La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Avignon Off 2015 Une expérience thérapique dont la théâtralité s'affirme au fil des scènes

"Cercle miroir transformation", Théâtre du Centre, Avignon Off 2015

"Cercle miroir transformation" d'Annie Baker se déroule dans un huis clos censé durer six semaines durant lesquelles cinq personnes bien (mais bien bien) coincées participent peut-être sans trop savoir pourquoi à un stage théâtre…



© DR.
© DR.
Cinq personnalités en quête de décoincement… Cela fleure le pays profond, trop probable… Structuré par la répétition d'exercices de stages basiques, d'instantanés volés à la durée, la pièce tend un miroir des médiocrités : un objet énigmatique à souhait.

Le spectateur ressentirait face à cela une certaine gêne compassionnelle si un excès de naturel ne le rendait attentif au travail du maître de stage qui a fort à faire. Une fois passé le stade inaugural d'ahurissement, le spectateur, prenant conscience par les silences des allusions éludées, acquiert le regard du directeur de stage et se rend complice du spectacle.

Tenus par un texte écrit dans une grande tradition dramatique anglo-saxonne reposant sur la résolution d'une énigme, les comédiens jouent avec les indices, les micro-coups de théâtre parsemés qui égarent la raison et la stimulent. Ils se glissent dans les interstices du temps. Les personnages font d'infimes progrès, évoluent… Gagnent en densité, en intimité.

© DR.
© DR.
En passant par l'antithéâtre, la mise en scène de Nick Millett, sans appuyer sur le clownesque ou le drame, se développe comme une décantation d'une expérience thérapique dont la théâtralité s'affirme au fil des scènes. Au fur et à mesure que les caractères abandonnent leurs postures archétypales, les personnages avancent de concert dans la connaissance d'eux-mêmes et des rêves qui les animent. Ils acquièrent une personnalité.

L'objet théâtral*, qui salue avec humour l'apport de Stanislavski et le travail de Lee Strasberg, meut ses acteurs dans la recherche d'un collectif et d'une créativité commune. Tutoyant le rire et le drame, il est des plus réjouissants.

Ces cinq stagiaires-là trouvent un espace commun, celui du théâtre de l'humain.

*La pièce a obtenu le prix Off Broadway en 2010.

"Cercle miroir transformation"

© DR.
© DR.
Texte : Annie Baker (Prix Pulitzer).
Traduction : Nick Millett et Patricia Morejón.
Mise en scène et scénographie : Nick Millett.
Assistante mise en scène : Clara Normand.
Avec : Basile-Bernard de Bodt, Françoise Huguet, Lucy Millett, Patricia Morejón et Pierre-Olivier Mornas.
Costumes : Julia Zanni.
Lumières et conception sonore : Bertrand Roure.
Durée : 1 h 50.
Compagnie Elapse.

Avignon Off Du 4 au 26 juillet 2015.
Tous les jours à 17 h 30.
Théâtre du Centre, 13, rue Louis Pasteur, Avignon, 06 64 91 55 67.
>> theatreducentre-avignon

Jean Grapin
Mercredi 8 Juillet 2015


1.Posté par Symux le 12/07/2015 22:18
Surprenant au premier abord, ce spectacle nous inclus dans la vie des personnages qui nous apparaissent à la fin comme des personnes que nous avons réellement côtoyées pendant plusieurs semaines.
Excellente pièce!!

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023