Théâtre

Des vaisseaux du cœur monte l'extraordinaire et torride sève de l'amour passionnel

"Les Vaisseaux du cœur", Petit Montparnasse, Paris

En 1988, "Les Vaisseaux du cœur" de Benoîte Groult défrayait la chronique, créait la polémique par la crudité pleinement assumée de la description d'une relation/passion extra-conjugale où l'amour physique avait une place centrale, étant à la fois le pivot et le moteur explosif de cette union magique, à la fois dévastatrice et constructive... mais véritablement poignante.



© Ingrid Mareski.
Vingt-cinq ans plus tard, Josiane Pinson adapte le texte à la scène et nous offre ainsi un moment rare, profondément émouvant de théâtre où la chaleur torride des ébats amoureux n'enlève rien à la densité passionnelle de l'amour qui unit deux êtres quasi "extraterrestre" l'un à l'autre : George, l'intello parisienne, et Gauvain, le rustre marin breton...

Une liaison aussi improbable que le mariage de la carpe et du lapin mais qui va se construite sur une fusion charnelle intense et, au fil des vies dissociées, connaîtra à chaque rencontre (espacée souvent de plusieurs années) la renaissance du phénix sur les centres du feu ardent précédent, happés par le désir régénéré des étreintes splendides, effervescentes de l'amour impossible, au quotidien mortel mais aux récurrentes retrouvailles vivifiantes, joyeuses, intenses et chatoyantes... et redoutablement, épuisement sexuelles !

© Ingrid Mareski.
Un bel amour puissant, pérenne, qui passe d'abord par le corps, par les vaisseaux des émotions fiévreuses, des jouissances physiques... Qui, au-delà des mots, passe par les eaux ardentes échangées... prendre la mer des sentiments amoureux où les embruns, parfums sensuels, enivrent les âmes et les corps brûlant de désirs. L'histoire d'une passion qui dure toute une vie... jusqu'à la mort, mais par séquences violentes, passionnelles, éphémères mais pleine de vie, de rire, de bonheur révélé.

Si la beauté de l'histoire - avec son incroyable et insolente liberté -, et la densité, la force de l'écriture de Benoîte Groult sont acquises, cela n'occulte en rien l'incroyable, profonde et talentueuse interprétation de Josiane Pinson et Serge Riaboukine... évoluant avec aisance dans la mise en scène intelligente, éclairée, quasi chorégraphique de Jean-Luc Tardieu.

© Ingrid Mareski.
Superbe, puissante interprétation de Serge Riaboukine, toute en retenue, pleine de pudeur, de sensibilité et d'attention, gommant petit à petit le côté bourru, presque rustre du personnage. Avec un jeu plein de subtilité, Serge Riaboukine apporte une finesse intérieure, plus complexe qu'il n'y paraît, à ce marin emporté par la passion, les flux et reflux émotionnels doublés d'une force sensuelle très physique donnant aux échanges sexuels l'allure de performances olympiennes mais empreintes d'un amour indescriptible.

Josiane Pinson, de son côté, n'a pas que réussi l'adaptation du très moderne et féministe texte de Benoîte Groult... Elle nous donne à lire, à voir, à entendre une "George" bouleversante, terriblement féminine, vibrant d'un amour solaire sur les braises ardentes de sa relation physique avec Gauvain - vivre le sexe comme un feu d'artifice - et troublante, émouvante sur le chemin de ce voyage amoureux où la passion se conjugue sur les modes de l'indépendance, de la fougue et de la spontanéité.

© Ingrid Mareski.
"Comment vais-je vous raconter mon histoire ?", ainsi débute la pièce. Et elle raconte cette passion, de celles, enflammées, incompréhensibles, qui brûlent les corps et les âmes mais qui sont alimentées par la tendresse, la complicité fusionnelle, la douceur et une immense attention de l'autre. "Les Vaisseaux du cœur" est simplement une très belle histoire d'amour, tantôt tempête charnelle, tantôt ouragan des sentiments tendres et éternels empreints de la poésie de l'âme amoureuse... Un beau moment de liberté qui nous fait mettre les voiles sur la beauté universelle de l'amour !

"Les Vaisseaux du cœur"

© Ingrid Mareski.
Texte : Benoîte Groult.
Adaptation : Josiane Pinson.
Mise en scène : Jean-Luc Tardieu.
Avec : Josiane Pinson et Serge Riaboukine.
Lumières : Jacques Rouveyrollis.
Musique : Michel Winogradoff.
Décors : Pierre-Yves Le Prince.
Costumes : Marie Credou.
Durée : 1 h 20.

Jusqu'au 31 mai 2014.
Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 17 h.
Théâtre du Petit Montparnasse, Paris 14e, 01 43 22 77 74.
>> petitmontparnasse.com

Gil Chauveau
Mercredi 2 Avril 2014
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