Théâtre

Courteline à déguster en sept petites bouchées

"L'affaire Courteline", Le Lucernaire, Paris

La fantaisie verbale, c'est ce qui ressort de ce collage de courtes pièces. Ainsi est dévoilé Georges Courteline, s'amusant du langage, qu'il soit à demi argotique, populaire ou judiciaire (pour le dernier met de cette dégustation). Des dialogues qui fouettent, qui sourdent le cru, le collectage dans la rue, au coin du zinc ou dans les bureaux administratifs où l'auteur a fait une partie de ses classes.



© Franck Harscouët.
Un vrai régal que ces échanges haut en couleur pour les comédiens de cette "Affaire Courteline". D'autant que les personnages sont eux aussi extrêmement extravagants. Mais pas seulement : ils sont pour la plupart ridiculisés dans leurs poses, leurs afféteries, leurs probités. Aucun ne réchappe à l'ironie tonique de Courteline : employés de ministère dépressifs, bourgeoises cocues superficielles, bonnes et patronnes interchangeables, maris et femmes hypocrites, juge dépassé.

Trois univers particuliers forment les axes de la pièce : le couple et la vie de ménage, les employés de l'administration, la justice. Mais le tout est surtout un florilège de scénettes intercalées de maximes de l'auteur et illustrées par quelques chansons que les six interprètes chantent en chœur - "Je ne suis pas bien portant" de Gaston Ouvrard, "Les nuits d'une demoiselle" de Colette Renard. Des airs sans trop de rapports avec l'époque ni avec le fond des histoires mais qui agissent comme des intermèdes facétieux qui font écho aux choix de mise en scène.

© Julien Jovelin.
Tout se déroule à vue. Scène de théâtre que quelques costumes pendus, un paravent et trois accessoires vont transformer au gré des besoins des scènes. Un système souple qui suffit à projeter les personnages dans un salon bourgeois, une chambre, un bureau ou un tribunal. Grâce à ces détails et à des éclairages élaborés, on se transporte dans cette première moitié du XXe siècle à Paris : un corset, des meubles en bois, un boa s'accordent aux gestes et aux mimiques sur-expressifs qui collent parfaitement aux personnages.

Reste que l'humour de Courteline est maintenant très démodé : un humour à la française qui s'amuse si bien de l'absurde des situations qu'elles en paraissent effectivement trop exagérées pour être crédibles. Il n'empêche que la mise en scène est alerte, inventive, et qu'elle ne cherche pas à moderniser de force ce théâtre. Au contraire, tout en imposant la distance du théâtre comme gage de l'aspect ludique démesuré de ces scènes, elle est présentation énergique d'un style tel qu'il a existé, avec un succès énorme, à son époque.

Et dans cet exercice, la distribution est totalement crédible, pleine de talents, toujours dans ce sur-jeu qui fait si bien ressortir les vices et les vertus, objets des railleries mordantes de l'auteur.

"L'affaire Courteline"

© Julien Jovelin.
Sept pièces courtes de Georges Courteline.
Mise en scène : Bertrand Mounier.
Collaboration artistique : François Nambot.
Avec : Isabelle De Botton, Salomé Villiers ou Raphaëlle Lemann, Étienne Launay, Pierre Hélie, Philippe Perrussel, Bertrand Mounier ou François Nambot.
Scénographie : Virginie H. et Bertrand Mounier.
Costumes : Virginie H.
Création musicale : Kahina Ouali.
Durée : 1 h 20.
Coq Héron Productions.

Du 21 mars au 6 mai 2018.
Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 16 h.
Relâches exceptionnelles les 6, 10 et 14 avril 2018.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Bruno Fougniès
Jeudi 5 Avril 2018
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