La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.https://www.larevueduspectacle.fr/2024-03-29T15:03:29+01:00Webzine Maker48.67104242.3340589https://www.larevueduspectacle.fr/favicon.icoLe singulier challenge artistique de Lynda Lemay2021-05-01T14:40:00+02:00https://www.larevueduspectacle.fr/Le-singulier-challenge-artistique-de-Lynda-Lemay_a2900.htmlhttps://www.larevueduspectacle.fr/photo/art/imagette/54618641-41078429.jpg2021-03-12T09:04:00+01:00Gil Chauveau
En novembre dernier, nous avons pu découvrir "Il était onze fois" et "Des milliers de plumes" qui démarraient cette aventure particulière qui porte l'intitulé générique du premier CD. Cette expérience discographique est un long parcours créateur où l'auteure, compositrice et interprète, aborde et abordera onze thématiques principales chères à sa plume fougueuse. Avec sa poésie singulière et rigoureuse, elle y dissèque des sujets brûlants d'actualité ou effarants d'éternité : la famille, la fin de vie, l'amour, l'anxiété, le deuil, la maladie, les violences faites aux femmes, l'homosexualité, les transgenres, etc. Mais le thème "maître" de tous les titres écrits par Lynda est sans conteste, au-delà des tempêtes, l'espoir !
C'est à la suite du décès de son père que Lynda Lemay a construit cette ambition créatrice. "On ne va pas se le cacher, toute cette histoire est née de la fin de celle de mon père. Il est mort à 88 ans. Il a gardé des étoiles dans ses yeux jusqu'au dernier regard. Un regard d'une bonté infinie. C'est peut-être pour ça que j'y crois, à l'infini, et que j'ai des idées de grandeur ! Quelques mois après son décès, j'étais assise au café Le Spot, situé tout près de l'école que fréquentait ma fille Ruby en 2017. Et comme ça m'arrive souvent, j'ai eu "un flash", une vision ! Je me suis vue réaliser le plus grand projet de ma vie : onze albums de onze chansons. […]"
De ces onze, le premier s'intitule donc "Il était onze fois". C'est aussi le titre d'un "mélo-métrage" qui l'accompagne : onze petits films chantés (vidéoclips), onze morceaux de ce qui ne formera au bout du compte qu'une seule et grande histoire. Ces clips des chansons mises en scène voient le jour petit à petit. Déjà trois ont été tournées : "Le monde" (épisode 1), "Un soir de semaine" (ép. 2) et "Mon drame" (ép. 3). Le deuxième CD s'intitule "Des milliers de plumes", titre qui fait doucement référence à l'encre des nombreuses plumes qui ont dansé sous ses doigts lors de l'écriture de ses nouvelles chansons. C'est aussi un touchant clin d'œil aux plumes de l'ange principal de son ciel : son père.
Extrêmement poignantes, bouleversantes ou teintées d'humour - parfois acide -, emplies de tendresse et de poésie, de réalisme déconcertant, les compositions de Lynda ont cette capacité particulière à effectuer un regard presque documentaire sur notre monde, nos mœurs, nos dérives et nos fractures. Elle aborde tous les sujets, les grands drames du moment, les fêlures de nos sociétés dites civilisées : la transsexualité, le viol, l'inceste, les femmes battues, la maladie d'un proche, sa gestion, son accompagnement. Ça secoue les neurones, les consciences, ça fait des vagues sur les mers de la bienveillance, de l'empathie.
Ajouté à cela, le phrasé clair, la diction parfaite et la subtile variation des tonalités émotionnelles, embelli par des envolées passionnées, de l'artiste québécoise donnent à chaque mot ou phrase une intention forte, ardente, au profil quasi cinématographique. Chaque chanson est une séquence de vie, une fiction pour mieux exprimer la réalité… de petites chroniques du quotidien où fleurissent parfois des événements exceptionnels, où se font des rencontres imprévues, où naissent des amours ou des amitiés inattendues ou inespérées…
Lynda revient donc en force, mais en délicatesse. Ces 11 albums, dont elle est la réalisatrice, ont entièrement été enregistrés aux studios Piccolo à Montréal. Elle s'est entourée de brillants complices de longue date dont Dominique Messier, Yves Savard, Pierre Messier, Sébastien Dufour, Philippe Dunnigan, Francis Veillette, Christine Giguère, etc., pour ne citer que ceux-là. La liste déborde d'amis musiciens émérites. Au son, ce n'est nul autre que le jeune Gabriel Dubuc qui tient avec brio le rôle d'ingénieur principal. C'est ce dernier ainsi que les frères Messier qui ont assuré les mixages des deux premiers opus.
