Théâtre

"Déchirements", début d'un dialogue sur les malaises contemporains

"Déchirements", Le Colombier, Bagnolet

C'est un monde d'après, dans lequel des androïdes accompagnent et surveillent l'éducation des enfants. La société décrite dans "Déchirements" de Cyril Heriard Dubreuil est rationnelle. Elle se veut parfaite et heureuse. Comme une utopie réussie. Mais une tache noire apparaît sur le corps de certains adolescents ou enfants…



© Cie en Déliaison.
Mystérieuse, elle sème le trouble dans les rapports entre les individus. Des médiateurs tentent de rééduquer ces déviants qui veulent mourir. Tous semblent atteints d'un trouble du langage lorsque le "je" vient à la bouche. Ils bégayent, bugayent. Alors que l'apparition de taches noires devient épidémique.

La fable originale emprunte les éléments et les codes d'un conte féérique. D'un conte d'enfants auquel il manque de vrais adultes dépositaires d'une légitime autorité. Les difficultés des rapports, les incompréhensions les contestations dans un monde tout en carence de caresse sont décrites minutieusement. Et ce dans un langage d'aujourd'hui. Tous adulescents. Tous criant l'impossibilité du contact : autre violence.

Cette histoire décrivant la crise de l'adolescence et les chemins vers le suicide des jeunes a tout d'une contre utopie, d'un contre merveilleux. Pessimiste donc comme peuvent l'être certains contes de Grimm.

La forme emprunte beaucoup à la plastique et aux rigueurs chorégraphiques de la performance. Et c'est plutôt réussi. Ce détour par la scène vivante est pour le spectateur un miroir tendu dont le tain piège la dégradation des rapports d'humanité. Le portrait du monde contemporain est acide.

Pourtant sans qu'il puisse vraiment se dégager une issue, une happy-end, la fin du spectacle est ambiguë. Elle montre une androïde atteindre, encore balbutiante, une dimension proto humaine. Comme un espoir d'espoir ? Ou l'abattement d'une fatalité ?

Assurément, le spectateur curieux du monde trouve avec "Déchirements" matière à réfléchir et découvre des comédiens et un auteur. De quoi entamer le début d'un dialogue sur les malaises contemporains et applaudir la justesse de la proposition scénique.

"Déchirements"

© Cie en Déliaison.
Écriture et mise en scène : Cyril Hériard Dubreuil.
Pièce n°2 des Révolutions Passives.
Co-metteur en scène : Jean-Paul Rouvrais.
Avec : Julie Brochen, Éric Challier, Maud Le Grevellec, Odile Cohen, Antoine Reinartz, Victoire Belezy, Cyril Hériard Dubreuil.
Son et scénographie : Cyril Hériard Dubreuil.
Lumière et régie générale : Louise Gibaud.
Cie En Déliaison.

Du 12 au 24 janvier 2016.
Du lundi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h. Relâche le jeudi.
Le Colombier, Bagnolet (93), 01 43 60 72 81.
>> lecolombier-langaja.com

11 et 12 février 2016.
À 20 h 30.
COLLECTIF12, 74, boulevard du Maréchal Juin, Mantes-la-Jolie (78).
Renseignements : 01 30 33 22 65.

Jean Grapin
Mardi 19 Janvier 2016
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