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Trib'Une

Ces belles Silencieuses qui, enfin, parlent…

La chronique d'Isa-belle L

Ces belles silencieuses au doigté subtil du siècle dernier, qui ne se tairont plus puisqu'un gentleman élégant de notre XXIe siècle, enfin, les a défendues…



© DR.
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"J'ai terriblement envie d'être une mauvaise femme. Les mauvaises femmes ne craignent jamais l'avis de personne. Elles embrassent qui leur plaît - bourrent des coups de pied à qui leur déplaît. Elles rient aux éclats, crient à tue-tête." Taslima Nasreen. Grande dame du XXIe siècle.

À l'heure où j'écris ces lignes, deux autres grandes dames du XXe siècle vont (enfin) faire leur entrée au Panthéon. Germaine Tillon et Geneviève De Gaulle Anthonioz. Résistantes. Survivantes. Des femmes courageuses et déterminées qui ont osé. Pris des risques, s'opposant à l'ennemi. Comme Madeleine Riffaud aussi et toutes ces autres femmes… dont on ne parle pas assez. Pas encore assez…

Grâce à Nicolas Raccah, comédien du XXIe siècle, bien plus qu'un comédien, un conteur d'histoires, un passeur de mots et surtout le brillant interprète d'un texte nommé "Les Silencieuses - récit d'un voyage" qu'il vient de présenter à l'Espace Confluences (Paris), le vent semble piano, piano, tourner. 2015, ce n'est plus le vent qui doit tourner mais des rafales de mistral, de tramontane, de cyclones pour élever les voix des femmes. Que de simple(ttes) courants d'air à travers les siècles comme trop d'hommes encore ne cessent de le croire, elles reviennent en tête… Comme "l'Ouragan" de Stéphanie de Monaco fut un temps.

© DR.
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"Les Silencieuses" ou comment redonner voix aux paroles des femmes, notamment avant le XXe siècle… Sur une thématique menée baguette de fer et main baladeuse, par les hommes : l'érotisme. Parti de ce constat : que les hommes avaient la plume aiguisée en matière d'érotisme mais que celles dont il était question à travers les mots des mâles se faisaient bien rare de visibilité, il a décidé de redonner des couleurs aux corps, aux cœurs, aux écrits de toutes ces sublimes femmes dont la plume et la langue ont été bien vite enterrées.

Accompagné pour cela d'une metteur en scène - metteuse non ? [Je remarque que mon clavier, qui me connaît pourtant par cœur depuis des années, se refuse toujours à accepter l'article UNE devant metteur en scène. Ce que c'est énervant bon sang !] Je reprends. Accompagné en amont dans le travail, par la délicate Frédérique Aït-Touati, metteuse en scène et tête chercheuse de textes féminins depuis trop longtemps ensevelis, Nicolas Raccah se présente aux spectateurs tel un baladin sur une heure de temps se délectant des mots de femmes avec un œil parfois coquin, parfois enfantin, parfois féminin… et terriblement envoûtant.

© DR.
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Je suis ravie de constater que des hommes aujourd'hui sont capables de parler des femmes sans problème. Que redonner la parole aux femmes, les entendre et les écouter ne soient pas considérés comme une méthode de drague afin de jeter dans les filets de ces mâles… de nouvelles dulcinées.

Nicolas Raccah, il faut le regarder poser ses yeux sur les femmes quand il raconte, avec diction et éclat de voix parfaitement maîtrisés, ses auteures d'un temps qu'on a, nous-mêmes femmes, oubliées. Forcément ! Qui ? Pour nous en parler ?

Nicolas Raccah, il faut l'écouter prendre ce plaisir à nommer les femmes dont il s'est entiché artistiquement à travers leurs récits, leurs textes ou leurs poésies.

Nicolas Raccah, il faut le remercier au même titre que Frédérique Aït-Touati. Un homme, une femme, deux alliés pour un spectacle en dentelle avec écrits du siècle dernier parsemés de lyrisme, d'ironie et de beauté.

Un homme et une femme se sont unis derrière des rideaux de scène. Puis, une voix masculine se dévoile sur un plateau. Sans elle, il n'aurait peut-être pas été lui-même. Sans lui, elle n'aurait peut-être pas osé mener au bout ce magnifique projet. Ensemble, ils ont uni leurs talents et quand un homme et une femme font d'un spectacle vivant, une heure de textes intelligents, écrits par ces damoiselles aux plumes bien senties, cela donne des Silencieuses qu'on espère bavardes pour très longtemps. Vraiment.

N'en déplaise à cet homme, qui sur la durée du spectacle a préféré mater son écran de téléphone portable, certainement flippé de manquer le dernier but de son joueur de foot préféré… les mots de femmes ont été largement récompensés et face à un homme dont le mobile lumineux me donnait parfois des envies de meurtre…j'ai pensé à Taslima Nasreen et me suis dit : "j'ai terriblement envie d'être une mauvaise femme, et Monsieur, vous bourrer de coups de pied !".

Chut… les Silencieuses m'en ont empêchée et elles ont bien fait !

Les Silencieuses (récit d'un voyage)

© DR.
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Texte et jeu : Nicolas Raccah.
Co-conception et mise en scène : Frédérique Aït-Touati.
Collaboration artistique : Elsa Blin.
Production de la Compagnie Fatale Aubaine.
Durée du spectacle : 1 h.

Jeudi 4 juin 2015 : 20 h 30, Amphi Richelieu de la Sorbonne, Paris 5e (réservation impérative : agenda-culturel@paris-sorbonne.fr).
Vendredi 5 juin 2015 : 20 h 30, Roche-Saint-Secret-Beconne (26).
Jeudi 11 Juin 2015 : Maison Hennessy, Cognac (16).


Ce spectacle tourne également en appartements.
Renseignements : compagnie.fatale.aubaine@gmail.com

Isabelle Lauriou
Mercredi 3 Juin 2015

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© Jean-François Delon.
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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023