La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Aedes… dix ans d'une riche aventure humaine et musicale

Le chœur Aedes, fondé par le jeune et talentueux Mathieu Romano, fête ses dix années d'existence en cette saison 2015/2016. Reconnu pour son interprétation d'un large répertoire couvrant cinq siècles, dont la musique contemporaine, Aedes innove en ce début 2016 avec un spectacle original, "Léon et Léonie", consacré aux chansons de Brel et de Barbara. Rencontre avec un chef de chœur heureux et résolu.



© DR.
© DR.
Il en a fait du chemin le chœur Aedes depuis sa création en 2005 ! Distingué par son excellence dans le répertoire a cappella, ses participations à des oratorios ou des opéras dans les meilleurs festivals se sont aussi multipliées ces dernières années. L'ensemble à géométrie variable de dix-sept à quarante chanteurs est depuis 2015 en résidence à la Cité de la Voix à Vézelay outre les théâtres de Compiègne et d'Auxerre. Mathieu Romano fait le point avec nous.

Christine Ducq - Quelle est l'actualité d'Aedes ?

Mathieu Romano - Nous commençons lundi (11 janvier, NDLR) les répétitions de notre nouveau spectacle "Léon et Léonie". Quatre concerts sont prévus à partir du 22 janvier avec dix-sept chanteurs, les fidèles de l'ensemble.

… Qui sont présents depuis dix ans ?

Mathieu Romano - Oui, certains sont là depuis dix ans, d'autres ont intégré le chœur il y a trois ou quatre ans. C'est un groupe stable.

Ensuite, vous mettez à votre programme une passion de Bach ?

Mathieu Romano - Oui, nous chanterons "La Passion selon Saint-Jean" le 23 mars 2016 à l'Opéra de Massy, avant une grande tournée qui nous mènera jusqu'en été. C'est la volonté de l'ensemble d'être généraliste, capable de chanter aussi bien Bach que Brel. Le choix de Bach est symbolique puisque nous fêtons nos dix années d'existence et que nous avons fait notre tout premier concert avec cette passion précisément.

© DR.
© DR.
Comment est née l'idée du spectacle "Léon et Léonie" ?

Mathieu Romano - Je rêvais de Brel depuis longtemps. J'ai toujours pensé que ses chansons pouvaient être adaptées pour un chœur. J'avais aussi envie d‘élargir notre répertoire et toucher un nouveau public. J'en ai parlé à un ami metteur en scène, Jean-Michel Fournereau, qui m'a donné l'idée de lui associer Barbara. Ce sont deux grands artistes qui se connaissaient très bien et s'estimaient beaucoup. Ils ont joué ensemble en 1971 dans "Franz" un des films de Brel.

Nous avons eu évidemment la tâche difficile de sélectionner dix-sept chansons dans leur vaste répertoire qui en compte tant de magnifiques. Puis nous avons demandé à des compositeurs et des arrangeurs de se réapproprier ces œuvres. Ce sont donc de réelles recompositions - fidèles aux chansons d'origine néanmoins. Ce spectacle sera très complet avec une scénographie, une vraie mise en scène et nous avons aussi travaillé avec une chorégraphe. C'est la première fois qu'Aedes s'aventure aussi loin du format classique du concert : c'est un énorme travail. Mais nous en sommes capables désormais.

Pierre Boulez vient de nous quitter. L'avez-vous connu ?

Mathieu Romano - Oui, juste après mon entrée au conservatoire de Paris dans la classe de direction d'orchestre, j'ai assisté à une de ses master-classes en 2009. C'était une rencontre incroyable. J'ai découvert un homme affable, très généreux. Il était très exigeant bien-sûr mais aussi extrêmement à l'écoute.

Avec l'ensemble Aedes, vous avez parcouru un chemin impressionnant en dix ans. Quelle est votre expérience la plus marquante ?

Mathieu Romano - Incontestablement notre concert à Vézelay avec le Chœur de la Radio Lettone cet été - un des meilleurs chœurs au monde. Ce fut une expérience éblouissante et nous avons pu confronter nos modes de chant, nos cultures musicales. Chanter avec ce chœur "Figure humaine" de Francis Poulenc - un de nos compositeurs fétiches - et la très belle messe de Franck Martin, dans le cadre exceptionnel de la basilique de Vézelay, restera un de nos meilleurs souvenirs !

