La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
À l'affiche

Tim aux crayons d’argent

Future rubrique "Expos" - "Tim Burton L'Exposition" à la Cinémathèque Française

Jusqu’au cœur de l’été, la Cinémathèque française propose un panoramique et 700 gros plans sur un Tim Burton en ébullition permanente.



Tim Burton, L'Exposition à La Cinémathèque française © Stéphane Dabrowski / La Cinémathèque française.
Tim Burton, L'Exposition à La Cinémathèque française © Stéphane Dabrowski / La Cinémathèque française.
Les commissaires d’exposition qui ont donné naissance à ce grand panorama rétrospectif, inauguré au MoMa (Museum of Modern art) de New-York en 2009, se posèrent visiblement la question : une rétrospective d’un artiste vivant, c’est quoi ? Comment représenter la partie la plus "vivante" d’un artiste toujours parmi nous, et comment créer un chemin direct vers son œuvre en devenir ?

Pour commencer à y répondre, ils demandèrent à Tim Burton l’autorisation de fouiller dans les tiroirs de sa maison actuelle. Mais ils sondèrent aussi, en archéologues, les coffres de son enfance et de son adolescence.

Ils ne sont pas tombés dans le panneau facile qui consiste à attirer un public de fans au moyen d’une scénographie en forme de parc d’attractions, un "Burtonland" avec grandes roues, gadgets bruyants, musique de foire et clinquant superficiel. Pour notre plus grand bonheur, elle fuit le côté attendu d’un grand show hollywoodien et a l’intelligence de prendre un parti plus fort, parce que plus sensible, en donnant la priorité aux œuvres et aux documents les plus fragiles et les plus intimes de Tim Burton. Ses dessins épars, ses griffonnages sur un coin de nappe, ses carnets de croquis, ses caricatures, ses essais successifs de costumes et de décors…

Collection privée © 2011 Tim Burton.
Collection privée © 2011 Tim Burton.
C’est une exposition généreuse, dans laquelle il faut prendre le temps de scruter le moindre détail des quelques 700 documents graphiques, travaux photographiques, tableaux, sculptures, objets, courts-métrages, clips, essais de jeunesse, extraits de films, qui nous sont présentés chronologiquement et thématiquement.

Mais la chair de cette rétrospective, ce sont ces centaines de dessins, pour la majorité totalement inédits. Approcher ces dessins, c’est déjà pénétrer dans l’univers spécifique de Tim Burton, faiseur de mondes. Dessiner est pour lui un plaisir, un moteur de transmission, un outil qui lui permet de découvrir son propre inconscient, puis, plus tard, de communiquer ses sensations et ses idées à son équipe, sur le plateau.

Collection privée © 2011 Tim Burton.
Collection privée © 2011 Tim Burton.
On pourrait croire qu’il est facile de dessiner des monstres : on trace un corps, des pieds trop grands, des oreilles poilues, une tête d’animal mi-menaçant, mi-ridicule, des antennes d’extra-terrestre… Oui. Mais Tim Burton crée des monstres vivants, émouvants, avec leur déhanchement si caractéristique, leurs humeurs changeantes, leur personnalité ambiguë. Il échafaude une galaxie de personnages branchés sur le courant alternatif de la folie, dont la complexité touche à l’absurde, à la poésie, à la fantasmagorie. Ces rencontres du troisième type nous font tour à tour rire et grimacer d’amertume.

Tous ces travaux graphiques nous permettent de comprendre que Tim Burton ne fait pas qu’emprunter des styles comme on enfilerait des costumes issus de la garde-robe de l’étrange et du macabre - costumes gothiques, animaux imaginaires, maquillages de clowns, silhouettes d’épouvantail, accessoires de carnaval, combinaisons d’extraterrestres, architectures expressionnistes... Il développe une critique de la société humaine qui rejette l’Autre, le Différent, l’Étranger, tout en étant attirée par lui. Pour lui, c’est dans l’informe, le chaotique, la métamorphose, que le monde peut exister, c’est à la marge que la vie peut toucher au plus près l’intensité de la liberté et de la création. Mais aussi la mort, personnage récurent et incontournable de son jardin extraordinaire.

© Leah Gallo/Warner Bros/DreamWorks LLC.
© Leah Gallo/Warner Bros/DreamWorks LLC.
Légendes complètes :
● Personnages sous vitrine et vue de l'une des salles,
"Tim Burton, L'Exposition" à La Cinémathèque française
© Stéphane Dabrowski/La Cinémathèque française.

● Tim Burton, Sans titre (Doodle Pad Series – Série de gribouillages sur bloc de papier). 1989–1993.
Encre et crayon de couleur sur papier, 43,2 x 61 cm.
Collection privée © 2011 Tim Burton.

● "L'étrange Noël de Monsieur Jack".
Tim Burton, Sans titre (Sally). 1993.
Polaroid, 83,8 x 55,9 cm.
Collection privée © 2011 Tim Burton.

Sweeney Todd : le diabolique barbier de Fleet Street
(Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street).

Réalisé par Tim Burton (2007).
Photo Credit : Leah Gallo © Warner Bros/DreamWorks LLC.

Collection privée © 2011 Tim Burton.
Collection privée © 2011 Tim Burton.
● Tim Burton, Sans titre (Trick or Treat). 1980.
Crayon, encre, marqueur et crayon de couleur sur papier, 23,8 x 39,4 cm.
Collection privée © 2011 Tim Burton.

● Tim Burton, Sans titre (Série Cartoons). 1980–86.
Crayon de papier sur papier, 33 × 40,6 cm.
Collection privée © 2011 Tim Burton.

"Tim Burton L'Exposition"

Collection privée © 2011 Tim Burton.
Collection privée © 2011 Tim Burton.
Une exposition conçue par The Museum of Modern Art, New York.
Commissariat : Jenny He et Ron Magliozzi avec Rajendra Roy (MoMA).
Collaborateur artistique à La Cinémathèque française : Matthieu Orléan.
Scénographie : Pascal Rodriguez.
Graphisme : Marion Solvit.

Du 7 mars au 5 août 2012.
Lundi, mercredi à vendredi, de 12 h à 19 h.
Week-end, jours fériés et vacances scolaires (14 au 29 avril et 4 juillet au 5 août) : 10 h à 20 h.
Nocturne le jeudi jusqu’à 22 h. Fermeture le mardi et le 1er mai.
La Cinémathèque Française, 51, rue de Bercy, Paris 12e.
>> cinematheque.fr

Camille Dieuaide
Mardi 10 Avril 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024