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Théâtre

● Avignon OFF 2016 ● La parole de Pier Paolo Pasolini résonne comme une nécessité, une vitalité désespérée

"Une Vitalité désespérée", Présence Pasteur, Avignon

"Sono come un gatto bruciato vivo, 
Pestato dal copertone di un autotreno,
 Impiccato da ragazzi a un fico…" "Je suis comme un chat brûlé vif, 
écrasé sous la roue d’un semi-remorque, pendu par des garçons à un figuier", écrivait Pier Paolo Pasolini dans son poème prémonitoire au début des années soixante. Una disperata vitalità.



© Christophe Perton.
© Christophe Perton.
Dans "Une vitalité désespérée", Christophe Perton s'appuie sur la dernière interview dans laquelle l'auteur revendique le droit au scandale et à son plaisir associé en opposition à une société consumériste où déjà la télévision et la publicité formataient les esprits. Le spectacle présente une suite d'œuvres du poète assassiné.

Le jeu se développe sur un plateau scénique minimaliste qui se creuse d'ombres et de lumières. Les comédiens, unis qu'ils sont par une même recherche, pèsent les mots et les attitudes, interrogent les écrits ou les extraits filmiques, scrutent les images, dénouent en partage les fils d'une vie sulfureuse et révoltée.

Dans l'aller-retour des contrastes, entre les images projetées et les corps, les voix bien réelles présentes sur la scène, le spectacle voit s'opposer la beauté de la sur-présence des acteurs ou des actrices à la laideur des esthétiques imposées. De proche en proche Christophe Perton crée un espace paradoxalement apaisé.

Et sans qu'il soit question de lui surimposer une vision d'actualité contemporaine, le spectateur est invité à redécouvrir, par delà les préjugés, en derniers témoignages de l'auteur, des instants d'étonnement purs et de réflexion. La beauté joyeuse d'une Anna Magnani prolétaire dans "Mamma Roma" ou la tristesse d'une Marylin Monroe iconique couverte de diamants.

© Christophe Perton.
© Christophe Perton.
Ainsi sont abordées les lisières d'une sensibilité habitée par un profond sens de l’Émerveillement. Quand il regarde le déhanché du personnage de la prostituée que le poète appelle chez lui, c'est bien à la rencontre de Marie Madeleine renaissante ou d'une victime du marquis de Sade que va le spectateur.

Le temps d'une remembrance, cette proposition théâtrale donne à ressentir ce moment de fusion, de vibration du réel, cette beauté du vivant en partage qui fonde une réalité poétique. Ce qu'il faut bien appeler une liberté nue. Que ce soit celle d'un tableau de Caravage ou celle de la danse des lucioles un soir d'été dont Pier Paolo Pasolini déplorait en 1975 la disparition en la qualifiant de crime.*

Dans les temps troublés que nous vivons la parole de Pier Paolo Pasolini résonne comme une nécessité, une vitalité désespérée dont le théâtre polit les éclats. Objets de l'art en réflexion.

* Combien de spectateurs connaissent-ils encore le vol des lucioles ? Combien sont-ils ceux qui, encore moins nombreux, ont ressenti la perte de puissance poétique liée à leur disparition ?

"Une Vitalité désespérée"

© Christophe Perton.
© Christophe Perton.
Textes : Pier Paolo Pasolini.
Adaptation et mise en scène : Christophe Perton.
Une création pour 8 comédiens en langues française et italienne.
Avec : Ololadé Akinsanya, Harrison Arévalo, Manuela Beltran, Carmine Fabbricatore, Isabel Aimé Gonzalez Sola, Jeanne Lepers, Samuel Theis, Hedi Zada.
Assistante à la mise en scène : Camille Melvil.
Vidéo : Christophe Perton, Samuel Theis.
Musique et son : Emmanuel Jessua.
Lumières et régie générale : Thierry Opigez, Bruno Valette.
Costumes : Aude Desigaux.

● Avignon OFF 2016 ●
Du 7 au 29 juillet 2016.
Présence Pasteur (Lycée Pasteur),
Espace Pasteur,
13, rue du Pont Trouca.
Tous les jours à 16 h.
Tél. : 04 32 74 18 54/09 66 97 18 54.
>> theatre-espoir.fr/presence-pasteur

Jean Grapin
Vendredi 8 Juillet 2016

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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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