Pièce du boucher

Billet n°9 : Il était une fois, Princess Charlene… Un événement interplanétaire !

Pour tous ceux qui n’avaient pas les moyens de se payer un hélicoptère pour se rendre au Théâtre du "Petit Rocher Monégasque" samedi 2 juillet, était retransmis, sur les deux premières chaînes de télévision, une pièce qui a duré tout l’après-midi. Vraiment incroyable, me suis-je dit, je ne pensais pas que le petit écran accorderait autant de place au spectacle vivant ! Surtout pour du théâtre, genre très classique, où unités de temps, de lieu et d’action sont à ce point respectés. Le titre : "Le mariage de Monseigneur le Prince Albert et de la petite roturière"… L’événement était de taille !



© Centre de Presse de Monaco.
Quatre heures !
Jamais, ô grand jamais, dans toute l’histoire de la télévision française, n’a été diffusée sur deux chaînes nationales en même temps, un samedi après-midi, une pièce de théâtre, qui plus est de cette durée. Incroyable, mais vrai !

Incroyable, mais vrai aussi quand on sait combien a coûté cette production… quelque 4 millions d’euros. Pour cette pièce historique et d’époque (jouée tout en costume) et accompagnée par environ 10 000 figurants, on ne pouvait guère faire autrement que de mettre la main au porte-monnaie. Et en effet, en tant que producteur principal, le palais monégasque, grand défenseur du spectacle vivant, a eu la générosité de prendre à sa charge la plupart des frais. On ne reprochera donc plus à quelques lieux parisiens de détenir le monopole des subventions théâtrales…

Commençons par le plus impressionnant : les costumes. Absolument superbes. Pour l’occasion, Georgio Armani et Karl Lagerfield ont prêté main forte. Même si, pour notre époque, la plupart sont absolument démodés (les comédiens ressemblaient plus aux Bisounours en visite au village des Schtroumpfs), on ne peut qu’applaudir cette reconstitution historique : un des derniers déploiements royaux d’avant la Révolution.

Dommage cependant que la robe de l’actrice principale (Charlene Wittstock dans le rôle de Princesse Charlène) était à ce point mal coupée : à chaque mouvement, elle regardait ses pieds. Un peu maladroite, sa démarche hésitante ne lui a pas permis d’emboîter un pas élégant et sportif sur celui de son prince. Ne soyons toutefois pas trop sévères, ni sur la direction d’acteurs ni envers la jeune femme : ce fut pour elle une première. Contrairement à celle qui l’avait précédée, la regrettée Grace Kelly.

Un sans faute concernant le timing, parfaitement respecté. Mais peut-être aurait-on aimé y trouver plus d’actions. On aurait vraiment cru qu’avec l’arrivée du petit "Iznogoud", calife de la Syldavie, des têtes auraient volé et on aurait vu Charlene réexpédiée illico en charter vers son Afrique natale. Mais rien de tout cela : que l’œil torve de certains, planté sur des têtes un peu trop blondes et un corps nonchalant. La grande royauté dans toute sa suffisance. Horreur ! Heureusement que la Révolution est passée par là depuis !

L’intérêt de la pièce se situe donc à un autre niveau. Le metteur en scène a préféré s’attacher à la seconde strate, plus profonde et plus fine. En choisissant pour le rôle du père (celui de la mariée), un comédien ressemblant de beaucoup au Prince (au moins par l’âge et par la carrure), on se retrouve à la fois devant le roman familial des névrosés et le complexe d’Œdipe : avec Albert, elle a retrouvé son père en mieux et en plus riche ! Le schéma, ainsi mis en valeur, est intéressant.

Concernant les dialogues, un peu courts et souvent désuets. On est bien là dans le cas typique d’une pièce qui a mal vieilli : par exemple, demander à une princesse de "renoncer à Satan" pendant une cérémonie religieuse fait-il encore sens aujourd’hui ?

Bien qu’un ensemble "kitch", une action un peu trop lente et monolithique (l’entrée en scène des personnages principaux n’arrive qu’à la fin du troisième acte, soit au bout de deux heures trente de jeu), c’était tout de même un rendez-vous comme on n’en voit peu. Le dernier date de plusieurs décennies avec Grace Kelly dans le rôle principal… Une chose de sûre, nous aimerions voir le Spectacle vivant mis à l'honneur de cette façon plus souvent.

Sheila Louinet
Dimanche 3 Juillet 2011
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