Les troisième et quatrième opus sortant aujourd'hui se nomment "À la croisée des humains" et "De la rosée dans les yeux"… deux fois onze nouveaux titres, tous aussi touchants les uns que les autres. Lynda Lemay continue de se démarquer par la qualité et la richesse étonnante de son écriture, par cette capacité singulière à produire de l'imaginaire ancrées sur nos vicissitudes quotidiennes ; et par sa façon bien à elle de laisser la poésie et les mélodies suaves enrober de douceur les sujets les plus épineux.
"À la croisée des humains" est un album de rencontres, de chansons nées de confidences ou d'expériences marquantes. Lynda décrit avec brio l'amour sous tous ses angles. Celui qui naît et celui qui trépasse. Elle dénonce au passage les relations toxiques et se moque avec espièglerie des aléas du divorce mal géré. Elle se glisse ensuite dans la peau de cette grande enfant en mal de mère, aussi bien que dans le corps désobéissant de celui qui envie le poisson rouge d'être libre dans son bocal. Elle accueille même les rimes de son papa défunt dans cette description d'une fin de vie déchirante et pourtant bizarrement heureuse. Lynda saute de la guitare au piano, de l'amour à la mort, et de la peur au courage.
Dans les textes de "De la rosée dans les yeux", elle passe d'une émotion qui surprend à une autre qui se suspend. Elle fait cohabiter autobiographie et fiction dans un même tableau aux couleurs vives et aux textures qui dérangent. À en croire l'artiste, si toute vérité n'est pas bonne à dire, elle est tout de même belle à chanter. "De la rosée dans les yeux" est un jardin où les roses et les ronces s'entremêlent, où les rimes et les rythmes se nourrissent de la chaleur d'un même soleil. La plume virtuose de l'artiste est toujours bien présente, dotée d'une créativité prolifique et généreuse… Et l'émotion est là, nous attrapant en plein vol dans ses filets poétiques et mélodiques !
● Lynda Lemay "Il était onze fois".
Label : Productions Caliméro.
Distribution : Les Productions Caliméro Inc.
Sortie : 11 novembre 2020.
● Lynda Lemay "Des milliers de plumes".
Label : Productions Caliméro.
Distribution : Les Productions Caliméro Inc.
Sortie : 11 novembre 2020.
● Lynda Lemay "À la croisée des humains".
Label : Productions Caliméro.
Distribution : Les Productions Caliméro Inc.
Sortie : 12 mars 2021.
● Lynda Lemay "De la rosée dans les yeux".
Label : Productions Caliméro.
Distribution : Les Productions Caliméro Inc.
Sortie : 12 mars 2021.
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"Amours Sorcières" de Julie Lagarrigue… Se laisser envoûter par sa féminine et imaginative plume2020-09-08T14:11:00+02:00https://www.larevueduspectacle.fr/Amours-Sorcieres-de-Julie-Lagarrigue-Se-laisser-envouter-par-sa-feminine-et-imaginative-plume_a2724.htmlhttps://www.larevueduspectacle.fr/photo/art/imagette/45646720-36769049.jpg2020-09-08T14:05:00+02:00Gil Chauveau
Quatrième album pour cette artiste aux multiples facettes, plasticienne, art-thérapeute, comédienne et auteure compositrice, qui nous offre ce voyage poétique et musical, forgé dans le creuset d'une chanson française assumée. Enregistré en live au fin fond de la forêt du Médoc… elle y retrouve la compagnie de musiciens complices, Anthony Martin (guitares, percussions et chœurs) et Ziad Ben Youssef (oud, percussions et chœurs), oudiste au jeu pincé expert. Ces derniers étaient déjà présents sur le précédent "Fragiles, Debout" enregistré en 2017.
Julie Lagarrigue dessine un périple mêlant propositions intimistes et titres plus joyeux, souvent "chorales", des chansons "femme/féministe" dosant avec élégance gravité, fantaisie et poésie. Dès le premier texte, "Le vent du sud… qui rend fou", naissent les pensées folles pour un amour fou, passionné… éphémère ? "chéri, juste une nuit, soyons fous !", et un étrange refrain porté par un chœur façon gospel du plus bel effet.
