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Communiqué des directrices des Centres dramatiques nationaux réunies au sein de l'ACDN  04/12/2021

Nous avons, comme toutes les artistes femmes, actrices, autrices, metteuses en scène, eu à faire face aux inégalités de genre et aux rapports de domination qui structurent notre secteur, de la formation à la production jusqu'à la direction des institutions.

Nous avons, à un moment de notre parcours d'artistes, pris la décision de diriger des institutions théâtrales publiques.

Faire ce choix nous a placées au coeur de structures dont nous avions pu subir les modalités de fonctionnement : faiblesse des moyens de production dévolus aux équipes artistiques dirigées par des femmes, absence de parité quant aux programmations, inégalité des niveaux de salaires des personnels permanent·e·s, invisibilisation du travail des femmes en général et assignation à des espaces considérés à tort comme secondaires : petits lieux, petits plateaux, petits budgets, jeune public, éducation artistique… C'est par ces pratiques institutionnelles, le mépris, la condescendance et le paternalisme dont elles relèvent, que se perpétuent les rapports de domination et de pouvoir s'exerçant à tous niveaux et à tous égards dans nos métiers, jusque dans les violences sexistes et sexuelles intolérables dénoncées haut et fort ces dernières semaines.

Aujourd'hui, nous sommes 19 femmes à la direction de Centre Dramatiques Nationaux : en dix ans, le pourcentage de femmes à la direction est passé de 12 à 46 %. Étonnamment, ce profond mouvement de féminisation n'a été que très peu commenté, comme s'il faisait lui aussi l'objet d'une étrange invisibilisation. Cela dit, nous n'avons jamais eu la naïveté de penser que nos seules nominations suffiraient à rétablir une justice et une égalité, ni celle de croire qu'au coeur d'un système profondément inégalitaire, il serait plus simple pour des femmes de transformer une longue histoire de domination et de violences.

Nous mesurons l'ampleur de notre responsabilité et de notre tâche, et nous sommes convaincues que c'est en s'attaquant COLLECTIVEMENT au système de production dans son ensemble, aux conditions d'égalité qu'il devrait garantir entre toutes et tous, que nous parviendrons à transformer profondément les choses.

C'est ce à quoi nous travaillons, artistes-directrices et artistes-directeurs de Centre Dramatiques Nationaux, dans un dialogue permanent, au sein de notre association et au sein de notre syndicat, conscients que ce combat demande une attention de tous les instants, le courage de la formulation et de la décision, au coeur de nos propres instances, de nos théâtres, de nos pratiques.

Nous savons aussi que rien ne se fera sans une volonté politique pleine et entière qui se traduise par des actes forts et des décisions concrètes : de l'égalité des moyens dans les dispositifs de financement public jusqu'à la parité dans les nominations à la direction des plus importantes institutions publiques, comme les théâtres nationaux tous dirigés aujourd'hui par des hommes.

Nathalie Garraud, codirectrice Théâtre des 13 vents - CDN de Montpellier ;
Émilie Capliez, codirectrice de Comédie de Colmar - CDN Grand Est Alsace ;
Chloé Dabert, directrice de la Comédie de Reims - CDN de Reims ;
Julie Deliquet, directrice du TGP, CDN de Saint Denis ;
Carole Thibaut, directrice du Théâtre des Îlets, CDN de Montluçon ;
Maëlle Poésy, directrice du Théâtre Dijon Bourgogne CDN ;
Macha Makeïeff, directrice de la Criée - Théâtre national de Marseille ;
Muriel Mayette, directrice du TnN, Théâtre national de Nice ;
Célie Pauthe, directrice du CDN Besançon Franche-Comté ;
Aurélie Van den Daele, directrice du Théâtre de l'Union, CDN du Limousin ;
Pascale Daniel-Lacombe, directrice du Méta, CDN Poitiers Nouvelle Aquitaine ;
Camille Trouvé, codirectrice du CDN de Normandie-Rouen ;
Alexandra Tobelaim, CDN transfrontalier de Thionville-Grand EST ;
Julia Vidit, directrice de La Manufacture, CDN Nancy Lorraine ;
Pauline Bayle, future directrice du Nouveau Théâtre de Montreuil, CDN ;
Lucie Berelowitsch, directrice du Préau CDN de Normandie-Vire ;
Séverine Chavrier, directrice du CDN Orléans / Centre-Val de Loire ;
Catherine Marnas, directrice du TnBA - Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.

ACDN : Association des Centres Dramatiques Nationaux.
>> asso-acdn.fr

Communiqué de presse du vendredi 3 décembre 2021.
La Rédaction

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023