La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

L'amour est dans "Le Pré aux clercs"... et à l'Opéra Comique !

En ce moment et jusqu'au 2 avril, l'Opéra Comique propose une nouvelle production, "Le Pré aux clercs". Jérôme Deschamps ressuscite pour la deuxième fois depuis le début de son mandat une œuvre d'un compositeur de l'époque romantique, Ferdinand Hérold. L'œuvre créée en 1832 fit d'ailleurs les beaux jours de la maison pendant un siècle avant d'être oubliée dans un tiroir. Si vous aimez les duels dans le trèfle et les amours sucrées parfumées aux marguerites, cette œuvre est faite pour vous.



© Pierre Grobois.
© Pierre Grobois.
L'argument lointainement inspiré de Mérimée met en scène les amours du baron de Mergy et d'Isabelle de Montal à la cour des Valois, dix ans après la Saint-Barthélémy. Sous la protection de Marguerite de Valois (la reine Margot), ces deux protestants doivent évidemment échapper à mille périls pour vivre leur passion. Nous croiserons le marquis de Comminges, un duelliste fou - vrai tueur en série de gentilshommes sur le fameux Pré aux Clercs qui donne son titre à l'œuvre -, un couple formé d'une soubrette Nicette et d'un bourgeois Girot. Sans oublier un bouffon italien, Cantarelli, toujours prêt à intriguer. Et bien sûr la reine Margot elle-même - quelques années avant Dumas auquel on pense beaucoup devant ce spectacle.

Cet opéra-comique qui alterne donc séquences parlées et chantées se révèle plaisant. De la cape, de l'épée, des amours contrariées, du burlesque et du mélo, pas un bouton ne manque à un livret et à une partition surannés en diable. Des numéros acrobatiques pour les chanteurs - qui nous font souvenir qu'on ne chantait pas du tout au XIXe siècle comme aujourd'hui - avec succession attendue de duos, trios, quatuors et chœurs, des ballets, des rutilances, de la tendresse, des soulignements guillerets ou dramatiques de l'orchestre : l'ensemble se révèle sans surprise. Mais pas sans charme si l'on goûte la poésie de ce divertissement : "Un grand spectacle populaire et total" selon les mots mêmes de son metteur en scène Éric Ruf.

© Pierre Grobois.
© Pierre Grobois.
Le sociétaire de la Comédie Française devenu l'incontournable organisateur de nos spectacles lyriques a fait le choix d'une illustration assez sage et même quelque peu old fashioned de l'œuvre - ce qui ne lui rend pas forcément service. C'est joli ces arbres, ce pré, ces charmilles aux actes I et III, mais c'est un peu ennuyeux. Même les (beaux) costumes Renaissance de Renato Bianchi ont tout de même un air de déjà vu. On se souviendra néanmoins des belles lumières de Stéphanie Daniel et des interventions excellentes de drôlerie et de pittoresque du chœur Accentus déguisé soit en chevau-légers du roi soit en personnages de commedia dell'arte pour une mascarade.

Côté solistes, l'américain Michael Spyres en Mergy confirme tout le bien qu'on pense de lui avec sa belle voix au registre manifestement étendu, de même que le Cantarelli plein de fantaisie d'Éric Huchet doté d'une gaillarde nature de ténor comique ici. Dans le rôle de Girot se signale heureusement le baryton-basse Christian Helmer quand la Nicette de Jaël Azzaretti libère tout le fantasque de son rôle à l'acte III - de loin le meilleur de l'opéra.

Spectacle vu le 23 mars 2015.

© Pierre Grobois.
© Pierre Grobois.
Prochaines dates : mercredi 25, vendredi 27, mardi 31 mars, jeudi 2 avril 2015 à 20 h.

Retransmission sur France Musique le 11 avril 2015.

Opéra Comique, 0 825 01 01 23.
Place Boieldieu, Paris 2e.
>> opera-comique.com

"Le Pré aux clercs" (1832).
Musique : Ferdinand Hérold (1791-1833).
Livret : Eugène de Planard.
Durée : 2 h 30 avec entracte.

© Vincent Pontet.
© Vincent Pontet.
Marie Lenormand, Marguerite de Valois.
Marie-Eve Munger, Isabelle de Montal.
Jaël Azzaretti, Nicette.
Michael Spyres, Mergy.
Emiliano Gonzalez Toro, Comminge.
Eric Huchet, Cantarelli.
Christian Helmer, Girot.

Paul McCreesh, direction musicale.
Eric Ruf, mise en scène et décors.
Renato Bianchi, costumes.
Stéphanie Daniel, lumières.
Glyslein Lefever, chorégraphe.

Chœur Accentus.
Christophe Grapperon, chef de chœur.
Orchestre Gulbenkian.

Christine Ducq
Vendredi 27 Mars 2015

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024