Depuis dix ans, nous travaillons et sommes fiers aujourd'hui d'avoir gagné la reconnaissance de nos pairs - même si nous attend encore beaucoup de travail. Je m'attache davantage au chemin qu'à la destination.

© DR.
© DR.
D'où vous est venue l'idée de créer un chœur ?

Mathieu Romano - J'ai commencé la direction de chœur très jeune à quinze ans au conservatoire d'Auxerre. Cela m'a beaucoup plu. Quand je suis arrivé à Paris pour mes études de flûte, j'ai intégré le Jeune Chœur de Paris qui était dirigé à l'époque par Laurence Equilbey (1). Avec une dizaine d'amis rencontrés là-bas, nous avons fondé un ensemble. Nous chantions dans les couloirs de la station Saint-Augustin sur la ligne 9 pour la fête de la musique. L'ensemble s'est développé et le travail aidant nous avons obtenu les soutiens nécessaires pour grandir.

Quel est le son d'Aedes ? Évolue-t-il ?

Mathieu Romano - Il évolue en même temps que moi. Le son d'Aedes est le fruit d'une recherche quasi-scientifique d'homogénéité par un travail sur les différentes harmoniques du son - en focalisant l'écoute sur elles. Je cherche une puissance sans force et une grande brillance aussi.

Ce qui demande une très grande cohésion.

Mathieu Romano - Exactement. Nous recherchons la cohérence et donc une cohésion humaine et musicale. Car, pour moi, Aedes est avant tout une aventure humaine qui requiert chez un chanteur le désir de se fondre dans un ensemble et d'écouter les autres.
Nous essayons de chanter avec les mêmes artistes régulièrement afin de bien nous connaître et aller dans le sens de la plus grande exigence possible. La difficulté étant que n'ayant pas le statut de chœur permanent (2), ce travail doit se faire dans le temps réduit des répétitions de nos spectacles.

Quelle est votre ambition pour votre chœur ?

Mathieu Romano - Continuer à élargir notre répertoire et avoir une palette variée tout en cherchant toujours l'excellence. Et continuer à monter de beaux projets originaux pour que nous puissions progresser ensemble tout au long de notre vie musicale. Et ce, malgré les difficultés de notre époque bien peu favorable pour les artistes en ces temps de disette budgétaire. La France a besoin d'une vraie politique culturelle ambitieuse. Ce qu'elle n'a pas.
Je nous souhaite de pouvoir fêter nos vingt ans dans dix ans mais je n'en suis malheureusement pas sûr.

Quelle est la place de la direction d'orchestre dans votre vie de musicien ?

Mathieu Romano - Une place importante même si quatre-vingts pour cent de mon activité est consacrée à Aedes. L'ensemble est au cœur de l'aventure musicale de ma vie et j'ai envie de porter ce projet en priorité.

Notes :
(1) Laurence Equilbey est aujourd'hui à la tête du chœur Accentus et de Insula Orchestra.
(2) Les chanteurs d'Aedes ont un statut d'intermittents et poursuivent généralement une autre carrière musicale parallèlement.

Interview réalisée le 8 janvier 2016.

"Léon et Léonie - Chansons de Brel et Barbara".
Jean-Michel Fournereau, mise en scène.
Mathieu Romano, direction.
Gilles Fournereau, lumières.
Justine Bougerol, scénographie.
Armelle Cornillon, chorégraphie.
Ensemble Aedes.

Vendredi 22 janvier 2016 à 20 h 30 : Théâtre Impérial, Compiègne (60) .
Vendredi 29 janvier à 19 h 30 et samedi 30 janvier 2016 à 11 h : Théâtre Municipal, Auxerre (89).
Jeudi 13 mars 2016 à 20 h 30 : Théâtre Anne de Bretagne, Vannes (56).

Programme complet de la saison :
>> ensemble-aedes.fr

Christine Ducq
Mardi 12 Janvier 2016

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024