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"À vies contraires"... Un texte où les mots, comme les lacets des chaussures, s’envoient en l’air !

La chronique d'Isa-belle L

Au théâtre, il y a des auteurs, des textes, des acteurs, un ou plusieurs metteurs en scène, des scénographes, des régisseurs et il y a aussi l’affiche. On ne parle pas assez des affiches. J’ai entendu souvent qu’il était plus opportun de poser son minois sur un visuel pour appâter le spectateur, j’ai fait cette expérience et excepté dans ma région natale, ma photo n’intéressait guère...



© Camille.
Inutile de sortir son plus beau sourire, sa plus belle tenue, de masquer ses rides, de "photoshoper" les capitons. Non ! Inutile en effet. Comptons désormais sur les paires de chaussures. Des paires de chaussures dépareillées dont les lacets s’entremêlent. J’aime l’idée. Ça tombe bien ! C’est de ce spectacle dont je veux parler. Le flyer sur lequel mon regard s’est posé, après que son auteur, comédien et un peu metteur en scène, un soir d’avril… me l'ait laissé. "En avril ne te découvre pas d’un fil" et me voilà en mai à parler de lacet… C’est drôle non ?

Au théâtre, il y a des auteurs qui mettent en scène tout en apprenant le texte pour jouer en soirée et en continu s'il vous plaît, quel métier ! Je dis bravo.

Rendez-vous donc au Théâtre des Variétés avec le bien nommé : Julien Roullé-Neuville à qui on doit ce très réussi spectacle : "À vies contraires". Théâtre des Variétés sur les grands boulevards, première fois de ma vie que j’y mettais les pieds. Confort assuré. On y passerait la nuit… après un apéro servi sans maladresse par la joyeuse troupe de comédiens. Dans un décor sympa, stylé et branché. Mais pas trop. Juste ce qu’il faut. Le personnage qui ouvre le bal vient de se faire larguer, autant dire que son nid ex douillet n’est pas très bien rangé… On l’excuse, une rupture ce n’est pas simple à avaler et il n’est pas toujours aisé de trouver chaussure à son pied. Expression de saison.

© Camille.
Il est bon ce comédien. Celui qui se fait plaquer. Arno. Drôle à souhait sans jamais trop en rajouter. Et le texte qui lui est offert, comme un excellent "Jasnières" à l’apéro, contribue aux couleurs variées de son jeu dont se délectent sur plus d’une heure, les spectateurs.

Il se retrouve là, seul, au milieu de nous, voyeurs sympathiques, qui oscillons entre rires et empathie, jusqu’à l’arrivée de ses amis. De ses amis…vraiment ? Oui. Apparemment. C’est la femme qui déboule la première. "Débouler", ce n’est pas très beau mais la concernant c’est LE mot. Une boule d’énergie qui m’a rappelé Valérie Lemercier. Son allure, son port de tête, sa force comique. Elle nous fait tourner la tête, comme le manège de Piaf avec un corps tout aussi habité.

Puis arrive le mari. Julien Roullé-Neuville, encore lui. Toutes les casquettes je vous ai dit. Si la comédienne qui interprète sa femme, enfin, sa "chose" - parce qu’il est plus qu’un brin macho - est une boule d’énergie, lui, c’est une bombe à retardement qui explose toujours au bon moment. D’un naturel à couper le souffle malgré, paraît-il, un gros mal de dos, il en met plein la vue sur le plateau. Il est franchement réussi cet apéro. Prolongations !

On était bien avec eux. Les spectateurs ne se cachaient jamais pour rire. Au contraire. Et nous étions nombreux. Les répliquent fusent comme les tequilas frappent dans certains cafés. Les vannes, comme les lacets des chaussures, s’entrechoquent comme l’énième toast porté au cours d’une soirée. La chaleur monte au rythme de l’histoire comme sur une piste de danse inondée de déhanchés. Tous les ingrédients sont là. Un apéritif aussi varié, c’est l’été avant l’heure et le plaisir assuré.

© Camille.
Jusqu’au coup de théâtre. Il y en a un. Je récapitule pour ceux qui déjà, se seraient endormis… Arno s’est fait plaquer. Il est seul chez lui. Quelques minutes plus tard, par hasard… Vraiment ? Surgit le couple d’amis : Daniel et Sophie. Qui passait par là, par Paris…alors qu’ils vivent à ? 150 km. Quelle idée ! Quel instinct aussi.

Inutile de vous dire qu’Arno est dans tous ses états mais qu’en y songeant de plus près, Sophie n’est pas "mâle" non plus et Daniel… Et cela n’a rien à voir avec son mal de dos, nous en sert un sacré coup. D’états.

Le théâtre, ce n’est pas vraiment la vie réelle même si l’auteur explique qu’il s’est inspiré d’un événement personnel. Au théâtre, il y a des tas de détails qu’on ne relèverait pas dans la vie, des bons mots qu’on préfère taire au risque de perdre des amis.

Il y a… comme le chante si bien Vanessa Paradis, ce spectacle aussi : "À vies contraires". C’est une pièce de théâtre, un spectacle bien vivant et avant tout une troupe de comédiens extraordinaire servie par un texte où les mots, comme les lacets des chaussures, s’envoient en l’air.

On ne parle pas assez des affiches. Voilà qui est fait. Regardez-les ces chaussures aux styles et aux couleurs variés. Elles en disent long sur la qualité de ce spectacle d’auteur comédien passionné par son métier.

À vies… aux amateurs de bons mots et d’apéro, au moins, champagnisé !

"À vies contraires"

Texte : Julien Roullé-Neuville.
Mise en scène : Judith D’Aleazzo, assistée de Marine Montaut.
Avec : Marine Montaut ou Fabienne Galloux, Laetitia Giorda ou Céline Petit, Alexandre Texier, Julien Roullé-Neuville ou Vincent Varinier.
Lumière : Guillaume Bursztyn.
Bande son : Pierre Arnaud Briot.
Compagnie Namasté.
Durée : 1 h 20.

Du 14 janvier au 14 juin 2014.
Du mardi au samedi à 20 h 30.
Théâtre des Variétés, Paris 2e, 01 42 33 09 92.
>> theatre-des-varietes.fr

Isabelle Lauriou
Mercredi 14 Mai 2014
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