La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Zelda, ni muse, ni égérie, simplement joueuse hébétée de rencontrer des limites

"Brûlez-la !", Théâtre du Rond-Point, Paris

L'œuvre de Scott et Zelda Fitzgerald brille comme un diamant gros comme le Ritz mais leur vie tout en paillettes finit mal. Durant les années folles, dans ces années de l'entre-deux-guerres en Amérique, ils formaient un couple d'écrivains scandaleux et passionnel…



© Philippe Savoir.
© Philippe Savoir.
Un couple de dingues, magnifique, dont les nuits blanches et les excès d'alcool et de sexe nourrissaient leur vie ainsi que les pages de leurs romans. Expérience de la perte d'eux-même.

Elle avait ce grain et cette expression de vitalité, de liberté par-delà même les notions de beauté ou de provocation qui rendent une femme scandaleusement irrésistible et valorisent l'homme qui semble l'avoir apprivoisée. Qui forcément fascine ou exaspère. Hemingway qui appréciait Gatsby s'en méfiait comme de la peste. Il n'avait pas tort, Zelda sombra et alla de cliniques en cliniques.

En commandant à Christian Siméon l'œuvre sur Zelda, "Brûlez-la !", Michel Fau (qui met en scène) concrétise de manière très simple une forme de théâtre laboratoire qui est pain bénit pour une comédienne. Claude Perron est aux anges dans un envers de paradis où l'on se brûle les ailes.

© Philippe Savoir.
© Philippe Savoir.
Le texte suit le fil biographique mais Christian Siméon dans ce quasi monologue installe un véritable discours intérieur qui, de variations en variations revient sur lui même, involue, et amène au présent de la représentation le drame d'une vie. À la manière d'une Alice qui ne se remet pas du Pays des Merveilles, Claude Perron rend sensible les sensations d'un personnage dont les chairs et la conscience sont de plus en plus à vif. La comédienne semble sculpter le caractère d'un être hybride, d'une chimère : femme enfant et enfant femme, tigresse et victime. Ni muse, ni égérie, simplement joueuse hébétée de rencontrer des limites.

Sur scène, Zelda est bien ce personnage objet des regards, qui s'enivre et fuit traquée. À la fois point de cristallisation, de réfraction et de diffraction de toutes les contradictions de la liberté conjuguée à la jouissance.

Avec "Brûlez-la !", Michel Fau met en scène de manière très visuelle l'affleurement de la conscience et sa suspension dans l'indicible.

"Brûlez-la !"

© Philippe Savoir.
© Philippe Savoir.
Texte : Christian Siméon.
Mise en scène : Michel Fau.
Avec : Claude Perron, Bertrand Schol.
Assistanat à la mise en scène : Jean-Philippe Marie.
Décor et peinture : Emmanuel Charles.
Costumes : David Belugou.
Lumières : Joël Fabing.
Maquillage : Pascale Fau.
Construction décor : Atelier Jipanco.
Durée : 1 h 15.

Du 25 mai au 19 juin 2016.
Du mardi au dimanche à 18 h 30.
Théâtre du Rond-Point, Salle Jean Tardieu, Paris 8e, 01 44 95 98 00.
>> theatredurondpoint.fr

Jean Grapin
Mercredi 8 Juin 2016

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024