"Le beau de la forêt" nous donne l'association de guitares brésiliennes et de l'oud - dans une reprise du thème mélodique - pour un amour (ou pas) épistolaire, fragile et sourd aux vibrations du tambour de ses insomnies. La rythmique enlevée est assurée par de fines percussions. Ambiance résolument orientale pour "Le jardin de la sorcière" suivant avec toujours l'instrument arabe à cordes pincées et les chœurs en nappes aériennes et lancinantes.
"Dis-le moi"… Guitare sèche, et apparition de profondes intonations, de "glissés" vocaux sous légère influence de la dame en noire, Barbara, tant écoutée par Julie… mais évoquée dans un phrasé vocal composé de subtiles arabesques et d'une mélopée hispano-arabe donnant une densité particulière à ces mots appelant ceux que l'on aime, les mots des amants, le sensible et vrai "je t'aime". Et toujours des chœurs envoûtants, émouvants.
Parmi les quelques autres compositions qui ont fait le bonheur de nos pavillons auriculaires, on trouve "Je parle comme je pense", oud et fines percussions, comme un aveu d'une impertinence revendiquée, d'une belle au coeur rebelle qui se nourrit d'insolence ; "Mon mec est un scientifique", sans doute la chanson la plus romantico-déconcertante, pleine de vivacité et d'humour affectueux ; "Parlons oiseau", l'occasion de prendre une cuite de tendresse et de suivre la ligne de contrebasse discrète mais élégante de Fédéric Villéga et la rythmique soutenue des maracas.
Un petit coup de cœur final pour la version solo de "Le beau de la forêt" simplement piano et voix, mettant ainsi en avant et en valeur, la délicate texture de Julie Lagarrigue, vibrato léger, aérien et fragile, exprimée par des variations et des descentes graciles dans les différentes teintes/timbres de sa voix, très agile tant dans les graves que dans les aiguës.
L'ensemble de l'opus est riche de trouvailles, dans les intros, les finales, dans les superpositions, les surimpressions vocales ou instrumentales. On se laisse guider au fil des chansons tant l'effet de surprise est garanti et renouvelé… Sans oublier, qu'en plus d'une très bonne et rigoureuse réalisation technique, celui-ci brille par la qualité et la variété des chœurs (Aline Videau, Marine Cougoul, Cécilé Arné, Emmanuel Commenges, Frédérec Serrano).
● Julie Lagarrigue "Amours Sorcières".
Label : Microcultures.
Distribution : Kuroneko (numérique) et Le Vélo Qui Pleure (physique).
Sortie : 21 février 2020.
>> leveloquipleure.fr leveloquipleure@free.fr
L'album "Amours Sorcières" est en vente dans la librairie Le Contretemps (Bègles) et à la Machine à Musique à Lignerolles (Bordeaux).
Création spectacle 2019 : "Amours Sorcières"
Chant, piano, guitare, percussions et voix : Julie Lagarrigue.
Guitares, percussions et chœurs : Anthony Martin.
Oud, percussions et chœurs : Ziad Ben Youssef.
Création sonore, prises de son, mixage et lumières : Patrick Lafrance.
Contrebasse : Fédéric Villéga.
Chœurs : Aline Videau, Marine Cougoul, Cécilé Arné, Emmanuel Commenges, Frédérec Serrano.
En tournée
12 septembre 2020 : présentation à 18 h du livre-disque augmenté CA2A - La machine à musique, Lignerolles, Bordeaux (33).
13 septembre 2020 : en solo, Château Courtey, portes ouvertes, St Martial (33).
26 septembre 2020 : en solo, Chez l'habitant - Bègles (33).
27 septembre 2020 : Concert privé solo, Villenave-d'Ornon (33).
16 octobre 2020 : en trio, avec Lo'Jo, Festival Chantons sous les pins, Pontonx (40).
