La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
À l'affiche

● Avignon OFF 2016 ● Créanciers - Et si l’amour n’était qu’égoïsme ?

Dans le salon d'un hôtel, deux étrangers discutent depuis plusieurs jours. Adolf un peintre, s’est disputé avec sa femme et attend, inquiet, son retour; tandis que Gustaf, un homme de lettres et d'expérience, est de passage. Gustaf tour à tour, le conseille et le fait douter, le taquine et le secoue. Ensemble, ils attendent le retour de Tekla, la femme d’Adolf…



© DR.
© DR.
D'un trait de son encre la plus noire, Strindberg macule d'un soupçon comptable l'image parfaite et puérile de l'amour. Et si les relations humaines se résumaient à une simple question de biologie et d'écoulement des flux ? Par cette provocation crachée au visage des femmes, Strindberg entend choquer et faire réagir la sienne, Siri. Il éprouve, avec elle, des difficultés similaires à son personnage Adolf, le mari de Tékla. Tout comme Siri, Tékla a divorcé de son premier mari et son ombre plane sur le couple…

Le reproche récurrent, et que martèle Strindberg d'une manière presque comique tout au long de la pièce, concerne l'ingratitude alléguée des femmes. Ici, il est important de nous rappeler que en 1888, à l'époque où la pièce fut écrite, l'institution des mariages arrangés venait tout juste d'être abolie en Suède, et les femmes n'avaient que très récemment obtenu leur émancipation de la tutelle de l'homme. C'est dans ce contexte particulier, sa liberté à peine acquise, que Tékla se voit sommée de se comporter en adulte responsable, de rembourser ses dettes et de donner des gages de son amour.

Mais quand bien même le mariage ne serait qu'une institution au profit de l'homme, cela ne peut totalement éluder le fait qu'il s'agit de vivre ensemble, ici et maintenant. Dans notre vie nous n'avons pas à faire à des catégories abstraites mais à des êtres humains faits de chair et d'os avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs grandeurs et leurs douleurs. Par delà le conflit des genres, pour lequel l'auteur prend un parti évident, son véritable génie est de nous rappeler que nous sommes tous, au fond, des égoïstes. Tékla, femme en quête de liberté ou coquette intéressée ? Adolf, homme progressiste ou ridicule masochiste ? Gustaf être bafoué ou mari mesquin ?

Au fond l'être humain est un paradoxe et Strindberg, depuis son époque, nous invite à repenser notre rapport au genre, car la guerre des sexes est un jeu dans lequel les individualités ne peuvent finir… que broyées.

"Créanciers"

Tout public à partir de 12 ans.
Texte : August Strindberg.
Mise en scène : Tommy O’Bin.
Avec : Claire-Estelle Murphy, Stefan Panaïtesco, Emmanuel Strauss.
Compagnie "Lève-toi et joue !".
Durée : 1 h 20.

● Avignon Off 2016 ●
Du 7 au 30 juillet 2016.
Théâtre Le Cabestan,
11, rue Collège de la Croix.
Tous les jours à 12 h.
Relâche le mardi.
Couturière exceptionnelle mercredi 6 juillet à 12 h, gratuite et ouverte au public.
Tél. : 04 90 86 11 74.
levtoietjou@gmail.com

Annonce
Mercredi 6 Juillet 2016

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024