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Théâtre

"Moi et François Mitterrand"… lettre à l'être

"Moi et François Mitterrand", Théâtre du Rond-Point, Paris

Hervé le Tellier, auteur et personnage de la pièce, tient une correspondance avec François Mitterrand. Entre rêves, mythomanie et réalité, le personnage nous fait revivre un passé politique où la figure présidentielle tient lieu de compagnon de route.



© Raphaël Arnaud.
© Raphaël Arnaud.
Sacré Hervé Le Tellier, non content d'être mathématicien et de manier les nombres, il joue avec la langue française en fidèle membre de l'Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle), créé en 1960 par le mathématicien Le Lionnais (1901-1984), qui fut le premier fraisident-pondateur, et Raymond Queneau (1903-1976). Un auteur oulipien est "un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir" selon ses membres.

L'Oulipo est un groupe d'écrivains et de mathématiciens qui se réunissent toujours aujourd'hui pour inventer des axes de créations littéraires autour de contraintes et de règles mathématiques. Rien n'est créé au hasard car la liberté, selon Queneau, n'apparaît que sous la contrainte.

Dans "Moi et François Mitterrand", la répétition d'une lettre, à savoir un courrier, tient lieu de répétition d'une pièce sans pour autant que ce soit répétitif. Pardon pour les répétitions. La trame tourne autour de cette lettre dans laquelle une relation, jamais la même, s'établit avec Mitterrand. Celle-ci évolue au fil du temps pour dépasser son double septennat, vaquer vers Chirac, faire un raccourci très rapide et expéditif sur Sarkozy pour finir avec Hollande.

© Raphaël Arnaud.
© Raphaël Arnaud.
La pièce est drôle. Hervé Le Tellier, au détour d'une correspondance qui s'étale sur plus de 10 ans, lie, ou croire lier, connaissance avec Mitterrand. Ce dernier, du moins ses services, lui répond par une même lettre, académique et froide, envoyée systématiquement pour tout courrier. La pièce aurait pu entrer dans une mécanique répétitive. Mais que nenni. C'est avec gourmandise que le personnage raconte, décrypte, sur ce même morceau épistolaire, une relation qu'il établit, seul dans son coin, avec Mitterrand. Comme un fantasme politique.

Hervé Le Tellier, le nom aussi de l'auteur de la pièce, est interprété par Olivier Broche et ne fait pas mystère de ses préférences politiques. Les grands discours ne servent à rien. Le cadre dans lequel est encadrée la photo des présidents en fait foi. Grande pour Mitterrand, un peu moins pour Chirac, très petite pour Sarkozy et bancale pour Hollande. Mâtiné d'une fausse naïveté, Le Tellier, l'auteur et le personnage, nous convie ponctuellement dans les méandres de l'Histoire. Quelques clins d'œil à l'actualité de l'époque sont effectués. Au travers de la mythomanie du personnage, la pièce s'attache aussi à montrer la personnification de la politique dont le style est l'homme même, pour reprendre Buffon.

© Raphaël Arnaud.
© Raphaël Arnaud.
Le jeu d'Olivier Broche est tranchant et pathétique. Tranchant dans ses envolées, dans ses incarnations où il devient à lui-même le personnage qu'il se construit. Pathétique, par le soin presque méticuleux à saisir les mots, à les articuler, à les faire vivre. D'un même mot, d'une même lettre, il arrive à incarner un personnage émotif en proie à ses "amitiés", son attachement, son exaspération du politique et de la politique. Elle relate aussi ce rapport, plus ou moins personnel que nous pouvons entretenir avec un président de la République. Là, c'est Le Tellier qui va à la rencontre du Président.

Dans une société hypermédiatisée où les manches retroussées ou la parole un peu haute peuvent faire gagner quelques voix, ce rapport à cette figure que l'on veut présidentielle, surtout pour ses prétendants en s'habillant de l'habit du dimanche pour faire oublier, particulièrement aujourd'hui, des idées aux chaussettes trouées, participe à cette réflexion sur la démocratie et de ce qui fait l'enjeu d'une élection basée sur une minorité qui gagne.

"Moi et François Mitterrand"

© Raphaël Arnaud.
© Raphaël Arnaud.
Texte : Hervé Le Tellier.
Mise en scène : Benjamin Guillard.
Avec : Olivier Broche.
Scénographie : Jean Haas assisté de Juliette Azémar.
Lumières : Olivier Oudiou.
Direction technique : Denis Melchers.
Assistante : Kenza Berrada.
Dramaturgie : Marie Duret-Pujol.
Musique : Antoine Sahler.
Répétitrice chant et piano : Lucrèce Sassella.
Durée : 1 h 15.

Du 14 octobre au 20 novembre 2016.
Du mardi au dimanche à 18 h 30. Relâche : 1er, 2, 3, 4 et 11 novembre.
Théâtre du Rond-Point, Salle Jean Tardieu, Paris, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

Du 25 janvier au 28 février 2017.
Mardi au samedi à 19 h.
À partir du 1er mars 2017.
Mercredi au samedi à 19 h et dimanche 15 h.
La Pépinière théâtre, Paris 2e, 01 42 61 44 16.
>> theatrelapepiniere.com

Tournée
1er et 2 décembre 2016 : Le Tivoli, Montargis (45).
9 décembre 2016 : Le Nouveau Théâtre, Châtellerault (86).
15 décembre 2016 : Espace Louis Buisson, Tourlaville (50).
À partir du janvier 2017 : Théâtre de la Pépinière, Paris (75).
7 mars 2017 : Centre culturel Voltaire, Déville-Lès-Rouen (76).
28 et 29 mars 2017 : La Comète, Châlons-en-Champagne (51).
10 mai 2017 : Théâtre de Cornouaille, Quimper (29).

Safidin Alouache
Vendredi 4 Novembre 2016

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© Jean-François Delon.
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© Christel Billault.
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Bruno Fougniès
15/10/2023