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Théâtre

"Peer Gynt", une matière merveilleuse qu'Ibsen, avec beaucoup d’humour, a concrétisé

"Peer Gynt", Théâtre de la Tempête, Paris

Malmené par les trolls, ces esprits espiègles de la montagne de Norvège, et secoué par la ruine inexorable de la maison familiale, ce moins que rien de Peer Gynt, ce vaurien, galopin de village qui, après avoir enlevé la jeune mariée, disparut un jour au-delà des montagnes sans laisser d’adresse, est devenu une légende poussée par les rumeurs successives concernant sa vie.



© Cie ici et maintenant.
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L’histoire de "Peer Gynt" relatée par Henrik Ibsen prend la forme d’une suite racontée à la mode picaresque. Autant de saynètes, autant de tons différents. Autant d’épisodes incohérents entre eux. La pièce est probablement injouable et lui trouver une unité est malaisé.

C’est que le personnage lui-même a bien du mal à trouver son identité. Fragmentée, multiple, la nature de Peer Gynt échappe à sa réalité. Peer Gynt serait un antihéros si, au cœur du récit, ne subsistait le sentiment d’une mère aimante et désespérée et d’une fiancée fidèle en dépit de l’absence. Comme autant de pelures d’un même oignon, la pièce rassemble une matière insaisissable. Celle d’un mystère plus vrai que vrai. Celui d’une nature humaine s’exprimant en Norvège. Mi-farce mi-drame.

© Cie ici et maintenant.
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De la même manière qu’il existe une matière de Bretagne s’agissant du roi Arthur et de l’enchanteur Merlin, le personnage de Peer Gynt est une matière merveilleuse qu’Ibsen, avec beaucoup d’humour, a concrétisé.

C’est tout l’enjeu et le mérite de Christine Berg que d’entreprendre l’ascension de cette montagne et de voir le public l’accompagner.

Ce dernier ne boude pas son plaisir, même s’il peut être dérouté par le ton de certains épisodes.

© Cie ici et maintenant.
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La proposition dessine une trajectoire, un destin. C’est déjà plus que beaucoup. Pleine d’énergie, elle a de la jeunesse les immenses qualités et… ses défauts. En cela, elle est fidèle à l’œuvre.

Il faut voir comme le rôle-titre caracole, tient le texte comme en un rodéo. Trébuchant quelquefois, reprenant pied, repartant plein d’allant pendant que la mère vocifère et pleure, pendant que la fiancée panse les plaies et pense l’amour, et que les trolls trompent leur monde.

À découvrir et apprécier.

"Peer Gynt"

© Cie ici et maintenant.
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Texte : Henrik Ibsen.
Traduction : François Régnault.
Mise en scène : Christine Berg.
Assistant à la mise en scène : Léo Cohen-Paperman.
Avec : Moustafa Benaibout, Loïc Brabant, Céline Chéenne, Vanessa Fonte, Antoine Philippot, Stephan Ramirez.
Accompagnés par : Gabriel Philippot aux saxophones et Julien Lemoine aux percussions.
Scénographie et costumes : Pierre-André Weitz.
Lumières : Élie Romero.
Musique : Gabriel Philippot.
Durée : 2 h 10.

Du 8 mai au 8 juin 2014.
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h.
Théâtre de la Tempête, Salle Serreau, Paris 12e, 01 43 28 36 36.
>> la-tempete.fr

Jean Grapin
Lundi 26 Mai 2014

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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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15/10/2023