La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
À l'affiche

Exposition Électeurs on vous Trompe !

La Scam, l’Association Scam-Vélasquez et Alain Weill présentent une exposition d’affiches électorales, à l’aune de la période des élections présidentielles de 2017. Collectés depuis des décennies, la plupart de ces documents sont devenus rares.



© SCAM.
© SCAM.
L'affiche et le suffrage universel masculin sont tous deux enfants de la 2e moitié du XIXe siècle. L'affiche électorale, qui voit le jour, n'a jamais eu de prétention artistique : presque toujours typographique, imprimée sur du papier de dernière qualité, elle avait pour seul but de faire connaître aux électeurs le programme du candidat - et l'indigence du discours politique ne date pas d'aujourd'hui !

Dans cet océan de médiocrité, on peut cependant trouver quelques bijoux d'insolence non conformiste. Nous en avons réuni ici quelques-uns qui forment un ensemble assez réjouissant.

Nous proposons une promenade chronologique pour parcourir l'exposition.
Le plus ancien document - et probablement le plus décalé - est la profession de foi de Paulin Gagne pour les élections de 1869 : "J'aspire à devenir le décrotteur du monde". C'était un authentique fou littéraire (1).

© SCAM.
© SCAM.
Vient ensuite le formidable coup de pied au cul donné à Badinguet - alias Napoléon III - donné par les pères fondateurs de la IIIe République. Un humour féroce et ironique qui caractérise l'époque et qui devient à Montmartre délirant, insolent et ravageur. Tous les marginaux s'y retrouvent et choisissent rapidement, pour donner une large diffusion à leurs canulars, l'affiche politique. En tête, bien sûr, Rodolphe Salis, fondateur du Cabaret du Chat Noir, inventeur auto-proclamé de Montmartre.
Dans son programme loufoque on trouve, à y regarder de près, quelques propositions intéressantes.

Alphonse Allais - rédacteur en chef du magazine "Le Chat Noir" - ne se présente pas directement mais par l'entremise d'un de ses personnages "Le captain cap" (2). Son programme anti-européen et anti-bureaucratique laisse rêveur. Narcisse Lebeau (joli pseudonyme), chansonnier et ami proche d'Alphonse Allais se moque avec une ironie grinçante du népotisme politique.

Toujours battant le pavé montmartrois, on trouve d'autres farfelus qui ne sont pas passés à la postérité : Marius Rety et Léon Hayard proposent deux candidats pour le prix d'un ! Les deux compères étaient des piliers des cabarets montmartrois. Le second, roi des camelots, était un prolifique éditeur de la littérature de trottoir. On ne saura sans doute pratiquement jamais rien de Jean-Mangetout, vidangeur… sa proposition de scrutin par rue, si elle vise des personnalités en vue, est simplement incompréhensible.

Mais il n'y a pas à Montmartre que des candidatures bidon : le grand chansonnier Aristide Bruant (3), prolifique compositeur de chansons sur la misère et la pègre parisiennes y va pour de vrai et trousse son affiche en forme de chanson. Le père peinard (4), publication anarchiste, ne présente bien sûr pas de candidats mais profite cependant des périodes électorales pour imprimer de virulents pamphlets.

© SCAM.
© SCAM.
Enfin, pour clore cette avant-guerre, un dernier canular pataphysique (et un candidat qui ne s'est jamais présenté) : le père Ubu, en personne !

Avec la grande guerre, cette forme d'humour disparaît. Les surréalistes auraient sans doute pu prendre la relève s'ils n'avaient pas pris la politique au sérieux. De candidatures fantaisistes, fort peu - ce pourquoi, bien qu'il ne s'agisse que d'une affichette, nous avons tenu à rendre hommage à Ferdinand Lop, candidat à toutes les élections, qui fit la joie des étudiants au quartier latin.

Maurice de Rothschild, lui, ne plaisante pas et ose, avec son slogan "mon nom est mon programme", l'affiche sans doute la plus culottée jamais conçue. La IVe République s'enferme dans le ronron d'affiches anti-communistes, gaullistes (ou anti) jusqu'à ce que tout explose en mai 68 où une jeune génération retrouve la férocité des dessinateurs de "L'Assiette au beurre" à la fin du XIXe siècle.

Les couvertures de "Charlie Hebdo" conçues comme des affiches, sont effectivement placardées dans les kiosques. Reiser, Gébé, Cabu et toute l'équipe s'en donnent à cœur joie pour dénoncer une république podagre ! Le premier, pour le P.S. en Bretagne, Alain le Quernec met en garde contre Le Pen ; quant à la candidature de Coluche, elle ne fait pas rire du tout la classe politique !

Plus près de nous, Sarkozy, obsédé qu'il est par le pouvoir, alors que l'affiche militante se meurt, a singulièrement celui d'inspirer quelques réactions bien venues. Gaspard Delanoë, enfin, doit être remercié pour avoir osé faire une affiche, pour rire, dans une époque où on ne rit (presque) plus.

En réunissant ces quelques affiches, pour beaucoup de fantaisie, nous ne nous doutions pas qu'avec la campagne électorale qui s'ouvre la réalité avait des chances de dépasser la fiction !

© SCAM.
© SCAM.
Toutes les affiches proviennent de la collection d'Alain Weill à l'exception de celles portant une pastille rouge qui ont été prêtées par Guillaume Zorgbibe que nous remercions ici.

(1) André Blavier. "Les fous littéraires" p. 687 et suivantes. Hengri Veyrier. Paris - 1982.
(2) On peut se régaler à la lecture de "Le captain cap" d’Alphonse Allais réédité dans la collection 10/18.
(3) Avec l’âge, il vire à un populisme nauséabond. Il recueille 525 voix et se retire dans son château de Courtenay.
(4) Animé par Émile Pouget, dans un style joyeusement argotique, "Le père peinard" paraît de 1889 à début 1894. Les "Lois scélérates" votées en 1893 contre les anarchistes l’obligent à s’exiler à Londres.


Exposition du 21 mars 2017 au 26 mai 2017 à la Scam,
5, avenue Vélasquez, Paris 8e - Métro Villiers.
Entrée libre sur présentation à l’accueil.
Du lundi au vendredi, de 10 h à 17 h 30.
Tél. : 01 56 69 58 58.
>> scam.fr/

Alain Weill
Lundi 20 Mars 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024