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Lydia Jardon, infatigable défricheuse du piano2020-10-26T07:55:00+01:00https://www.larevueduspectacle.fr/Lydia-Jardon-infatigable-defricheuse-du-piano_a2731.htmlhttps://www.larevueduspectacle.fr/photo/art/imagette/46084797-36956822.jpg2020-05-14T07:52:00+02:00Christine Ducq
On connaît encore assez peu le compositeur Nicolaï Miaskovsky né en 1880 dans la Russie tsariste et mort en 1950 en URSS. Son parcours est à nul autre pareil. Destiné à une carrière d'ingénieur militaire comme son père dans l'armée du tsar - il est d'ailleurs diplômé de l'Académie militaire de Moscou -, Miaskovsky poursuit parallèlement des études en tant que musicien amateur, avec Glière entre autres. Entré au conservatoire de Saint-Pétersbourg après avoir démissionné de l'armée comme étudiant, Miaskovsky deviendra, à 40 ans, en 1921 professeur au conservatoire de Moscou. Compositeur prolifique de 27 symphonies, ami de Prokofiev et contemporain de Chostakovitch - connaissant les mêmes hauts et bas dans ses relations avec le régime -, il a aussi composé neuf sonates entre 1906 et 1949.
Si Miaskovsky n'atteint jamais au génie d'un Chostakovitch, son œuvre demeure très attachante. Emporté en 1950 par un cancer de l'estomac - celui des mélancoliques et des angoissés ? -, Miaskovsky a connu les mêmes affres que ses collègues soviétiques. Mourant trois ans avant Staline (et Prokofiev), il ne connaîtra jamais la période plus heureuse - ou à peu près - de la déstalinisation. C'est la sonate et en particulier la dernière ici gravée, la numéro neuf opus 84, qui cernera au mieux pour nous la citadelle intérieure que sut se construire Miaskovsky dans l'horreur du siècle.
Ce parcours ne pouvait que rencontrer l'artiste inclassable qu'est Lydia Jardon. On sait qu'elle a créé le label AR RE-SE consacré à des compositrices ou des compositeurs oubliés ou méconnus. Elle a donc déjà enregistré dans un précédent CD trois sonates de Miaskovsky, les numéros deux, trois et quatre. Ce cycle se poursuit aujourd'hui avec la première, la cinquième et la dernière sonate, la neuvième. Elle explore ainsi les deux extrémités de la carrière de compositeur de Miaskovsky. La sonate numéro un opus six composée entre 1907 et 1909 est celle d'un étudiant de conservatoire - un vieil étudiant pour tout dire. Un bon élève qui sait ici se souvenir de l'écriture de la fugue chez Bach mais aussi de ses devanciers russes. Lydia Jardon en restitue à merveille ce qu'elle appelle sa "densité mystique".
C'est en artisan et en femme passionnée, qui nous a habitués aux tempêtes émotionnelles dans un jeu pourtant très maîtrisé, qu'elle s'attaque ici avec amour à une œuvre méditée et travaillée selon son propre aveu depuis des années. Les phrases sinueuses et la fine architecture de l'écriture riche d'une ambiguïté tonale et parfois de dissonances sont restituées ici avec lyrisme. La sonate numéro cinq opus 64 numéro un composée pendant la même période montre un compositeur à l'identité peut-être plus affirmée. L'œuvre semble se libérer, offrant une plus large palette de couleurs et de sentiments.
Le jeu impressionniste encore, les martèlements d'accords toujours, le geste large concluant l'Allegro Energico et l'œuvre, les envolées crescendo et decrescendo du Largo Expressivo, la joie pure du Vivo, ne sont pas seulement le refuge de l'intime, n'hésitant pas à communiquer à l'auditeur les états changeants du cœur et de l'esprit. Toujours sur le fil, au cœur même de ce brasier, Lydia Jardon nous emporte dans sa quête absolue. Une quête absolue dont la sincérité nous touche comme toujours avec cette pianiste au jeu vif-argent. Une quête qui trouve dans la neuvième sonate son accomplissement.
En 1949, l'inspiration du compositeur stoïcien frappe par sa beauté et son élévation. Avec un jeu subtil, toujours aérien, d'une plasticité vraiment admirable, Lydia Jardon rend toute justice à ce testament qui fait retour au langage tonal, venant conclure un enregistrement qu'on pourrait appeler les mémoires d'une âme. Une œuvre écrite et vécue comme un lieu inexpugnable, un ordre - une construction qui protège du désordre de l'Histoire et nous pouvons être reconnaissants à la pianiste de nous la léguer.
● Lydia Jardon "Miaskovsky, Sonates pour piano n° 1, 5 et 9".
