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Lyrique

Légendes et pépites au Festival d'Auvers-sur-Oise

Depuis le 11 juin et jusqu'au 8 juillet 2016, le Festival d'Auvers-sur-Oise propose une série de concerts aussi variés que réjouissants pour sa 36e édition. Après le récital d'ouverture donné par la délicieuse Patricia Petibon, la recréation française du dernier oratorio de Charles Gounod, "Saint-François d'Assise", a donné lieu à une autre soirée exceptionnelle avec un bouleversant Stanislas de Barbeyrac dans le rôle-titre.



© DR.
© DR.
Dans la charmante bourgade d'Auvers-sur-Oise - véritable joyau du Parc du Vexin qui ne semble guère avoir changé depuis que Charles-François Daubigny et les Frères Van Gogh (1) l'ont arpenté - ainsi que d'autres lieux remarquables se tient la 36e édition d'un festival populaire et exigeant. Étoiles de la scène ou jeunes talents, tous ont leur place depuis le début de cette belle aventure - jusqu'au peintre choisi cette année, Gaël Davrinche, dont on peut admirer les toiles à Auvers.

Fidèle du festival, la soprano Patricia Petibon a ouvert cette 36e édition par un récital titré "Rosso, Italian baroque arias" (reprenant un programme qu'elle a enregistré sur disque), accompagnée par l'habituel et excellent Venice Baroque Orchestra. C'est avec son naturel mutin ("Tornami a vagheggiar") mais aussi sa capacité à la plus haute expression mélancolique ("Ah ! Mio cor") ou passionnée ("Piangero la sorte mia") dans des arias extraits de "Alcina", "Ariodante" et "Giulio Cesare" (2) que la chanteuse a littéralement transporté le public. Fine liane souple, cette princesse baroque a sans peine électrisé la soirée avec les nuances adamantines de son chant au timbre rond, délicat et son engagement scénique.

Stanislas de Barbeyrac © DR.
Stanislas de Barbeyrac © DR.
Impressionnante, magique, stratosphérique, les adjectifs se bousculent pour qualifier la merveilleuse interprétation de Saint-François par le ténor Stanislas de Barbeyrac dans un oratorio méconnu de Charles Gounod. "Saint-François d'Assise" est une œuvre composée en 1890 peu avant la mort d'un compositeur qui faillit entrer (jeune) dans les ordres - et dont la partition fut longtemps introuvable. Pascal Escande, directeur artistique du Festival d'Auvers, l'a retrouvée dans des circonstances littéralement rocambolesques il y a plus de vingt ans.

C'est donc à la Philharmonie 2 que Laurence Equilbey, à la tête de l'Orchestre de Chambre de Paris et du chœur Accentus, a livré une version idéale de ce drame mystique en deux parties (après deux belles pièces de Liszt, dont une "Légende de Sainte-Cécile" chantée par une émouvante Karine Deshayes) (3). D'une inspiration élégiaque et tragique, "Saint-François d'Assise" raconte l'apparition du Christ (Florian Sempey intense) sur la croix accueillant le saint au moment de sa mort. Baigné de la foi inébranlable du croyant et des certitudes de l'éternité, l'oratorio a décidément trouvé avec Stanislas de Barbeyrac le plus sublime des interprètes. Sa voix d'or vivant aux inflexions d'un lyrisme poignant nous a littéralement plongés dans la béatitude de l'extase musicale (4).

(1) Quelqu'un ignorerait-il encore que les Frères Van Gogh sont enterrés à Auvers ?
(2) Opéras de G. F. Haendel.
(3) Avec "Du berceau jusqu'à la tombe" et un "Hymne à Sainte-Cécile" de Gounod.
(4) La Fondation Bru Zane enregistrait le concert en cette soirée du 22 juin, disponible bientôt au CD.


Petite sélection des prochains concerts :
2 juillet 2016 : "Le Prince du violoncelle", Gautier Capuçon, Jérôme Ducros.
5 juillet 2016 : "Du style, de l'énergie, du risque et du talent !", Quatuor Van Kuijk, Fanny Azzuro.
8 juillet 2016 : "Les lois du cœur et de l'âme", Philippe Jaroussky, Ensemble Artaserse.

Programme complet du Festival d'Auvers-sur-Oise :
>> festival-auvers.com

Christine Ducq
Lundi 27 Juin 2016

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023