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Cirque & Rue

Un bouquet éclatant et lumineux d'artistes aux talents avérés pour un cabaret… Extraordinaire !

"Le Cabaret Extraordinaire", en tournée

Pari audacieux que de rassembler dans un même spectacle une palette d'artistes (faisant majoritairement partie de la même maison de production) ayant tous suffisamment de succès pour être à l'affiche dans une salle parisienne ou effectuer une tournée en France ou à l'étranger…



© Stella K.
© Stella K.
C'est pourtant ce qu'a réussi Armelle Hédin (également metteure en scène), directrice de la société de production et de diffusion de spectacles "Avril en Septembre", en concevant ce cabaret pas banal tant par sa distribution hétéroclite que par l'extrême qualité des artistes et des numéros présentés. Avec, pour parfaire ce cocktail improbable, de fortes doses d'humour déjanté, de burlesque aux accents virtuoses et de démesure mâtinée d'une franche dérision.

Le concept de ce type de production a l'avantage de rassembler un plateau très varié, donnant un aperçu gourmand de ce qui peut se faire de mieux dans le comique, le cirque et la musique ; mais avec l'inconvénient d'une distribution changeante en fonction des dates de représentations de chacun. Néanmoins la formule fonctionne bien même si on peut regretter un léger déséquilibre entre la première et la deuxième partie de soirée (la première étant supérieure en densité et en énergie) lors de la prestation du 3 février 2016 auquel nous avons assisté.

Maria Dolores et Fred Parker © Stella K.
Maria Dolores et Fred Parker © Stella K.
Comme dans tout bon cabaret ou cirque, il se doit d'y avoir un maître de cérémonie, mi-monsieur Loyal mi-clown. Ici, celui-ci se conjugue au féminin et prendra des allures de Diva hispanique avec la sensuelle, légèrement barrée (et aux propos souvent épicés), Maria Dolores... sublime, clownesque et sulfureuse à souhait !

Fil rouge de la soirée, tout autant chanteuse excentrique que clown blanc, Maria Dolores est secondée dans cette deuxième "fonction" par Jean-Jacques (excellent Christian Tétard, à la densité comique d'un Keaton), clown régisseur de plateau, faisant office d'Auguste, aux entrées inattendues et aux sorties fracassantes.

Côté invités réguliers ou moins, on retrouve avec un immense plaisir les Sea Girls qui interprètent quatre extraits de leur deuxième spectacle, "Les Sea Girls fêtent la fin du monde". Malicieuses et mutines en diable, leurs apparitions distillent à chaque fois un air de fête, à la fois coloré et joyeux ; et un (gros) brin de folie vivifiant. Étant actuellement à l'affiche de La Nouvelle Ève avec leur nouvelle création "La Revue", elles peuvent être absentes à certains moments de la tournée.

Jean-Jacques (Christian Tétard) et Yanowski © Stella K.
Jean-Jacques (Christian Tétard) et Yanowski © Stella K.
La virtuosité verbale, quant à elle, est représentée par les trois compères du Moustache Poésie Club dont l'impertinente faconde n'a d'égale que leur audace humoristique fleurie. La virtuosité muette, de son côté, est admirablement assurée par les Paraconteurs, un duo qui s'exprime avec des expressions déconcertantes, entre émotions furtives et humour noir, qui n'est pas sans rappeler la plasticité corporelle et mimique d'un Harold Lloyd ou d'un Harry Langdon. Ces deux formations n'apparaissent que sur certaines dates.

Dans les permanents du programme, Immo occupe une place particulière. Artiste inclassable, il est au cirque ce que Gustave Parking est au théâtre de rues. Homme orchestre, non pas d'instruments mais de numéros (jonglage, monocycle XXL, improvisations musicales, etc.), il diffuse avec une permanence spectaculaire un verbiage hilarant et réussi avec une dextérité déroutante à impliquer les spectateurs dans ses délires les plus fous.

Cerise sur le gâteau, sont conviés, au menu de ce délirant cabaret, le grand (en taille et en talent) Yanowski et son étrange pianiste Fred Parker qui, ensemble, ont connu avec leur invention – Le Cirque des Mirages - un succès au-delà de nos frontières. Ici, ils offrent au public, toujours baignées dans une ambiance rappelant l'expressionnisme allemand époque Robert Wiene ou Murnau, trois titres issus de leur répertoire habituel : "L'Amour à mort", "La Partie de cartes avec le Diable" et "Tonight in the night".

Thomas Trichet © Stella K.
Thomas Trichet © Stella K.
Enfin, en artistes de cirque invités, peuvent être présents Thomas Trichet, acrobate à la fluidité athlétique, qui pratique la Roue Cyr avec une réelle élégance ; Caroline Siméon qui excelle, quant à elle, au trapèze ; et Ava, la dame en verte (Orianne Bernard), clown original à la démarche lascive, féline et voluptueuse, qui nous propose notamment une torride recette de cuisine bourrée de sensualité et "so sexy".

Le Cabaret Extraordinaire est un vrai spectacle grand public, permettant de découvrir les différentes facettes d'expressions artistiques naviguant entre ce qu'il est traditionnel d'appeler le "music-hall" et ce qui compose aujourd'hui "le nouveau cirque et les arts de la rue". Une belle réussite pour avoir de nouvelles étoiles dans les yeux !

"Le Cabaret Extraordinaire"

Yanowski © Stella K.
Yanowski © Stella K.
De et avec : Maria Dolores, Christian Tétard, Le Moustache Poésie Club, Les Sea Girls, Immo, Les Paraconteurs, Yanowski et Fred Parker le duo du Cirque des Mirages, Caroline Siméon, Thomas Trichet, Ava La Dame en Verte...
Mise en scène : Armelle Hédin.
Lumière : Stan Davenel.
Son : Fabien Aumenier.
Durée : 2 h 20 avec entracte.

Tournée
27 février 2016 : Centre culturel Marx Dormoy, Grand-Quevilly (76).
8 avril 2016 : Espace 93 - Victor Hugo, Clichy-sous-Bois (93).
9 avril 2016 : Centre Culturel Georges Pompidou, Vincennes (94).
15 avril 2016 : Théâtre Claude Debussy - Palais des Festivals, Cannes (06).
26 avril 2016 : L'Embarcadère, Saint-Sébastien-sur-Loire (44).
6 mai 2016 : Relais Culturel - Théâtre, Haguenau (67).

Gil Chauveau
Vendredi 26 Février 2016

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À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
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Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023