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"Racheter la mort des gestes"… où comment Gallotta donne rendez-vous à l’Art et à la beauté du Geste

"Racheter la mort des gestes", Théâtre de la Ville, Paris ; MC2, Grenoble (Future rubrique "Les Temps Dansent")

Dans des chorégraphies aussi variées que talentueuses, Gallotta, accompagné d’une distribution remarquable de danseurs, décline avec maestria son point de vue sur la danse au travers de scénettes où il mêle souvenirs et rencontres.



© Guy Delahaye.
© Guy Delahaye.
Le rideau se lève et laisse place à une vidéo qui dévoile une place où tram, voitures et scooters circulent. C’est la nuit. Gallotta retrace, en fond sonore, quelques moments de création, ses rencontres, entre autres, avec Béjart et son point de vue sur la danse.

"Racheter la mort des gestes" est un propos de Hervé Guibert que Gallotta a fait sien. Il s’agit à la danse d’incarner une liberté de mouvements muselés par nos habitudes et notre mode de vie. Surprendre les mots ou les codes qui enchaînent pour laisser jouer les mouvements, les gestes, le corps.

© Guy Delahaye.
© Guy Delahaye.
Les danses sont superbes. Aérées dans les déplacements, aériennes par leur fluidité et leur gestuelle, les mouvements sont amples. À la fois rapides et vifs, ou au ralenti comme dans ce duo où dans une pénombre, deux corps en talon aiguille font vibrer leur corps, les cassures de rythme s’enchaînent sur des mouvements élancés qui basculent dans des pas courts et rapides.

Les gestes, les mouvements oscillent dans un spectre d’amplitude varié. Le geste accompagne le mouvement car il en est l’aiguillon. Le mouvement est roi. Gallotta l’extirpe jusqu’à sa quintessence, sa nudité.

Le chorégraphe s’entoure de mots quand sa chorégraphie s’entoure de gestes. Celle-ci est axée sur des mouvements où le positionnement du corps, assis, debout, de biais ou allongé, laisse encore toute latitude au corps pour s’exprimer. Pour preuve, deux handicapés en chaise roulante font un joli duo. Autre preuve, quelques personnes âgées dansent remarquablement sur scène démontrant que le temps n’a pas tout à fait prise sur le corps. Le présent, le futur et le passé se mêlent dans un défilé de personnes qui dansent, qui ont dansé ou qui aimeraient danser.

© Guy Delahaye.
© Guy Delahaye.
"Le jour est beau, la nuit sublime…", propos de Kant cité par Gallotta, et qui résume superbement la quintessence du danseur. Placer un geste, donner du volume à un mouvement, une impulsion à un placement est chose intérieure.

C’est aussi le bruit des mots qui est bousculé pour laisser encore le corps parler, s’exprimer. Des bruits de mots venant, en fond sonore, du discours de Dakar prononcé par Sarkozy, discours où l’ignorance des cultures et de l’Histoire de l’Afrique converse avec le mépris et les préjugés. Gallotta fait naître tempo et rythme sur une musique aux couleurs africaines. Le corps parle pour faire taire les mots. La gestuelle cache la parole vide sous le jeu taquin d’un saxophoniste.

Le spectacle est superbe de simplicité et de joliesse. Gallotta bâtit une cathédrale de gestes et de mouvements où la danse et le talent rayonnent comme des feux de dieux.

"Racheter la mort des gestes - Chroniques chorégraphiques 1"

© Guy Delahaye.
© Guy Delahaye.
Chorégraphie : Jean-Claude Gallotta.
Conception et textes : Jean-Claude Gallotta et Claude-Henri Buffard.
Assistante à la chorégraphie : Mathilde Altaraz.
Costumes : Jacques Schiotto et Marion Mercier.
Lumière : Dominique Zappe assisté de Sylvain Fabry.
Avec : Sarah Barrau, Christophe Delachaux, Ximena Figueroa, Ibrahim Guetissi, Mathieu Heyraud, Georgia Ives, Cécile Renard, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Béatrice Warrand.
Et un groupe d’intervenants : Alexane Albert, Manuel Chabanis, Julie El Malek, Youtci Erdos, Fabrice Étienne, Margot Guiguet, Annie Hugues, Frédéric Le Salle, George Macbriar, Baïa Ouzar, Anna Pastoukhov, Sylviane Richard, Émile Rigard-Cerison, Jean-Pierre Thieffine, Jacqueline Viale, Jean-Claude Viale, Stéphane Vitrano, Mary-Alice Wack, Thalia Ziliotis.
Durée : 1 h 30.

© Guy Delahaye.
© Guy Delahaye.
Du 31 octobre au 10 novembre 2012.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h.
Théâtre de la Ville, Paris 4e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com

Du 15 au 18 novembre 2012.
Jeudi et samedi à 19 h 30, vendredi à 20 h 30, dimanche à 18 h.
MC2, Grand Théâtre, Grenoble.
3 février 2013.
Dimanche à 15 h.
Maison de la danse, Lyon 8e.

>> gallotta-danse.com

© Guy Delahaye.
© Guy Delahaye.

Safidine Alouache
Lundi 5 Novembre 2012


1.Posté par Karminhaka le 06/11/2012 10:00
Tisser une trame chorégraphique autour d'un titre, ça pourrait être un pur exercice de style. Entre les mains de Gallota, et dans la continuité de ses chroniques chorégraphiques, la référence littéraire devient une appropriation qui lui permet de donner un spectacle vibrant, humain, vertigineux par les frottements incessants de formes multiples. Gallota revient avec bonheur à la scène et en mêlant amateurs et professionnels, extraits de films, vidéo, saynètes chorégraphiques, arrive à la hauteur des grandes recherches chorégraphiques contemporaines qui dépassent la simple question de la restitution de la danse.

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