Théâtre

Avignon Off 2013 : "Les eaux lourdes", un drame sur les pentes de pics sublimes

"Les eaux lourdes", Théâtre des Halles", Avignon

"Les eaux lourdes" de Christian Siméon est un drame comme on les aime. Avec ce côté trop qui donne aux comédiens la liberté et l’intensité du jeu et au spectateur la satiété de théâtre.



© Alain Fonteray.
L’histoire se déroule entre 1940 et 1960 en France et côtoie la grande histoire, raconte les guerres intimes de l’ombre.

Mara est une femme amoureuse. Délaissée, elle n’hésite pas à tuer l’enfant qu’elle a eu de Pierre, son amant.

Mara dans une longue, puissante pulsion de vengeance et de désir se nourrit avec constance de ce souvenir et s’apprête, se maquille, répète à l’infini les retrouvailles qu’elle finit par obtenir. De manipulations en manipulations, au bout de vingt ans, elle fait revenir l’homme à ses cauchemars. Cet entraînement à la torture morale de Mara paie. Elle arrache à l’homme ses aveux sur son passé durant la guerre. De lâcheté et de traîtrise qu’elle lui fait payer au prix fort : celui du meurtre de son second fils qu’il ne connaissait pas.

De l’histoire le spectateur ne connaitra qu’une version orale.

© Alain Fonteray.
Tous deux se retrouvent au final à égalité de sentiments. Héros tombés du piédestal.

À égalité de sentiments. Parias de l’amour et de l’honneur. Dignes du répertoire des acteurs du grand guignol historique qui sévissait dans l’entre-deux guerres.

Le texte de Christian Siméon est dense. L’auteur prise une écriture classique qui n’hésite pas à travailler la pâte de la tragédie antique, à conduire et manier le grotesque et le trivial pour conduire de stances en stances, en digne disciple de Hugo, un drame sur les pentes de pics sublimes.

Élisabeth Mazev reçoit sur un plateau d’argent ce texte qui lui permet de s’avancer avec délectation dans les variations d’une fureur shakespearienne. Elle compose une figure renouvelée et moderne de Médée.

Le texte et le jeu ont une manière bien à eux de révéler, sous les romances de Bécaud et Aznavour, l’épaisseur des silences de l’après-guerre.

"Les eaux lourdes"

Texte : Christian Siméon.
Mise en scène et scénographie : Thierry Falvisaner.
Interprètes : Élisabeth Mazev, Julie Harnois, Christophe Vandevelde, Arnaud Aldigé.
Lumière : Sylvain Blocquaux.
Son : Shoï Lorillard.
Costumes : Paula Dartigues.
Par le Théâtre Charbon.
Durée : 1 h 20.

Avignon Off 2013
Du 6 au 28 juillet 2013.
Tous les jours à 14 h.
Théâtre des Halles, Salle du Chapitre, Avignon, 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Jean Grapin
Mercredi 24 Juillet 2013
Dans la même rubrique :