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Théâtre

Le porteur d’histoire… De belles histoires qui font du beau théâtre

"Le porteur d’histoire", Studio des Champs-Élysées, Paris

Les différentes histoires racontées à différentes époques dans différents lieux par différentes personnes oscillent entre réalité et imaginaire. Le vrai du faux ne se séparent plus dans un moment théâtral de très belle qualité.



© Alejandro Guererro.
© Alejandro Guererro.
C’est du théâtre, du vrai théâtre avec des histoires qui s'enchaînent, s'enfilent, s'imbriquent, qui font intervenir des personnages historiques ou inventés, des romanciers, voire avec des conteurs de différents pays et de différentes époques. Le tout savamment orchestré dans un périple qui fait rencontrer Eugène Delacroix et Alexandre Dumas, Polignac et Saxe de Bourville, la fable à la réalité, la poésie à l’esprit.

La pièce traite de l’histoire avec un petit et un grand H. Qu'est-ce qu'une histoire ? À partir de quel moment une histoire, réelle ou imaginaire, peut flirter autant avec la réalité qu'avec l’imagination de son auteur ? Autour de cette histoire, de ces histoires, c’est le regard croisé des différents personnages qui sont tenus par un même fil, celui des livres. Des livres que les personnages retrouvent de façon récurrente, dans un cercueil au fin fond d’un petit cimeterre de province, dans une voiture compressée ou dans une maisonnée perdue dans la nature.

© Alejandro Guererro.
© Alejandro Guererro.
Les livres et leurs contes, quand ils tombent dans les mains d'un conteur de talent qui d’une fable en fait une réalité, sont au cœur de la pièce. C’est une première histoire qui démarre en Kabylie. Puis, c’est ailleurs, bien loin de la Kabylie, pendant une nuit, ce conteur, Martin Martin, qui se trouve perdu dans une petite ville de province pour enterrer son père. Il appelle son frère Henri Martin qui habite au Canada. Ces deux récits se recoupent à l’entame de la pièce autour desquelles viennent se greffer durant toute la pièce d’autres histoires qui apportent chacune leurs reflets, leurs échos, leurs lumières dans une résonance et une homogénéité théâtrale de très bel acabit.

Ces chroniques sont tenues par le même souffle d’un conteur qui appartient pourtant à des époques différentes situées dans des lieux différents. Presque omniscient. Les époques et les lieux s’entrecroisent dans des récits qui se recoupent, portés par des personnages multiples.

© Alejandro Guererro.
© Alejandro Guererro.
Le jeu des comédiens est varié et multiple. Chaque aventure leur donne l’occasion d’incarner différents personnages dans une scénographie, composée de six chaises et d’un jeu de lumières froides, qui déploie chaque contexte scénique avec une musique oscillant entre des mélodies orientales et occidentales. Les récits sont découpés en séquences avec des clairs-obscurs, des lumières qui délimitent les scènes. C’est l’Algérie et la France qui se rencontrent dans ces histoires autant vécues que racontées. Elles sont tissées, comme un macramé, avec des fils réels et imaginaires.

L’écriture de la pièce est joliment littéraire avec un style soutenu dans un phrasé bien appuyé où les mots ne sont pas avares de leurs épithètes et attributs. La pièce est déclamée dans une belle élocution. La poésie, la réalité et la fable font cause commune.

Le jeu des comédiens, la pièce et la mise en scène sont un régal.

"Le Porteur d’Histoire"

© Alejandro Guererro.
© Alejandro Guererro.
Texte et mise en scène : Alexis Michalik.
Assistante à la mise en scène : Camille Blouet.
Avec : (en alternance) Fadila Belkebla, Patrick Blandin, Emilie Blon Metzinger, Benjamin Brenière, Stéphanie Caillol, Marc Citti, Amaury de Crayencour, Vincent Deniard, Évelyne El Garby Klai, Magali Genoud, Charles Lelaure, Éric Herson-Macarel, Justine Moulinier, Benjamin Penamaria, François Raffenaud, Régis Vallée.
Lumières et régie générale : Anaïs Souquet.
Costumes : Marion Rebmann.
Son : Clément Laruelle.
Musique Originale : Manuel Peskine.
Durée : 1 h 50.

Jusqu’au 13 juillet 2014.
Du mardi au samedi à 20 h 30
, dimanche à 16 h.

Studio des Champs-Élysées, Paris 8e, 01 53 23 99 19.
>> comediedeschampselysees.com

Alexis Michalik : Molière du meilleur auteur et Molière du meilleur metteur en scène.

Safidin Alouache
Jeudi 19 Juin 2014

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© Jean-François Delon.
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023