Étonnamment, le chef allemand Harmut Haenchen se fait rare en France depuis son magnifique "Parsifal" à Bastille en 2008. Ces derniers temps, mise à part l'invitation en 2017 par l'Opéra de Lyon (pour une "Elektra" sublime et un "Tristan" remarquable au Festival "Mémoires"), on l'appelle bien souvent pour remplacer tel ou tel chef souffrant, dans un répertoire germanique (en gros la sainte Trinité Wagner, Mahler, Strauss) qu'il porte aux sommets.
Ce fut le cas au Festival de Saint-Denis en 2017 pour "Das Lied von der Erde". Et c'est encore à une invitation de dernière minute pour diriger le concert Mahler de Radio France (et celui de Toulouse le lendemain, suite à la défection de Myung-Whun Chung souffrant) que l'auditeur doit le plaisir aigu de le retrouver à l'Auditorium. Le chef allemand, bien qu'âgé de soixante-quinze ans, affiche toujours une forme et une fraîcheur intactes avec une direction d'un engagement total pendant les quatre-vingt minutes de la 9e Symphonie de Gustav Mahler.
La Symphonie n° 9 en ré majeur est composée durant l'été 1909 à Toblach dans les Dolomites. Créée par Bruno Walter en 1912, un an après la mort de Mahler, c'est la dernière symphonie achevée par le compositeur éprouvé par plusieurs drames : la perte de sa fille, la démission de l'Opéra de Vienne, la découverte de l'infidélité d'Alma et de son problème cardiaque - qui allait l'emporter à cinquante-et-un ans. Après "Le Chant de la Terre" écrit en 1908, la neuvième symphonie (purement instrumentale) redistribue les cartes de la forme musicale et de l'écriture malhérienne pour une méditation pleine de fureur et de douceur sur la mélancolie, le deuil et la mort, tel un dernier adieu à l'amour et à la vie.
Ce fut le cas au Festival de Saint-Denis en 2017 pour "Das Lied von der Erde". Et c'est encore à une invitation de dernière minute pour diriger le concert Mahler de Radio France (et celui de Toulouse le lendemain, suite à la défection de Myung-Whun Chung souffrant) que l'auditeur doit le plaisir aigu de le retrouver à l'Auditorium. Le chef allemand, bien qu'âgé de soixante-quinze ans, affiche toujours une forme et une fraîcheur intactes avec une direction d'un engagement total pendant les quatre-vingt minutes de la 9e Symphonie de Gustav Mahler.
La Symphonie n° 9 en ré majeur est composée durant l'été 1909 à Toblach dans les Dolomites. Créée par Bruno Walter en 1912, un an après la mort de Mahler, c'est la dernière symphonie achevée par le compositeur éprouvé par plusieurs drames : la perte de sa fille, la démission de l'Opéra de Vienne, la découverte de l'infidélité d'Alma et de son problème cardiaque - qui allait l'emporter à cinquante-et-un ans. Après "Le Chant de la Terre" écrit en 1908, la neuvième symphonie (purement instrumentale) redistribue les cartes de la forme musicale et de l'écriture malhérienne pour une méditation pleine de fureur et de douceur sur la mélancolie, le deuil et la mort, tel un dernier adieu à l'amour et à la vie.
De façon inédite donc, les mouvements lents "Andante commodo" et "Adagio" ouvrent et concluent cette symphonie en quatre mouvements, encadrant un "Ländler" et un "Rondo-Burleske" vifs. Le noble chef originaire de Dresde a amené avec lui le premier violon Kai Vogler (Premier Violon solo de la Staatskapelle Dresden), dont les échappées brillantes n'éclipsent pas le solide travail réalisé avec les musiciens pendant le concert.
L'Andante initial - très admiré par Alban Berg à qui Alma avait offert la partition manuscrite de l’œuvre - se fait d'abord marche funèbre ; puis Hartmut Haenchen libère les forces telluriques du Philharmonique, extrêmement concentré, très impliqué et constamment virtuose. Observer les musiciens de l'orchestre sera tout simplement un bonheur.
Les dialogues d'instruments à instruments, de pupitres à pupitres, prennent bientôt le pas sans pouvoir maintenir un discours continu dans ce monde apocalyptique, qui ne retrouve un nouvel ordre que pour le voir s'effondrer aussitôt. Hartmut Haenchen organise ce chaos, fait chanter ou grincer les solistes, les duellistes, les masses orchestrales en une brillante odyssée de timbres, soignant comme il sait le faire les enchaînements, en orfévrant les dynamiques.
L'Andante initial - très admiré par Alban Berg à qui Alma avait offert la partition manuscrite de l’œuvre - se fait d'abord marche funèbre ; puis Hartmut Haenchen libère les forces telluriques du Philharmonique, extrêmement concentré, très impliqué et constamment virtuose. Observer les musiciens de l'orchestre sera tout simplement un bonheur.
Les dialogues d'instruments à instruments, de pupitres à pupitres, prennent bientôt le pas sans pouvoir maintenir un discours continu dans ce monde apocalyptique, qui ne retrouve un nouvel ordre que pour le voir s'effondrer aussitôt. Hartmut Haenchen organise ce chaos, fait chanter ou grincer les solistes, les duellistes, les masses orchestrales en une brillante odyssée de timbres, soignant comme il sait le faire les enchaînements, en orfévrant les dynamiques.
Les mouvements suivants fascineront tout autant, vrai voyage dans les limbes comme au ciel, avec ses élans vitaux, ses paroxysmes fulgurants et naturellement, jamais loin avec l'ironie et la cocasserie faisant place au plus poignant lyrisme (et quelles mélodies !). L'intégrité légendaire du chef (quant aux indications des compositeurs), sa quête, la hauteur de sa vision emportent l'orchestre au sommet espéré que mérite cette musique exigeante, incroyablement difficile à exécuter.
Hartmut Haenchen, avec cœur et âme, livre tout simplement une des plus belles et des plus denses versions entendues jusque dans le dernier mouvement "adagio", pur chant de sérénité et de tendresse qui offre un dernier frisson. De son fortissimo enivrant au diminuendo incroyable de maîtrise, avec ses vagues montantes et refluantes aux lignes nettement dessinées, jusqu'à l'extinction ultime (marquée "quadruple piano"), l'adieu malhérien offre une échappée vers une autre dimension, "anywhere out of the world" - avec une des fins les plus impressionnantes de toute l'histoire de la musique, saluée par un silence plein d'une bonne minute ensuite (une éternité à la radio qui diffusait le concert). On ne redescend pas aisément de telles cimes.
Concert entendu le 29 mars 2018.
À réécouter en podcast sur France Musique/concert.
Ou voir et écouter sur Arte
Hartmut Haenchen, avec cœur et âme, livre tout simplement une des plus belles et des plus denses versions entendues jusque dans le dernier mouvement "adagio", pur chant de sérénité et de tendresse qui offre un dernier frisson. De son fortissimo enivrant au diminuendo incroyable de maîtrise, avec ses vagues montantes et refluantes aux lignes nettement dessinées, jusqu'à l'extinction ultime (marquée "quadruple piano"), l'adieu malhérien offre une échappée vers une autre dimension, "anywhere out of the world" - avec une des fins les plus impressionnantes de toute l'histoire de la musique, saluée par un silence plein d'une bonne minute ensuite (une éternité à la radio qui diffusait le concert). On ne redescend pas aisément de telles cimes.
Concert entendu le 29 mars 2018.
À réécouter en podcast sur France Musique/concert.
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