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Concerts

Karine Deshayes et ses amis illuminent les nuits de l’Emperi

La 22e édition du festival "Musique à l’Emperi" nous parle d’amour cette année jusqu’au 8 août 2014. Le concert du 31 juillet a chaviré le cœur et ravit les oreilles de votre chroniqueuse.



© DR Festival de l'Emperi.
© DR Festival de l'Emperi.
La nuit tombe par degrés, il est 21 heures. Le château de l’Emperi est parfaitement beau avec ses vénérables pierres claires dans son écrin de végétation. Curieusement, sur cette hauteur, on n’entend aucune cigale et l’acoustique se révélera parfaite dans cette petite cour Renaissance aux fins meneaux évoquant "La châtelaine en sa tour" de Paul Verlaine... Un des poèmes du recueil "La Bonne Chanson" mis en musique par Gabriel Fauré entre 1892 et 1894 que la mezzo soprano Karine Deshayes chantera divinement dans ce concert. Un concert consacré à la musique française au mitan des XIXe et XXe siècles : Claude de France-Debussy, Jules Massenet, Gabriel Fauré donc et Ernest Chausson. Autant dire que le charme coloriste, les nuances délicates et la subtilité de cette écriture mélodique toute française ont la part belle.

À l’affiche deux des trois directeurs artistiques du festival, le flûtiste Emmanuel Pahud et le pianiste Eric Le Sage, et plusieurs autres grands solistes fidèles à la manifestation - comme le pianiste Franck Braley, Daishin Kashimoto superbe violoniste ou Maja Avramovic du Philharmonique de Berlin - pour jouer en duo, en trio ou plus et accompagner la chanteuse. C’est le festival de la générosité et de l’amitié comme le souligne sa toute nouvelle présidente Émilie Delorme, qui a accepté comme une évidence cette nouvelle mission en plus de la direction du festival lyrique d’Aix en Provence. "Musique à l’Emperi" tend donc naturellement la main à la jeune génération de (déjà) grands talents. Découvertes, plaisir et virtuosité sont bien les maîtres mots de ces soirées musicales.

© DR Festival de l'Emperi.
© DR Festival de l'Emperi.
Ce soir, nous écouterons avec autant de ravissement la flûte agile d’Emmanuel Pahud dans "Bilitis pour flûte et piano" de Debussy aux accents rappelant "L’Après-midi d’un faune", accompagné d’Éric Le Sage avec son toucher raffiné si français mais aussi le jeune violoncelliste allemand Julian Steckel (très inspiré trois heures plus tôt dans les "Suites" de Bach en l’Église Saint-Michel), l’altiste Julia Berthaud ou le pianiste Adam Laloum, tous impressionnants dans le si beau "Quatuor" de Fauré. Mais voilà qu’apparaît la mezzo que s’arrachent les grandes scènes, Karine Deshayes. Le charme, adorable envoûtement opéré par sa voix et cette musique française, opère sur l’auditoire. "L’heure exquise" qu’a évoquée Verlaine dans "La lune blanche" n’est pas indûment promise.

Dans les trois admirables "Chansons de Bilitis", poèmes de Pierre Louÿs mis en musique par Debussy, dans "La Bonne Chanson" de Fauré à la suavité toute élégiaque, dans Massenet et dans "La Chanson perpétuelle" de Chausson (répertoire dans lequel elle brille depuis toujours), la chanteuse est tout simplement enchanteresse. Les moindres subtilités, les couleurs fines, la sensibilité tendre et les sentiments exprimés dans ces mélodies sont magnifiés, transcendés même par une artiste en état de grâce. C’est la force des grands interprètes qu’ils arrêtent la course du temps dès qu’ils montent sur scène. La voix est d’une agilité sans égal grâce à un contrôle parfait du souffle et à des possibilités vocales semblant illimitées. Tout enchante l’oreille : des aigus exquis, un médium rond et sensuel, des graves profonds telle une nuit d’été. Plusieurs fois les larmes nous montent aux yeux quand nous ne sommes pas emportés très loin "out of the world". Qu’une artiste aussi ensorcelante et dont la splendide carrière ne fait que commencer ait honoré de sa présence pour deux concerts le festival nous fait bien augurer de l’avenir de "Musique à l’Emperi". En attendant la semaine sera encore riche des concerts à venir : Schubert, Strauss, Beethoven (entre autres) interprétés par des chambristes superbes, et encore un grand : le ténor Julian Prégardien le 5 août.

© DR Festival de l'Emperi.
© DR Festival de l'Emperi.
Du 29 juillet au 8 août 2014.

Château de l’Emperi.
Montée de Puech, Salon de Provence (13).

Informations et réservations :
Musique à l’Emperi : 04 90 56 00 82.
info@festival-salon.fr
>> festival-salon.fr

Christine Ducq
Mardi 5 Août 2014

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Concerts | Lyrique







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© Jean-François Delon.
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

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Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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