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Avignon Off 2015 "À toi, pour toujours, ta Marie-Lou"... Quelle belle leçon de comédie !

La chronique d'Isa-belle L

Le ciel était très en colère ce jeudi de mai, pour ma sortie théâtre, au Lucernaire. Parapluie à la main, chaussures humides et visage déconfit par cet hiver qui n'en finit pas, me voilà enfin à l'abri ! À l'entrée, on nous prévient qu'il faut faire attention pour arriver sain et sauf à destination : Salle Paradis. Monter au ciel jeudi dernier comportait des risques, dus à ces satanées intempéries.



Marie Mainchin, Sophie Parel et Cécile Magnet © Étienne de Giovanni.
Marie Mainchin, Sophie Parel et Cécile Magnet © Étienne de Giovanni.
Prudente et attentionnée, je grimpe, piano piano, les escaliers. C'est le prix à payer pour atteindre les nuages. Une chance pour moi ! J'étais invitée.
Ça y est ! J'y suis. Sans prier et sans glisser. Je suis arrivée au Paradis.
Sombre salle. Sobre décor. Mais un type-là, en haut, c'est Jésus qui me nargue. "Bouh" ! Je lui tire la langue. Mal polie que je suis. Noir !

Et une illumination plus tard : Quatre comédiens déboulent, et les répliques se mettent à fuser. Elle, la belle, un chewing-gum dans la bouche, qui aime les chansons de Cow-boy. Chanter pour oublier, c'est bien. La "country girl" face à la frangine, vieille fille. Prier pour oublier, c'est "christ" (Le ciel m'est tombé sur le coin de la tête, c’est la pluie). Pauvres frangines, c'est un sale destin qui les unit. Il y a les sœurs au centre, la délurée qui voudrait sauver l’âme triste et dérangée puis, non loin, les parents.

L’un a cour, l'autre à jardin... qui, aussi, se renvoient la balle. Du Ping-pong violent, cruel, dépourvu de tout sentiment. C'est l'enfer au paradis. La mort ce n’est pas drôle putain ! Et l'autre, ça l'a rendue folle ! La petite sœur, bonne à rien. Sauf à pleurer. Traumatisée, déchaînée et totalement habitée. Marie Mainchin dans un rôle sacrément bien composé.

Cécile Magnet © Étienne de Giovanni.
Cécile Magnet © Étienne de Giovanni.
L'ainée en revanche, a pris ses jambes à son cou. Ses jambes, parlons-en de ses jambes. Lookée à la "Calamity Jane" avec un shorty raccourci, ce qu'elle est jolie Sophie Parel. La comédienne. Son rôle aussi. Qu'elle incarne brillamment. Elle a fui cette vie pourrie. Elle le veut elle aussi son jardin d’Éden. Les souvenirs au placard, c'est la scène son exutoire... elle fait ce qu'elle peut. Parce que la mort qui colle aux basques comme un vautour, ça déglingue pour toujours. L'avantage au Paradis c'est que le temps passe et qu'on l'oublie. Enchantée aussi par le comédien, seul homme, face à ce brillant casting féminin. Son nom : Yves Collignon. Tout est bon chez Yves Collignon, tout. Le corps qui joue au rythme des pintes qu’il descend à petites gorgées puis ce grain de voix, d’abord murmuré, puis aggravé par cette vie, qu’il n’a pas vraiment souhaitée. Jusqu’à ce que la mort s’en mêle, l’alcool l’ayant bien accompagné. Quel rôle ! Quel comédien !

Manque encore à l'appel Cécile, nom de famille : Magnet. Elle joue une mère au caractère bien trempé qui ne mâche pas ses mots. Elle incarne une femme dévastée qui, sur scène, prend au moins quinze années. Presque sans bouger. Une comédienne sublime à regarder.

Marie Mainchin, Sophie Parel © Étienne de Giovanni.
Marie Mainchin, Sophie Parel © Étienne de Giovanni.
Quelle pièce ! Bon sang. "Tabarnak !" Ils sont forts ces Québécois ! J’avoue et j’assume, à la "Céline", je préfère le "Michel". Qui sait si Tremblay un jour sera à Vegas ? Pour le moment, il est à Paname et on est tellement mais "tellemiiiiinnnn" bien, ici. Se taper encore Dion au paradis... ce serait terrible ! Que le ciel de Paris continue à trembler avec des textes beaucoup plus subtils. L’auteur de ce miracle théâtral, porte bien son nom. Fantastique !

À toi pour toujours, ta Marie-Lou. Comme une épitaphe...

Salle Paradis c'est la mort qui rôde. Oui. Il y a quelque chose d’anéanti, de démoli, de détruit dans cette famille. Pourtant on sourit, parfois. Et on applaudit ce quatuor de comédiens touchés par la grâce. Quelle belle leçon de comédie !

Comme l'incante Sieur Aubert Jean-Louis : "Le paradis, c'est ici, oui, c'est ici" et, ce jeudi soir, j’étais bien d'accord avec lui.

Montez-y ! Salle Paradis. Elle y accueille quatre excellents comédiens servis par un texte… divin.

>> À lire également l'article de Jean Grapin.

"À toi, pour toujours, ta Marie-Lou"

Yves Collignon © Étienne de Giovanni.
Yves Collignon © Étienne de Giovanni.
Texte : Michel Tremblay.
Adaptation et mise en scène : Christian Bordeleau.
Assistante : Émilie Schnitzler.
Création lumière : Christian Mazubert.
Avec : Cécile Magnet, Yves Collignon, Sophie Parel, Marie Mainchin.
Durée : 1 h 20.

Avignon Off 2015
Du 4 au 26 juillet 2015.
Tous les jours à 14 h.
Collège de la Salle, Théâtre du Lycée, 3, place Louis Pasteur, Avignon, 04 32 76 20 43.
>> quebec-en-scene.fr

Du 11 décembre 2013 au 2 février 2014.
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h.
Relâche le 22 décembre.
Mercredi 25 décembre et mercredi 1er janvier, spectacle à 15 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Du 15 mai au 6 juillet 2013.
Du mardi au samedi à 19 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Avignon Off 2013
Du 8 au 31 juillet 2013.
Tous les jours à 12 h 45.
Essaïon-Avignon, Avignon, 04 90 25 63 48.
>> essaion-avignon.com

Isabelle Lauriou 6 juin 2013
Samedi 27 Juin 2015

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© Jean-François Delon.
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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023