Théâtre

Danser à la Lughnasa… Atmosphère, atmosphère, c'est une vraie belle gueule d'atmosphère !

"Danser à la Lughnasa", Théâtre de l'Atelier, Paris

Dans une mise en scène inspirée de Didier Long et une très belle scénographie, les comédiennes font revivre avec tact et talent l'œuvre de Brian Friel. Autour du récit, de la parole et de la danse, elles insufflent différents rythmes, légers et délicats, au texte, faisant de la pièce un beau moment de vérité.



© Christophe Vootz.
C'est un endroit où il ne se passe rien ou si peu. L'action trop expressive n'est pas au rendez-vous. Ni cascade, ni acrobatie. Seul une forme d'ennui étreint cinq sœurs dans leur logis. Pourtant, dans ce huis clos, où l'amour est abîmé et où la maladie rôde, une belle énergie se dégage dans les dialogues comme si chacune de ces femmes était un continent à découvrir. Notre guide est Michaël (Philippe Nahon), le narrateur, devenu âgé, qui remontent dans ses souvenirs de gamin de sept ans.

C'est ce passé du narrateur qui tisse la trame où les femmes, sa mère et ses tantes jouent les rôles principaux et où les hommes sont les personnages secondaires. C'est un drame du quotidien avec ses misères et ses joies, ses rires et ses colères. Ça parle, ça s'engueule, ça rigole et ça danse !

Rose (Lola Naymark), Maggie (Florence Thomassin), Kate (Claire Nebout), Chris (Lola de Laâge) et Agnès (Léna Breban) sont le socle d'un foyer où l'homme est défaillant ou absent, atteint par la maladie ou la légèreté, comme vacciné par un manque de responsabilité. Elles sont fortes chacune de leur individualité, rêvant d'espaces, d'étendues, d'Ailleurs, de porte ouverte et d'inconnu.

© Christophe Vootz.
Le décor laisse voir un intérieur où trône un poste TSF, de marque Marconi s'il vous plaît, qui les transportent, quand elles tournent le bouton, dans un rêve où leurs corps parlent, où leurs jambes s'élancent, où leurs pieds tapent le sol et où le rythme les transforme, pour un moment, en femmes accomplies. La danse devient une pulsion de vie qui met sous cloche leur ennui, ce faux miroir d'elles-mêmes. Parole et corps sont parties liées, comme l'arbre à sa feuille ou l'abeille à son miel.

La scénographie de Didier Long et Bernard Fau est superbement picturale et plante une atmosphère nourrie d'une lumière un peu ocre mettant en exergue les personnages, le temps qui passe et cet ennui tué à bout de répliques et de danse. La mise en scène de Didier Long est d'un étonnant équilibre car elle réussit à faire cohabiter le calme avec l'énergie, la parole avec le corps, les cris avec les rires, la narration avec les dialogues.

Le jeu est vif, rapide, singulier de sobriété et de violence contenue. La vie est aimée mais bridée par un contexte social et économique qui ferme ses portes à nos cinq sœurs. Que faire quand le futur est recroquevillé dans un "dix mètres carrés" ? Il s'agit pour elles de se lever, de faire d'un poste TSF un compagnon de vie avec qui elles peuvent danser… danser… et rêver. Et à nous faire rêver aussi !

"Danser à la Lughnasa"

Texte : Brian Friel.
Traduction française : Alain Delahaye.
Mise en scène : Didier Long, assisté de Jeoffrey Bourdenet.
Avec : Léna Bréban, Philippe Nahon, Claire Nebout, Bruno Wolkowitch, Lou de Laâge, Lola Naymark, Florence Thomassin, Alexandre Zambeaux.
Scénographie : Didier Long et Bernard Fau.
Costumes : Pascaline Suty.
Lumières : Patrick Clitus.
Musique : François Peyrony.

À partir du 22 septembre 2015.
Du mardi au samedi à 21 h, matinée dimanche à 15 h.
Théâtre de l'Atelier, Paris 18e, 01 46 06 49 24.
>> theatre-atelier.com

Safidin Alouache
Lundi 9 Novembre 2015
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