La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Sinfonia en Périgord, un festival en toute liberté

Du 26 août au 2 septembre 2017, la 27e édition du festival baroque implanté à Périgueux et alentours programme jeunes talents prometteurs et artistes de poids avec son habituel esprit de liberté. Rencontre avec David Théodoridès, un directeur qui voit loin.



"Vespres", Cie La Tempête © DR.
"Vespres", Cie La Tempête © DR.
Pour David Théodoridès, directeur et programmateur de Sinfonia en Périgord, "le festival est une histoire d'amour", celle d'une "mélomanie héritée" au service d'une manifestation créée il y a quasiment trente ans. Alors qu'il suit un cursus au Conservatoire de Toulouse, David Théodoridès devient l'assistant de son père à la tête du festival avant de lui succéder en 2002.

Pour ce passionné, qui se voyait chef d'orchestre dans sa jeunesse, rien ne compte plus que la relation de confiance établie avec les artistes et le public avec les années. À chaque édition de Sinfonia, fidèles et petits nouveaux répondent présents pour le plus grand bonheur d'un homme qui n'aime rien tant que d'accompagner projets et artistes sur le chemin de l'excellence et de la nouveauté. Aujourd'hui une trentaine de concerts gratuits ou payants sont proposés à Périgueux et dans onze communes avoisinantes.

Christine Ducq - Quels sont les points forts de cette nouvelle édition ?

Ensemble Pulcinella © DR.
Ensemble Pulcinella © DR.
David Théodoridès - Parmi tant de beaux rendez-vous pour cette édition 2017, je pense au concert d'ouverture en plein air au Parc Gamenson qui donnera à entendre "Le Messie" de Haendel le 26 août avec l'ensemble Les Nouveaux Caractères et les cinquante cinq chanteurs du chœur Accentus - suivi d'un feu d'artifice.

Citons aussi le "Magical Baroque Tour" du chœur Dordogne en Sinfonia qui regroupe des amateurs et des professionnels dirigés par Michel Laplénie - un chœur qui a bénéficié de quatre-vingt-quatorze heures de formation. Ce travail va être repris l'an prochain par Simon-Pierre Bestion, qui entame une résidence au festival avec sa compagnie La Tempête. Cette compagnie représente un gros coup de cœur pour moi car nous partageons les mêmes idées sur ce que doit être le concert d'aujourd'hui.

Enfin, Hervé Niquet et son Concert Spirituel vont fêter ici leurs trente années d'existence alors qu'ils viennent de terminer leurs trois années de résidence à Sinfonia en Périgord. Ce sera avec leur opéra-ballet comique "Don Quichotte chez la Duchesse de Boismortier" mis en scène par Shirley et Dino.

Ensemble Aedes © DR.
Ensemble Aedes © DR.
Qu'est-ce que doit être le concert moderne selon Simon-Pierre Bestion et vous-même ?

David Théodoridès - Nous sommes d'accord sur le fait qu'il doit produire un imaginaire sonore - c'est d'ailleurs le credo du festival. Pour attirer de nouveaux publics, il faut travailler un langage sonore et visuel rénové, casser les codes du concert classique et sortir des répertoires balisés. Ainsi la compagnie va donner un spectacle très attendu "2001, l'Odyssée de la voix" le premier septembre. Un concert où est pensée l'importance des corps et des lumières par exemple - et conçu comme un hommage au Septième art avec un programme Ligeti, Strauss, Mahler et Prokofiev, entre autres. Des compositeurs dont les œuvres ont été popularisées grâce à des chefs-d'œuvre tels que ceux de Kubrick, Visconti ou Eisenstein.

Il s'agit dans tous nos concerts programmés au Sinfonia de défriser, dégriser le rituel. C'est possible avec le répertoire baroque et au-delà. Je veux un festival de l'intuition, du plaisir des rencontres avec les artistes et les œuvres et ce, avec des émotions visuelles.

Ceci est permis selon vous avec le répertoire baroque ?

Ensemble Sagittarius © DR.
Ensemble Sagittarius © DR.
David Théodoridès - Tout à fait. Le répertoire baroque est moins codifié que les autres. Les musiciens sont souvent très jeunes - ou ils en ont l'air ! (rires). D'ailleurs je trouve que nous avons au XXIe siècle les mêmes problématiques musicales, sociétales, métaphysiques qu'au XVIIe. Ces deux périodes se ressemblent car elles donnent à vivre également la fin d'un monde qu'il faut changer : repenser les relations humaines après des désastres, les relations de l'homme avec la nature. Bref, les deux époques ont en commun de tenter de reconstruire une humanité bienveillante. Dans la création musicale contemporaine comme dans la pensée philosophique les questions de la mystique et de la notion du sens se posent à nouveau avec acuité.

Vous avez d'ailleurs initié un projet mêlant ces deux époques, n'est-ce pas ?

David Théodoridès - En effet. Le festival et Patrick Cohën Akénine ont passé commande d'une œuvre au jeune compositeur argentin Juan-Marcos Antonio autour des "Quatre Saisons" de Vivaldi. Les sonnets qui ont inspiré Vivaldi, des madrigaux et des poèmes contemporains sont au cœur de cette création appelée "Paesaggi corporei". Ce qui permettra de confronter musiques ancienne et contemporaine puisque ces "Paesaggi" s'insèrent entre chaque "Saison". C'est la superbe soprano Maïlys de Villoutreys qui les interprétera accompagnée des Folies Françoises.

Trio Dauphine et Maïlys de Villoutreys © DR.
Trio Dauphine et Maïlys de Villoutreys © DR.
Pouvez-nous parler du cycle "Jeunes Talents" ?

David Théodoridès - Outre les musiciens désormais reconnus tels le claveciniste Justin Taylor, l'Ensemble Desmarets ou Les Surprises (pour ne citer qu'eux), le festival souhaite favoriser l'émergence artistique et susciter de nouvelles dynamiques en accueillant six ensembles et solistes à découvrir. Le public votera et celui ou celle qui sera son coup de cœur sera réinvité en 2018. C'est par ce dispositif que Justin Taylor revient cette année - alors même que son talent s'est désormais imposé sur la scène musicale baroque.

Sinfonia en Périgord,
du 26 août au 2 septembre 2017.
Programme complet et réservations :
CLAP, 11, place du Coderc, Périgueux (24).
Tél. : 05 53 08 69 81.
>> sinfonia-en-perigord.com
>> clap-perigueux.com

Christine Ducq
Samedi 19 Août 2017

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023