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"Célimène et le Cardinal" Les faiblesses des hommes font la force des femmes*

La lumière que je cherche depuis plusieurs jours était sur une scène de théâtre. Comment n'y ai-je pas pensé avant ? Quand j'écris "lumière", je ne fais aucunement référence à un guide spirituel ou autre délire divinatoire. Je parle de rayonnement et d'une comédienne, plus particulièrement. Cette lumière brille actuellement au théâtre du Lucernaire dans la pièce "Célimène et le Cardinal" et elle y tient donc le rôle féminin et s'appelle Amélie Gonin.



© Emmanuel Fradin.
La vie, la passion et l'incarnation qu'elle donne au personnage de Célimène font (presque) tout le spectacle. Le décor, rougi de toutes parts jusqu'aux plus petits accessoires, accompagne les deux comédiens dans ce huis clos passionnel. C'est à Frédérique Lazarini qu'on doit la mise en scène. Robert Plagnol est le Cardinal (Alceste). Un cardinal à l'émotion palpable.

Le Cardinal et Célimène se sont aimés il y a vingt ans. Follement, passionnément. Un air de "déjà-vu" non ? Le Misanthrope de Molière, oui. Alceste n'ayant plus foi en l'humanité est devenu cardinal. Quant à Célimène, elle est mariée, mère de quatre enfants et vit pleinement sa féminité. La pièce est de Jacques Rampal, auteur contemporain qui s'est donc imaginé les retrouvailles. Quelle belle idée !

Alceste, le cardinal, prétexte qu'un danger menace Célimène. Ceci explique donc ce retour dans la vie désormais rangée de cette femme épanouie à qui tout semble sourire. Seulement, et progressivement, cet ancien amant ne cesse de rugir et de la maudire. De ces retrouvailles qui auraient pu présager d'être douces et affectueuses, les reproches, les critiques, les bassesses ne cessent de s'inviter sur le plateau et la passion vécue d'antan, reprend du service avec toute la rancœur déversée d'un homme qui a perdu l'amour et semble aussi douter de la foi. Alceste apparaît perdu et paumé quand Célimène, elle, s'étourdit à la fois de ruse, de sourire et de fantaisie pour ne pas laisser la peur envahir son espace.

© Emmanuel Fradin.
Ce texte est un délice d'alexandrins et ce n'est pas chose aisée de réussir à embarquer le spectateur dans ce courant linguistique qu'est le vers. De nos jours en particulier. Pourtant, ce texte est d'une vraie modernité. La passion qui rend fou, l'amour qui fait hurler, la jalousie qui mène aux coups et à la brutalité. Ce texte est fort et d'actualité.

Ils sont deux sur scène et remplissent parfaitement l'espace de ce huis clos passionnel. Célimène est force et faiblesse quand Alceste, plongé dans une radicalité religieuse presque folle à lier, tombe dans une vulnérabilité et une certaine fébrilité.

Amélie Gonin semble être ce genre de femme, faible et forte à la fois. Comme toutes les femmes finalement. Endosser ce rôle prouve en tous les cas qu'elle est une grande comédienne, dirigée parfaitement et embarquant avec elle, le public, dans la jolie lumière d'un spectacle qu'elle rend si vivant.
◙ Isabelle Lauriou

* Citation de Voltaire.

"Célimène et le Cardinal"

© Emmanuel Fradin.
Texte : Jacques Rampal.
Mise en scène : Frédérique Lazarini.
Avec : Amélie Gonin et Robert Plagnol.
Scénographie : Brigitte Veyne.
Costumes : Nathalie Prats.
Lumières : Didier Brun.
Musique : Thomas Briant.
Production Andrew, Robert, Gilles et les autres…
Durée : 1 h 10.

Du 3 septembre au 7 décembre 2025.
Du mercredi au samedi à 21 h, dimanche à 18 h.
Le Lucernaire, Théâtre rouge, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e.
Téléphone : 01 45 44 57 34.
>> Billetterie en ligne
>> lucernaire.fr

Isabelle Lauriou
Mardi 7 Octobre 2025
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