© Xavier Voirol.
"Qui veut prendre la parole ?". Par cette question inaugurale – la même que pouvaient entendre naguère les citoyens pressés les uns contre les autres sur la colline de la Pnyx au pied de l'Acropole d'Athènes – s'ouvre cette séance-spectacle dont l'objet s'identifie à la démocratie vécue à la fois en direct (nombreux temps réservés au débat) et en représentation scénique haute en couleur.
D'emblée, on est immergé dans l'AG d'une Fac où le tout nouveau Président, élu au vu de son programme radical, s'est s'empressé de trahir ses engagements en appliquant la réforme sélective exigée par le néolibéralisme régnant en maître, attitude purement anti-démocratique déclenchant le jour de la rentrée la grève illimitée… Avec un humour étudié, Christophe Pébarthe dont "personne n'ignore ici qu'il est spécialiste de la démocratie athénienne" – n'a-t-il pas été fait Docteur Honoris Causa par l'Université de Santorin ? – rappelle doctement, avec un pédantisme de bon aloi, la phrase liminaire de l'éminent historien Ernest Lavisse fixant en 1890 le credo des lieux d'éducation : "Notre histoire commence avec les Grecs"… aussitôt interrompu par lui-même pour que la parole soit donnée à la salle.
D'emblée, on est immergé dans l'AG d'une Fac où le tout nouveau Président, élu au vu de son programme radical, s'est s'empressé de trahir ses engagements en appliquant la réforme sélective exigée par le néolibéralisme régnant en maître, attitude purement anti-démocratique déclenchant le jour de la rentrée la grève illimitée… Avec un humour étudié, Christophe Pébarthe dont "personne n'ignore ici qu'il est spécialiste de la démocratie athénienne" – n'a-t-il pas été fait Docteur Honoris Causa par l'Université de Santorin ? – rappelle doctement, avec un pédantisme de bon aloi, la phrase liminaire de l'éminent historien Ernest Lavisse fixant en 1890 le credo des lieux d'éducation : "Notre histoire commence avec les Grecs"… aussitôt interrompu par lui-même pour que la parole soit donnée à la salle.
© Clémence Kazémi.
Ainsi, pour les éventuels distraits venus se perdre ici, monstration est faite qu'il ne s'agira pas d'un cours magistral sur la démocratie – fût-elle grecque – mais de travaux pratiques où chacun (chacune) est invité(e) d'ores et déjà à donner de la voix… seule voie possible vers l'exercice de la démocratie pleine et entière. Sa complice sur scène s'empressera de prendre le premier relai pour animer un séminaire regroupant infirmières et corps médical dont l'objet – la démocratie sanitaire – mobilise toute son attention… vite interrompue à son tour par la règle des deux minutes maxi de parole afin que cette dernière ne soit instrumentalisée par des orateurs démagogues.
Nouvelle AG. Celle des gilets jaunes… La voix du peuple… Mais de quel peuple s'agit-il ? Vous découvrez que le peuple ne parle pas la même langue que vous ? Le mépris du peuple, aussi vieux que les Grecs ? Construire un questionnement pour décortiquer les mécanismes de remise en cause des qualités du peuple, vous avez deux minutes… Le gilet jaune, épouvantail pour le Pouvoir, une résurgence de la démocratie directe des Athéniens recouverte par les limons de la démocratie représentative excluant le peuple de sa capacité légitime à gouverner ? Moment succulent et ô combien signifiant de la citation d'un magazine culturel fort prisé dénonçant l'indigence de ce mouvement populaire spontané, né autour des ronds-points et hors des cadres de l'orthodoxie consacrée, fût-elle de gauche.
Nouvelle AG. Celle des gilets jaunes… La voix du peuple… Mais de quel peuple s'agit-il ? Vous découvrez que le peuple ne parle pas la même langue que vous ? Le mépris du peuple, aussi vieux que les Grecs ? Construire un questionnement pour décortiquer les mécanismes de remise en cause des qualités du peuple, vous avez deux minutes… Le gilet jaune, épouvantail pour le Pouvoir, une résurgence de la démocratie directe des Athéniens recouverte par les limons de la démocratie représentative excluant le peuple de sa capacité légitime à gouverner ? Moment succulent et ô combien signifiant de la citation d'un magazine culturel fort prisé dénonçant l'indigence de ce mouvement populaire spontané, né autour des ronds-points et hors des cadres de l'orthodoxie consacrée, fût-elle de gauche.
© Clémence Kazémi.
Une autre saynète montrera la philosophe à sa table, écoutant "religieusement" une des voix off de la réforme parcours sup. Présenté comme l'opportunité d'offrir à chaque lycéen le choix d'orientation le mieux adapté – "à la fin du processus, c'est le lycéen qui choisit" – ce message-mensonge d'état martelé sur les ondes n'est aucunement questionné par la journaliste, cautionnant de fait un discours gouvernemental aux antipodes des objectifs sélectifs qu'il poursuit. De même sera joyeusement déconstruit en situation le diktat de la période covid – oukase prononcé au nom du bien du peuple – de l'interdiction de se réunir (ou "pas plus de six à Noël") créant des lésions irréparables dans le tissu social.
