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Théâtre

Une vérité de la conscience d'un Thomas Bernhard épris de liberté

"Le froid augmente avec la clarté", La Colline - théâtre national, Paris

Dans "Le froid augmente avec la clarté", Claude Duparfait adapte deux romans autobiographiques de Thomas Bernhard, "L'Origine" et "La Cave", qui donnent au spectateur l'accès à une réelle compréhension de l'œuvre. L'itinéraire de vie d'un écrivain qui a de bonnes raisons de haïr le pays qui l'a vu naître.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Les textes sont adaptés pour cinq présences humaines, cinq voix humaines, qui dialoguent dans l'espace. Et ce sont, dans un bel équilibre, les différents âges de la vie, les souvenirs, les sentiments d'alors et de maintenant qui apparaissent.

Il y a le grand père idéal, philosophe, qui dialogue avec son petit-fils dans un état d'intelligence qui s'épanouit dans la liberté, qui vibre naturellement avec ce qui entoure l'enfance.

Il y a le choc et la violence incompréhensible du monde à l'adolescence. L'enfermement à l'internat : l'éducation des Hitlers jugend ou plus tard des ultra catholiques. La guerre et les bombardements.

Il y a, pour le jeune adulte, le conformisme bourgeois de Salzbourg. Et, permanent, le désir de suicide et la recherche effrénée de l'humain : dans le sens opposé.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Il y a la littérature enfin qui, dans ses tâtonnements, ses hésitations, ses retours en arrière, le souci de sa précision, permet le rassemblement des souvenirs et le jeu avec le spectre sonore des mots. La littérature qui, avec ses mensonges, revêt et révèle un point de vue, un point d'accord. Qui s'oriente vers une vérité.

Le dispositif scénique appuie, par ses alternances d'apparitions et disparitions de personnages et de la couleur de leurs voix, les réitérations et leitmotivs du texte. Dans une forme fuguée rythmée par les belles voix graves de Thierry Bosc et d'Annie Mercier, l'espace et le temps se trouvent à la fois animés, apaisés avec intensité.

Le spectacle, dont l'ironie de la représentation s'esquisse dans un pas de l'oie gracieux, maladroit et inoffensif, culmine dans une scène de kabaret bouffe et féroce tout en puissance de schuhplattler et de polka sardonique. Digne de Karl Valentin. En contrepoint, des passages en allemand apportent une part de poésie et de mystère (d'intensité et de colorature) que l'accent trop français de la comédienne (hélas) amoindrit un peu.

Le spectateur accompagne avec bonheur ce spectacle qui sait apporter une vérité de la conscience. Celle d'un Thomas Bernhard épris de liberté.

"Le froid augmente avec la clarté"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Librement inspiré de "L'Origine" et "La Cave" de Thomas Bernhard.
Un projet de Claude Duparfait.
Assistante à la mise en scène : Kenza Jernite.
Avec : Thierry Bosc, Claude Duparfait, Pauline Lorillard, Annie Mercier, Florent Pochet.
Scénographie : Gala Ognibene.
Son et image : François Weber.
Lumière : Benjamin Nesme.
Costumes : Mariane Delayre.
Participation musicale au piano pour l'enregistrement de "Ich bin der Welt…" (extrait des Rückert-Lieder de Gustav Mahler) : François Dumont.
Durée : 2 h.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Du 19 mai au 18 juin 2017.
Du mercredi au samedi à 20 h, mardi à 19 h, dimanche à 16 h.
La Colline - théâtre national, Petit Théâtre, Paris 20e, 01 44 62 52 52.
>> colline.fr

Jean Grapin
Jeudi 25 Mai 2017

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