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Coin de l’œil

La désintégration : l’appel du néant

Si "l’intégration", cette fameuse adhésion sociale au "modèle républicain" que nombre de politiques invoquent avec plus ou moins d’arrières pensées, est un long et chaotique processus, l’inverse, en revanche, peut aller très vite. Et être irréversible.



"La Désintégration" © Christian Argento.
"La Désintégration" © Christian Argento.
C’est ce que montre "La désintégration", dont le titre doit impérativement s’entendre dans son double sens. Car quand Ali (Rashid Debbouze, frère de, plutôt convaincant), jeune beur de l’agglomération lilloise, déchire rageusement son CV de bon élève diplômé auquel personne ne daigne répondre parce qu’il comporte deux mentions de trop - son nom et son adresse -, pour se jeter dans les griffes d’un habile recruteur de chair à attentats suicides, c’est non seulement son "insertion" dans la société qui vole en éclats, mais aussi toute son identité. Tout ce qui le constituait, physiquement, socialement et intimement se voit bel et bien désintégré.

Sur un ton très naturaliste, Philippe Faucon retrace le parcours autodestructeur d’un apprenti Zacharias Moussaoui, manipulé par un "saint homme" à l’allure anodine et posée - référence évidente à Tarik Ramadan -, qui sait exploiter les frustrations et les colères de ses proies déboussolées. Évitant les clichés sur les "quartiers" et sur "l’islam des banlieues", "La désintégration" parvient à sortir l’intégrisme islamiste du champ de la paranoïa collective et de ses excès, pour en faire au contraire un danger bien réel, qu’une partie de la population française - celle autour de laquelle tourne justement le débat de "l’intégration" - peut toucher du doigt au quotidien. Jusqu’à en faire largement les frais.

"La Désintégration" © Christian Argento.
"La Désintégration" © Christian Argento.
● La Désintégration
Réalisation : Philippe Faucon.
Scénario original : Éric Nebot.
Adaptation et dialogues : Éric Nebot, Mohamed Sifaoui, Philippe Faucon.
Directeur de la photographie : Laurent Fenart.
Avec : Rashid Debbouze, Yassine Azzouz, Ymanol Perset, Mohamed Nachit, Zahra Addioui.
En salles à partir du 15 février 2012.

Gérard Biard
Mercredi 15 Février 2012

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À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

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C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024