Label et distribution : AR RE-SE.
Sortie : 15 mai 2020.
>> arre-se.com >> lydiajardon.com
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Bazbaz… Dans l'urgence de l'amour… Manu Militari !2019-05-02T14:18:00+02:00https://www.larevueduspectacle.fr/Bazbaz-Dans-l-urgence-de-l-amour-Manu-Militari-_a2388.htmlhttps://www.larevueduspectacle.fr/photo/art/imagette/33225198-30702276.jpg2019-05-01T12:19:00+02:00Gil Chauveau
Trois ans après "Café", Bazbaz est de retour avec un nouvel album (le neuvième), "Manu Militari", léché à souhait et porteur de petites pépites musicales. À noter que, dans l'intervalle, il n'a pas chômé… puisqu'il en a profité pour poursuivre sa collaboration avec le cinéaste Pierre Salvadori pour qui il a composé la musique de son dernier film "En Liberté !"… Sa cinquième collaboration avec le réalisateur ! Et une superbe BO sortie dans la foulée en CD et en digital.
Mais revenons à "Manu Militari" pour lequel Camille Bazbaz a travaillé un peu différemment de tous ses autres disques en s'entourant de deux collaborateurs, Chet au service du texte et Feed pour ce qui est des arrangements musicaux, particulièrement soignés. Bazbaz étant à ce moment-là plongé dans les compos du film de Salvadori, il réceptionnait le travail de ces deux copains qu'il peaufinait alors pour que les chansons créées lui collent parfaitement à la peau, à son esprit artistique, tant sur le phrasé, les harmonies que sur les accords.
Pour la partie technique studio finale, quatre titres ont été mixé par Marlon B (Brigitte, Juliette Armanet) et cinq par Alf (Phoenix, Thérapie Taxi), le tout masterisé par le grand Chab (Daft Punk, etc.). Résultat ? Un cocktail réussi mélangeant, avec subtilité et légèreté, une bonne dose de reggae bien cadencé, un soupçon de soul bienvenu, deux trois mesures funky groovy, le tout portant la voix sensible et chaude de Camille…
Si l'ensemble est porteur de neuf succès potentiels, quelques-uns nous trottent encore dans la tête dont "Comment t'oublier" au groove d'enfer. C'est entêtant à souhait, la ritournelle est bien là, menant le manège du libertinage joyeux et canaille : "… Tu aimes l'amour/L'amour n'a pas de loi/Les jours sont à lui/Les nuits sont à moi…". L'orchestration est limpide, aux petits oignons, avec des boucles mélodiques redoutables mais géniales ; et la voix est sensuelle, enivrante et dynamique, tout à la fois.
"Y'a plus de saisons", joyeux dépit saisonnier, nous offre un motif instrumental qui balance, qui swingue reggae… et incise un riff synthé qui vous rentre dans la tête, vous fait frétiller des neurones et flatte nos pavillons auditifs. Idem pour "Le boss" à la poésie minimaliste mais bourrée de punchlines ; ou encore "Not Limit", plus rock'n'roll, à vocation autobiographique : "… La peur n'évite pas le danger/J'arrive toujours pas à me ranger/Même si y'a des jours ou c'est limite… D’être toujours no limit…".
"Manu Militari" est un hymne à l'amour, marque de fabrique de Bazbaz, où l'expression militaire est détournée, où cette injonction guerrière est utilisée "… pour exiger d'urgence le bonheur, l'amour, une caresse, un baiser." Pour Bazbaz, l'amour, c'est celui qui s'échappe, facétieux, sur les chemins de traverse, sous toutes ses formes, libertaire, solitaire, heureux ou malheureux, souvent passionné ou impétueux. Et aujourd'hui "… consacrer un disque entier à l'amour, et crier sur les toits son envie de douceur, c'est déjà un acte politique, voire subversif."
● Bazbaz "Manu Militari"
Label : 22D Music Group.
Sortie : 15 mars 2019.
Tournée
4 mai 2019 : Festival Blizz'art, Ciral (61).
9 mai 2019 : Le Pédiluve, Châtenay-Malabry (92).
1er juin 2019 : La Manufacture, Saint-Quentin (02).
3 octobre 2019 : Salle Diff'art/Association Diff'art, Parthenay (79).
8 octobre 2019 : Train Théâtre, Portes-lès-Valence (26).
