La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Le père"… Admirable Hirsch !

"Le père", Comédie des Champs Elysées, Paris

La mise en scène de Ladislas Chollat met en lumière les relations entre un père et sa fille dans lesquelles les lieux, les personnages et le temps sont appréhendés par leurs points de vue différents. Le jeu de Robert Hirsch est admirable de naturel, campant un père superbe de truculence.



© Lot.
© Lot.
La scène laisse apparaître l'intérieur d'une salle de séjour de couleur clair, aéré et composé d'un canapé, d'une table et de chaises. Anne a proposé à son père André, d'un certain âge, de s'installer dans son appartement.

L'histoire est à triple foyer théâtral avec un temps, des personnages et des lieux, décalés respectivement dans la chronologie, dans les comportements et dans des espaces miroirs. Le temps est omniprésent, symbolisé par cette montre que le père (Robert Hirsch) cherche et réclame souvent.

L'histoire se déroule dans des villes, Paris et Londres, dans des couples, marié et divorcé, dominé par un sentiment multiple et ambivalent envers un père qui prend une place dans le couple, devenant sujet d'attention, de souci ou de remords pour sa fille, ou de violence presque physique pour son compagnon. Tout se mêle intelligemment déroutant le spectateur dans la perception qu'il peut avoir de la pièce.

© Lot.
© Lot.
La mise en scène de Ladislas Chollat croise intelligemment les lieux et les personnages. Tout se mélange avec harmonie mettant les spectateurs dans la même disposition que le père, perdu dans le temps et les lieux. C'est une tragédie comique. Derrière les rires, les situations presque cocasses, un drame se dessine. Ce lieu, qui est le même pour la fille, est à chaque fois différent pour le père. Tout change et pourtant, rien n'a changé selon le point de vue adopté par le père ou la fille. Qui croire ?

Au-delà d'une vieillesse qui fait perdre au père ses repères, le drame est aussi sentimental pour Anne dont son père a une préférence pour son autre fille, pourtant loin de lui. C'est un sacrifice aveugle, sans retour, d'une fille pour son père. Cruels destins à la fois pour la fille et le père.

C'est un regard à la fois tendre et violent, marqué de remords, d'incompréhension ou d'amour, sur les rapports que nous entretenons avec nos parents ou les personnes du troisième âge.

Le jeu de Robert Hirsch est de très grande qualité. Il campe un père truculent et superbe de vérité, de naturel. Il incarne jusque dans sa voix, son corps et ses attitudes, ce père dans les dernières forces de l'âge. La dernière scène est un miracle de résurrection. On voit le père, atteint de vieillesse ultime, tremblant, le visage froissé par les rides avec des attitudes et des propos enfantins. Le retour à l'enfance de la vieillesse.

"Le père"

© Lot.
© Lot.
Texte : Florian Zeller.
Mise en scène : Ladislas Chollat.
Assistant à la mise en scène : Jeoffrey Bourdenet.
Avec : Robert Hirsch, Florence Pernel, Jean-Pierre Bouvier, Sophie Bouilloux en alternance avec Marie Parouty, Élise Diamant, Emmanuel Patron.
Décor : Emmanuelle Roy.
Lumières : Alban Sauve.
Musique et sons : Frédéric Norel.
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz.
Durée : 1 h 30.

Du 17 janvier au 28 juin 2015.
Du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 16 h.
Comédie des Champs Elysées, Paris 8e, 01 53 23 99 19.
>> comediedeschampselysees.com

Safidin Alouache
Vendredi 27 Février 2015

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024