Prenant pour exemple la tragédie de Sophocle, "Antigone", l'honorable Docteur Honoris Causa s'adressant à l'assemblée prise à témoin demandera qui se sent plus proche de Créon ou d'Antigone que tout sépare… pour mieux faire apparaître que la délibération est essentielle, l'un et l'autre ayant tort a priori. C'est là l'enseignement à tirer de la tragédie grecque, l'expérience de l'impossibilité d'épuiser la réalité dans le discours. La réalité est en excès sur les discours, elle est toujours plus complexe que les discours qui prétendent la circonscrire. Discuter collectivement des lois, non inamovibles, mais prises comme système vivant, ce serait ça la démocratie… vécue en direct.
"Quand nous dansons avec nos racines, nous composons perpétuellement." Et ce soir, ce qui s'est joué sur une scène de théâtre ouverte sur l'espace des citoyens assemblés dans la salle des Colonnes, c'est un remake enjoué de ce que pouvait être l'assemblée athénienne : un lieu de paroles libérées, un espace délibératif dénouant les mécanismes de représentants élus "démocratiquement"… et toujours prêts à abuser le peuple en s'appropriant le pouvoir qu'il leur a délégué.
◙ Yves Kafka
Vu le vendredi 21 novembre 2025 à la Scène Nationale du Carré-Colonnes de Blanquefort (33).
Prenant pour exemple la tragédie de Sophocle, "Antigone", l'honorable Docteur Honoris Causa s'adressant à l'assemblée prise à témoin demandera qui se sent plus proche de Créon ou d'Antigone que tout sépare… pour mieux faire apparaître que la délibération est essentielle, l'un et l'autre ayant tort a priori. C'est là l'enseignement à tirer de la tragédie grecque, l'expérience de l'impossibilité d'épuiser la réalité dans le discours. La réalité est en excès sur les discours, elle est toujours plus complexe que les discours qui prétendent la circonscrire. Discuter collectivement des lois, non inamovibles, mais prises comme système vivant, ce serait ça la démocratie… vécue en direct.
"Quand nous dansons avec nos racines, nous composons perpétuellement." Et ce soir, ce qui s'est joué sur une scène de théâtre ouverte sur l'espace des citoyens assemblés dans la salle des Colonnes, c'est un remake enjoué de ce que pouvait être l'assemblée athénienne : un lieu de paroles libérées, un espace délibératif dénouant les mécanismes de représentants élus "démocratiquement"… et toujours prêts à abuser le peuple en s'appropriant le pouvoir qu'il leur a délégué.
◙ Yves Kafka
Vu le vendredi 21 novembre 2025 à la Scène Nationale du Carré-Colonnes de Blanquefort (33).
"Démocratie ! Un spectacle dont vous pourriez être les héros"
© Clémence Kazémi.
Une expérience théâtrale de Barbara Stiegler et Christophe Pébarthe.
Texte et mise en scène : Christophe Pébarthe.
Avec : Christophe Pébarthe, Barbara Stiegler.
Regard sur la direction d'acteurs : Jean-Marie Broucaret.
Dramaturgie et assistante à la mise en scène : Marie Duret-Pujol.
Scénographie : Clémence Kazémi.
Lumière : Jérémie Papin.
Régisseur général : Matthieu Chevet.
Avec la collaboration involontaire de : Cornelius Castoriadis, Bernard Manin, Francis Duruis-Déri, Dominique Rousseau, Frédérique Vidal, Pierre-Henri Tavoillot.
Durée : 2 h 30
Représenté les 21 et 22 novembre 2025 à la Scène nationale du Carré-Colonnes de Blanquefort (33).
Tournée
6 et 7 décembre 2025 : Scène nationale du Sud-Aquitain, Bayonne (64).
15 mars 2026 : Le Méta - CDN, Poitiers (86).
29 avril 2026 : Les 3T, Châtellerault (86).
21 mai 2026 : Théâtre Ducourneau, Agen (47).
Texte et mise en scène : Christophe Pébarthe.
Avec : Christophe Pébarthe, Barbara Stiegler.
Regard sur la direction d'acteurs : Jean-Marie Broucaret.
Dramaturgie et assistante à la mise en scène : Marie Duret-Pujol.
Scénographie : Clémence Kazémi.
Lumière : Jérémie Papin.
Régisseur général : Matthieu Chevet.
Avec la collaboration involontaire de : Cornelius Castoriadis, Bernard Manin, Francis Duruis-Déri, Dominique Rousseau, Frédérique Vidal, Pierre-Henri Tavoillot.
Durée : 2 h 30
Représenté les 21 et 22 novembre 2025 à la Scène nationale du Carré-Colonnes de Blanquefort (33).
Tournée
6 et 7 décembre 2025 : Scène nationale du Sud-Aquitain, Bayonne (64).
15 mars 2026 : Le Méta - CDN, Poitiers (86).
29 avril 2026 : Les 3T, Châtellerault (86).
21 mai 2026 : Théâtre Ducourneau, Agen (47).