La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

Plus belle la vie… aux côtés d'Élisabeth Vitali

La chronique d'Isa-belle L

Bien renseignée. À Paris, le 16 juillet 2015, à 23 h 30, la température était de 30 degrés. J'étais sur ma bicyclette, pédalant, lentement, du VIIIe au XIVe, aspirant l'air chaud après un bon jus de fruits presque frais, au prix étouffant comme cette canicule qui a sévi dans notre cher Pays.



Élisabeth Vitali, Sandrine Le Berre, Marie-Hélène Lentini et Léa François © Franck Harscouët.
Élisabeth Vitali, Sandrine Le Berre, Marie-Hélène Lentini et Léa François © Franck Harscouët.
Pour informer. Dans le VIIIe de Paname, il y a le Musée Jacquemart-André (que je conseille) mais aussi le Théâtre Michel. J'aurais une tendance spontanée à déconseiller le Théâtre Michel en plein été, contrainte et forcée d'avoir dû enfiler mon gilet, à l'entrée. Il semblerait que la chaleur ait perturbé la ventilation de la direction, qui, ce soir-là, s'est lâché sur la climatisation.

Assise et emmitouflée, flanquée d'un gilet et d'un foulard bien serré, j'attendais gentiment que le spectacle commence.

Sérieuse et curieuse, regardant autour de moi, j'attendais celle pour qui j'ai grimpé jusqu'ici.

Son nom : Élisabeth Vitali.

Pour vous remémorer. Élisabeth Vitali est la comédienne qui (entre beaucoup d'autres rôles) donne la réplique à Sophie Marceau dans le film de Claude Pinoteau : "L'Étudiante". Année de sortie : 1988. J'avais 12 ans et, évidemment, Vincent Lindon… mais surtout "Céline" (Élisabeth Vitali), amie nerveuse et angoissée, du personnage principal "Valentine" (Sophie Marceau).

Marie-Hélène Lentini, Élisabeth Vitali et Isabelle Tanakil © Franck Harscouët.
Marie-Hélène Lentini, Élisabeth Vitali et Isabelle Tanakil © Franck Harscouët.
Pour en rajouter. Élisabeth Vitali, dont le Figaro Magazine écrivait récemment : "une des meilleures comédiennes de sa génération. Grand talent, grosse personnalité. D'où sa rareté à l'écran et sur scène, où les caractères forts sont craints." Ce que j'ai ri ! Pour une fois, je n'ai pas blâmé le Figaro, car, en effet, cette comédienne se fait trop rare. Et pour le croire, il suffit d'aller l'applaudir dans cette pièce, "Coiffure et Confidences", adaptation française de la pièce "Steels Magnolia" (potins de femmes chez les ricains).

Souriante et émue, j'ai vu entrer une de mes actrices préférées, d'une rare simplicité, sur le plateau un tantinet trop décoré, et des yeux, je ne l'ai plus quittée. Elle a quelque chose de Streisand dans le regard, de Mery Streep dans l'engagement, de naturel et c'est bluffant. Une comédienne que j'imagine sans "chichi", ni à vanter le nouveau régime de truc à base d'algues ou de baies de goji ni à s'exprimer sur ses gosses parce que "c'est tellemiiiinnn çô lô vie" (petite pensée pour Céline Dion, désolée). Une comédienne authentique, qui fait son métier loin des dérives médiatiques, des paparazzis survoltés, dont on ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'elle est douée et qui, malgré cette soi-disant forte personnalité effrayant sérieusement les productions ciné ou TV, semble bien sympathique.

Marie-Hélène Lentini et Élisabeth Vitali © Franck Harscouët.
Marie-Hélène Lentini et Élisabeth Vitali © Franck Harscouët.
Concentrée et amusée, j'ai suivi le destin de ces femmes qui, sur fond de frange, de ciseaux et de tasse de thé, racontent leur vie, se confient, s'émeuvent, se fâchent et se réconcilient. Élisabeth Vitali n'est pas seule sur scène. Dans ce salon de coiffure, échoué à Paimpol dans l'adaptation de Didier Caron, elle est bien entourée : Marie Hélène Lentini (excellente), Sandrine Leberre (craquante), Isabelle Tanakil (épatante), entre autres, donnent du cœur à l'ouvrage et du corps à leur personnage.

Touchée et les yeux embués de larmes, par celle pour qui j'ai pris froid ce soir-là, j'ai applaudi. J'ai triplement applaudi Élisabeth Vitali. Rien que pour la scène finale, courez-y ! Pour celles et ceux qui l'ont découverte avec ses yeux bleus, brillants de larmes et flippant face au jury, lors de son oral pour l'agrégation, piquant au passage la vedette à Sophie Marceau, vous la retrouverez au talent identique, à la générosité débordante face au public.

Pour terminer. "Grand talent, grosse personnalité" c'est évident. Du moins pour le talent. Je ne l'imagine pas sans personnalité et c'est tant mieux ! Dommage que cela fasse flipper. Personnellement j'ai beaucoup d'admiration pour ce genre de femme au caractère bien trempé. Ce genre de femme qui n'a besoin ni d'attaché de communication pour parler, ni de fouler le tapis de rouge avec The robe du styliste en vogue pour se faire remarquer.

Ravie et presqu'intimidée, je lui ai glissé un "bravo" alors qu'elle rejoignait un couple d'amis à la table voisine du bar de quartier. Je l'ai observée quelques instants. Simple en effet. Confortée surtout dans l'idée qu'il ne faut pas passer à côté de cette comédienne, ni craindre la climatisation exagérée du Théâtre Michel, cet été.

"Coiffure et Confidences"

Léa François, Isabelle Tanakil, Brigitte Faure, Sandrine Le Berre, Élisabeth Vitali et Marie-Hélène Lentini © Franck Harscouët.
Léa François, Isabelle Tanakil, Brigitte Faure, Sandrine Le Berre, Élisabeth Vitali et Marie-Hélène Lentini © Franck Harscouët.
Texte : Robert Harling.
Mise en scène : Dominique Guillo.
Assistante mise en scène :Aryane Raynaud.
Adaptation : Didier Caron.
Avec : Marie-Hélène Lentini, Léa François, Élisabeth Vitali, Sandrine Le Berre, Isabelle Tanakil, Brigitte Faure (juin et août), Ariane Pirie (juillet).
Décor : Olivier Prost.
Musique : Raphaël Sanchez.
Costumes : Christine Chauvey.

Jusqu'au 29 août 2015.
Du mercredi au samedi à 21 h, samedi à 17 h.
Théâtre Michel, Paris 8e, 01 42 65 35 02.
>> theatre-michel.fr

Isabelle Lauriou
Samedi 15 Août 2015

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter











À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024