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Théâtre

"La Louve"… François en jeune premier

"La Louve", Théâtre La Bruyère, Paris

Grâce à Daniel Colas, nous entrons dans l'Histoire de France par ses coulisses où intrigues amoureuses, diplomatiques et sexuelles se lient pour faire d'un Valois, François 1er, un roi par la grâce d'une mère, Louise de Savoie.



© Lot.
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La pièce traite de François 1er (1494-1547) et de son accession presque manquée au pouvoir. Mais, grâce à sa mère, Louise de Savoie (1476-1531), interprétée par Béatrice Agenin, le fils accède à la royauté. La pièce est très bien écrite avec un langage châtié et des répliques bien construites. Au début du spectacle, un coryphée se présente en tant que tel accompagné d'un chœur, présenté ainsi aussi. Y aurait-il méprise car il n'y a ni coryphée, ni chœur, n'étant pas dans une comédie antique ?

Le personnage du "coryphée" (Patrick Raynal), bien incarné et introduisant le spectacle, a plusieurs rôles dont celui de Louis XII (1462-1515), le père de Claude de France (1499-1524) qui est, elle, jouée par Maud Baecker, première épouse de François 1er (Gaël Giraudeau). Il n'y a point de chœur, juste celui d'un ensemble de personnages qui mène sa partition comme dans toute bonne pièce de théâtre. Mais à part cette introduction inutile mais qui avait pour objectif de nous présenter les personnages d'une histoire rocambolesque, tout se tient.

Vaste sujet que l'histoire de ce roi qui a failli ne pas l'être, qui courrait la gueuse, plutôt royale, et qui avait pour épouse, une éclopée. Le jeu des personnages est de bel acabit avec un futur roi, jeune, nerveux et en proie à ses pulsions. Il l'était réellement, curieux de tout, ouvert aux arts et aux lettres et possédant un sens politique remarquable.

© Lot.
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La Louve, Louise de Savoie, ayant un rôle presque de maîtresse de maison car elle tient la scène avec brio, est superbement interprétée par Béatrice Agenin qui campe un personnage oscillant entre noblesse, espièglerie et un cynisme à l'allure hautaine qui plonge parfois dans l'humour.

La pièce montre François 1er au travers de ses excès, ses défauts mâtinés de naïveté, subissant des événements presque anodins mais dont l'importance est à la mesure de soubresauts historiques. Et pourtant, c'est ce même personnage qui a été une figure marquante de la Renaissance. C'est ce côté décalé de la pièce qui fait son écrin. L'Histoire dépasse la fiction.

L'auteur et metteur en scène Daniel Colas a puisé chez le chroniqueur Pierre de Bourdeille dit Brantôme (1537-1614), ces aspects historiques et anecdotiques dans sa "Vie des dames galantes". Brantôme est connu pour ses écrits légers sur les mœurs de son époque dans la cour des grands. Il a été aussi confident de Catherine de Médicis (1519-1589) et a entretenu une correspondance avec la reine Margot (1553-1615).

© Lot.
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Les costumes sont d'époque. Le décor est assez simple et a peu d'éléments. Les mouvements des personnages sont, de par la disposition de la scène, plus en longueur avec parfois quelques avancées sur le devant de scène.

On y voit un François 1er qui n'est pas réellement prêt pour la fonction royale, comme d'autres à notre époque ne l'étaient pas pour la fonction présidentielle. Le jeu de François 1er est presque enfantin, celui d'un roi mû par ses pulsions et envies. Les personnages sont dans un rapport à l'autre où le pouvoir se dispute au jeu qui se dispute à la séduction qui déborde dans le sexe.

L'homo sexus habite le pouvoir. On s'en doutait mais là, il est transporté dans l'espace-temps de la Renaissance, époque plus connue pour Léonard de Vinci et l'émergence des Arts. L'on découvre derrière le faste et la splendeur un peu pâle de la royauté du premier Valois, une rocambolesque histoire de sexe, de faux accouchement et d'intrigues pour accéder au pouvoir.

La pièce est une lucarne par laquelle on observe la Renaissance. Elle a de jolis atours relevant de l'anecdote qui font le sel et la vérité, parfois âcre et petite, de l'Histoire.

"La Louve"

© Lot.
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Texte : Daniel Colas.
Mise en scène : Daniel Colas.
Assistante à la mise en scène : Victoire Berger-Perrin.
Avec Béatrice Agenin, Gaël Giraudeau, Coralie Audret, Maud Baecker, Yvan Garouel, Adrien Melin et Patrick Raynal.
Décor : Jean Haas.
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz.
Lumières : Kevin Daufresne.
Musique : Sylvain Meyniac.

Jusqu'au 30 décembre 2016.
Du mardi au samedi à 21 h, matinée samedi à 16 h, dimanche 15 h 30.
Théâtre La Bruyère, Paris 9e, 01 48 74 76 99.
>> theatrelabruyere.com

Safidin Alouache
Vendredi 28 Octobre 2016

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© Pics.
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