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17 au 22/10/2011, Semaine de la Pop Philosophie Saison III, Marseille

Cette année, à Marseille, philosophes, journalistes, économistes et sociologues interviendront sur "Kant et les extraterrestres", les super-héros de Batman à Superman, "l’architecture canard" théorisée par Robert Venturi, mais également sur la question du prix de la philosophie. Et c’est à la Maison Hantée que se tiendra une surprenante rencontre "Rock, drugs & philosophy".



Jacques Rancière © DR.
Troisième édition de cette manifestation originale initiée par Les Rencontres Place Publique et conçue par Jacques Serrano, la Semaine de la Pop Philosophie connaîtra plusieurs moments forts, notamment la soirée Rock "Purple Haze, le Rock et les drogues" : Un Trip avec Jimmy Hendrix et Michel Foucault, au Bar rock La Maison Hantée, avec l'intervention du philosophe Francis Métivier.

Parmi les autres évènements importants de cette semaine, la soirée inaugurale sur le thème "La philosophie, combien ça coûte ?", avec Marcel Hénaff, Yann Moulier Boutang et Aude Lancelin, sera accueillie par Euromed Management.

À la Galerie de l’École Supérieure des Beaux-Arts, les super-héros Batman et Superman feront l’objet d’une intervention de Christian Boissinot, Jean-Claude Simard et Federico Pagello, et, au forum de la Fnac, Mathieu Triclot interrogera "La Métaphysique du Joystick".

Francis Métivier interviendra sur "Foucault et Hendrix" au bar rock la Maison Hantée, et Valéry Didelon et Bruno Queysanne, aux côtés de Françoise Gaillard, interrogeront l’histoire de "l’architecture canard" dans les galeries du Musée d’Art Contemporain de Marseille.

Quand à Peter Szendy, il évoquera, au théâtre national de Marseille La Criée, les relations que Kant a entretenu avec les extraterrestres. Enfin, au centre de la Vieille Charité/CIPM, Quentin Meillassoux dévoilera à l’occasion de cette semaine le "code secret de Mallarmé".

La Semaine de la pop philosophie par Stéphane Legrand (philosophe)

Ne nous faisons pas d’illusion : nous ne parviendrons pas à définir la "pop’philosophie". L’expression vient on le sait de Deleuze, qui l’utilisait pour caractériser, avec un brin d’ironie, sa manière très personnelle de pratiquer la philosophie en opérant des greffes de références hétérogènes (à la philosophie d’école la plus classique comme à des films de série B, ou à des musiciens portés sur la consommation d’hallucinogènes). Mais le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas été d’une précision absolue dans sa définition de la chose (s’agit-il, d’ailleurs, d’une chose ? d’un style ? d’une discipline ? d’une méthode ? d’un champ de recherche ? d’un effet spécifique produit sur le lecteur ?), et qu’on en a fait depuis des usages proliférants et pour le moins contrastés.

De sorte que l’on pourrait dire de la pop philosophie ce que Malcolm Lowry disait de son livre Under the Volcano : elle peut tenir dans "de la musique hot, un poème, une chanson, une tragédie, une comédie, une farce, tout cela à la fois" ; elle est "superficielle, profonde, passionnante, rasante, selon les goûts" ; et l’on ne sait s’il faut y voir "une prophétie, un tract politique, un cryptogramme, un film grotesque, ou un graffiti". Indéfinissable, donc.

Mais peut-être n’y a-t-il pas lieu de le déplorer. Car définir, c’est délimiter, fixer des frontières, enclore dans les bornes immuables d’un concept, partager entre un intérieur (propre, rassurant, cosy, heimlich) et un extérieur (étranger et toujours plus ou moins menaçant). Et c’est aussi reconduire dans la pensée l’opposition, toujours politiquement et socialement connotée, des discours légitime et illégitime.

Or ce geste est précisément celui que la "pop’philosophie" se retient d’accomplir, en sorte qu’elle se caractérise sans doute moins par telle ou telle propriété positive, par un contenu ou une méthode assignable, que par l’entêtement de ce refus. Peut-être a–t-elle retenu la leçon de Canguilhem selon qui "la philosophie est une réflexion pour qui toute matière étrangère est bonne, et nous dirions volontiers pour qui toute bonne matière doit être étrangère". On ne s’étonnera donc, qu’il soit impossible de se mettre d’accord sur les déterminations objectives que comporterait son concept, et on se gardera plus encore d’y voir un manque ou un désordre.

C’est que "pop’philosophie" est beaucoup moins une notion qu’un mot d’ordre, certainement pas une discipline constituée ou même un champ de recherche clairement délimité, mais plutôt une injonction et un étendard. "Il faut être absolument pop" voudrait alors dire : il faut assumer le destin de la pensée philosophique qui est d’être par essence dépourvue d’essence, structurellement exorbitée, de n’avoir toujours son lieu propre qu’en-dehors d’elle-même.

Cette philosophie n’est donc pas "pop" au sens où elle élèverait à la supposée noblesse du concept des objets triviaux, ou inversement ferait descendre des philosophèmes issus d’on ne sait trop quelle stratosphère théorique dans les entendements ordinaires du peuple ("vulgariser", ce vilain mot) - mais bien plutôt au sens où elle se contente de jouer en toute innocence et candeur le jeu même de la philosophie, dont l’enjeu a toujours consisté dans la recherche de ses propres règles, par définition introuvables, pour la simple joie de la théorie.

Une philosophie sans qualités, en somme*. Stéphane Legrand.

*Au sens où Robert Musil concevait ce que pourrait être un Homme sans Qualité, dans le roman qui porte ce nom.

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Gil Chauveau
Vendredi 14 Octobre 2011
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