, samedi 16 à 20 h ; dimanche 10 à 14 h 30.
Opéra de Marseille, 2, rue Molière, Marseille 1er, 04 91 55 11 10.
>> opera.marseille.fr

"Elektra", tragédie musicale en un acte (1909).
Livret en allemand de Hugo von Hofmannsthal.
Musique de Richard Strauss (1864-1949).
Surtitré en français.
Durée : environ 1 h 50 sans entracte.

Pinchas Steinberg, direction musicale.
Charles Roubaud, mise en scène.
Emmanuelle Favre, décors.
Katia Duflot, costumes.
Marc Delamézière, lumières.

Jeanne-Michèle Charbonnet, Elektra.
Ricarda Merbeth, Chrysothémis.
Marie-Ange Todorovitch, Clytemnestra.
Patrick Raftery, Aegisthe.
Nicolas Cavallier, Orest.

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille.

Christine Ducq
Jeudi 31 Janvier 2013
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