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Théâtre

Avignon Off 2015 Quelques spectacles "coups de cœur"

Dans cet hypermarché du spectacle vivant, où la tête vous tourne à chaque coin de rue parce que saltimbanques, bonimenteurs, imitateurs, histrions, baladins, stars d’un mois et artistes en tout genre se côtoient… Entre cour des miracles et salon des refusés, que choisir ?



"Ulysse nuit gravement à la santé"

© DR.
© DR.
Un premier coup de cœur se porte sur "Ulysse nuit gravement à la santé". Avec le guitariste et instrumentaliste Mathias Castagné, Marien Tillet nous conte "l’Odyssée" d’Ulysse. Le Cyclope, les sirènes et Calypso… Toutes les grandes étapes du récit d’Homère sont là. Mais Ulysse n’est plus tout à fait un héros et Pénélope l’éternelle amoureuse qui attendra chastement son cher et tendre pendant vingt ans. Entre chant et violon, Marien Tillet est un puissant conteur qui réussit à transformer ce récit en récital, mi-fantastique, mi-drôle et parfois aussi caustique.

Chaque phrase est parfaitement ciselée et la rythmique très mélodique laisse le spectateur suspendu aux lèvres du conteur. C’est sans compter le beau travail d’Alban Guillemot (lumières) et de Simon Denis (son) qui arrivent, à travers ce récit conté, à recréer une ambiance flottante et vaporeuse. Cette atmosphère nous a d’ailleurs beaucoup fait penser à celle de la Cie des Dramaticules et ce qu’aime recréer Jérémie Le Louët (la troupe joue "Ubu" en ce moment au Théâtre Girasole). Grâce au talent de Mathias Castagné et de Marien Tillet, cette épopée déjà universelle et saisissante prend ici un tour particulièrement moderne.

"Ulysse nuit gravement à la santé"
D’après "L'Odyssée" de Homère.
Avec : Marien Tillet (récit-slam et violon), Mathias Castagné (guitare).
Son : Simon Denis.
Lumières : Alban Guillemot.
Durée : 1 h 05.
Compagnie Le Cri de l'Armoire.

Avignon Off Du 5 au 14 juillet 2015.
Tous les jours à 18 h 45.
La Manufacture, 2, rue des écoles, Avignon, 04 90 85 12 71.

"L'ami des Belges"

© Dominique Gaul
© Dominique Gaul
Un autre énorme coup de cœur avec un comédien formidable Fabrice Schillaci dans un seul en scène. Le texte est de l’auteur belge Jean-Marie Piemme : "L’ami des Belges". Un milliardaire français décide de s’exiler en Belgique pour des raisons fiscales, mais sur la route, sa voiture tombe en panne. Il est accompagné de son chauffeur et de son nègre sur qui il verse toute son arrogance et toute sa suffisance.

Ainsi cette espèce de nanti totalement mégalo est pris dans une "folie des grandeurs" qui le mène dans un délire ahurissant. La scénographie se déploie au fur et à mesure et de manière totalement surprenante et déjantée, à l’image du comédien qui développe et amplifie aussi son jeu. Dans ce rôle, Fabrice Schillaci est un beau mélange de François Morel et de Louis de Funès. Son jeu est brillant, le personnage jubilatoire.

Ce texte jouissif est évidemment d’actualité... Avec les nombreux exils fiscaux connus des Français depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir, la Belgique serait-elle l’avenir de la France ?

"L'ami des Belges"
Auteur : Jean-Marie Piemme.
Avec : Fabrice Schillaci.
Mise en jeu : Jean Lambert.
Lumières : Ophélie Kern.
Durée : 1 h 05.
Impakt Cie.

Avignon Off Du 4 au 26 juillet 2015.
Tous les jours à 10 h 10.
L'Entrepôt, 1 ter, boulevard Champfleury, Avignon, 04 90 86 30 37.

"Adolf Cohen"

© Jacques Combe.
© Jacques Combe.
Dans un genre très différent, "Adolf Cohen" est le récit exemplaire et intéressant d'un jeune homme sans cesse obligé de fuir son destin jusqu'au jour où celui-ci le rattrape. L'histoire part des pogroms d'Europe centrale pour finir en Israël. Mais deux étapes importantes jalonnent sa vie : la campagne française où il y est caché durant la guerre et adopté par Marcelle qui réussira à "sauver" son âme en le convertissant au catholicisme. Et son passage en Italie en tant que diacre.

Pour la petite histoire, ce prénom d'Adolf est le fruit d'une maman qui a voulu faire original à une époque où ce patronyme n'avait encore aucune connotation. Pour la grande et pour son auteur Jean-Loup Horwitz, "Adolf Cohen" est un "oxymore pour la paix", un hymne à l'humain et un cri contre les dogmes. Une phrase ouvre la pièce et résonne encore douloureusement à nos oreilles : "Un homme ressemble à un autre homme, surtout dans un linceul". Un spectacle comme celui-ci peut-il vraiment se frayer un chemin de paix au milieu de tant de massacres au nom de la religion ?

La question reste épineuse. Jean-Loup Horwitz, aussi dans le rôle éponyme, n'en demeure pas moins remarquable et captivant. Isabelle de Botton incarne les trois rôles successifs (la mère, la mère adoptive et la fiancée) avec beaucoup d'adresse.

"Adolf Cohen"
Auteur : Jean-Loup Horwitz.
Sous le regard de : Nicole et Jacques Rosner.
Avec : Isabelle de Botton et Jean-Loup Horwitz.
Musique : Porfesseur Inlassable.
Costumes : Chouchane Abello.
Lumières : Stéphane Baquet.
Durée : 1 h 20.

Avignon Off Du 4 au 26 juillet 2015.
Tous les jours à 14 h 20.
Au coin de la lune, 24, rue Buffon, Avignon, 04 90 39 87 29.

Mardi 21 Juillet 2015

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023