17 octobre 2019 : L'Archipel, Fouesnant (29).
12 novembre 2019 : Théâtre Victor Hugo, Fougères (35).
10 mars 2020 : La Bouche d'air, Nantes (44).
21 avril 2020 : Salle Nougaro, Toulouse (31).
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Ilya Rashkovskiy, peintre fantastique des "Tableaux" de Moussorgski2017-01-12T16:59:00+01:00https://www.larevueduspectacle.fr/Ilya-Rashkovskiy-peintre-fantastique-des-Tableaux-de-Moussorgski_a1728.htmlhttps://www.larevueduspectacle.fr/photo/art/imagette/10947249-18121154.jpg2017-01-12T14:13:00+01:00Christine Ducq
Ilya Rashkovskiy, né à Irkoutsk, vit à Paris depuis quelques années - une circonstance d'importance avec ce dépaysement propice à la réévaluation d'un répertoire du pays qu'on porte en soi, chéri dans l'âme. Le jeune prodige, célèbre pour avoir raflé quelques-uns des plus grands prix internationaux, est devenu un artiste très attachant, dont les qualités sont exhaussées tant par la science de la maturité que par une sensibilité rare. Avec ce nouvel enregistrement, il peut ainsi établir un premier bilan de son parcours artistique.
Un bilan sous forme de programme dans son excellent et nouveau CD autour des "Tableaux d'une exposition", joués par lui depuis 2009. Le pianiste russe a choisi de les encadrer avec deux pièces de Tchaïkovski en guise d'introduction, l'élégiaque "Doumka" et "Romance" connus dès l'enfance, avec l'"Élégie n°1" opus 3 suivie de la "Sonate n°2" de Rachmaninov en conclusion, jouées depuis l'adolescence : bref, un parcours de vie et la volonté de partager une vision de ce qui se fonde encore et toujours dans l'héritage du grand piano russe.
Des œuvres écrites entre 1874 et 1913 (avec la version de la sonate de Rachmaninov révisée en 1931) qui donnent à voir le vaste paysage de l'âme russe en de tantôt brillantes, tantôt émouvantes toiles sonores. Toiles que le jeune pianiste enlumine de magnifiques couleurs grâce à un jeu subtil, et un dialogue superbe des mains gauche et droite. Climats et humeurs, de la mélancolie à la jouissance expressive la plus débridée, se succèdent, se mêlent, se répondent avec une sonorité ronde, poétique, artiste en un mot.
La virtuosité réelle, jamais envahissante, nourrit le grand théâtre des passions romantiques (chez Tchaïkovski et encore chez Rachmaninov), mais aussi celui de cette visite d'une exposition des œuvres de l'ami de Moussorgski, trop tôt disparu, le peintre et décorateur Victor Hartmann, avec ses scènes quotidiennes, ses légendes fantastiques slaves et son humoresque incursion européenne. Un voyage en France ("Limoges - le marché"), en Italie ("Cum mortuis in lingua mortua") qui s'achève par le défilé maestoso de "La Grande Porte de Kiev", ponctué par de sublimes "Promenade(s)", si belles ici.
Dix tableaux qui puisent leur énergie et leurs atmosphères dans la tradition folklorique (la Pologne de "Bydlo"), dans la musique de scène ("Ballet des Poussins dans leurs coques"), dans le grotesque des aperçus de la vie ("La Cabane sur des pattes de poule") mais aussi dans l'imaginaire avec la sorcière "Baba Yagà", personnage qui avait déjà irrigué l'inspiration du sabbat d'"Une nuit sur le Mont Chauve" en 1867.
Avec son sens inné de la complexité des détails mais aussi une indéniable maîtrise des architectures (confirmée avec cette superbe sonate n°29 "Hammerklavier" en concert, en novembre, salle Gaveau), Ilya Rashkovskiy se révèle maître en clarté comme en surprises dans ces miniatures aux teintes changeantes, ne faisant qu'un avec ce Steinway qui sonne magnifiquement à l'enregistrement. Un pianiste au parcours passionnant, dont on n'a pas fini d'aimer la ferveur et l'exigence.
● Ilya Rashkovskiy "Moussorgski, Tchaïkovski, Rachmaninov".
Label : La Mùsica.
Distribution : harmonia mundi.
Sortie : octobre 2016.